Il semble désormais bien loin, le temps de la « révolution de jasmin » qui aura enchanté, bien peu de temps, la coterie médiatique. En Tunisie, fini les aspirations de démocratie, de liberté et de benoîte fin du joug de Ben Ali. Dans le concert de toutes ces révolutions arabes, elle aussi n’aura accouché que d’un regrettable requinquage islamique.
Le pays renoue, ainsi, avec les attentats en 2015 (notamment au musée du Bardo – 24 morts – et à Sousse – 39 morts), avec les partis islamistes (montée en puissance d’Ennahdha), avec les mœurs religieuses suspectes (comme ce mariage forcée d’une mineure de 13 ans enceinte suite au viol d’un proche) et avec la radicalisation au point de devenir, pour l’État islamique, le principal vivier de combattants du Maghreb. Modestement estimés à plus de 5.000 hommes (selon l’ONU), le triste retour à la réalité s’amplifie avec la perspective de leur retour au pays, faisant craindre le pire à ce pays qui désespère de se remettre debout.
D’un côté, le Syndicat national des forces de sécurité intérieure avoue craindre une « somalisation de la Tunisie ». De l’autre, on redoute de reproduire le cas algérien, suite aux retours de ses combattants afghans qui s’étaient réorganisés (avec la création du GIA) et avaient inauguré, par la suite, une décennie de terrorisme (dont le massacre des moines de Tibhirine). Parallèle plus que compréhensible, car on peut difficilement imaginer un retour de repentis, après des mois au front et un entraînement des plus adaptés.
Anis Amri, auteur tunisien de l’attentat de Berlin sur un marché de Noël le 19 décembre dernier, donne le ton et ravive l’inquiétude, et donne au débat une nouvelle ampleur. De quoi faire paniquer le pouvoir politique et, en filigrane, les acteurs économiques. Tout ceci est fort embarrassant et vient nuire, un peu plus, à l’image du pays. Si de nouveaux attentats étaient perpétrés, il serait dans l’incapacité complète de se relever pour un long moment.
De leur côté, les politiques font leur boulot : relativiser les inquiétudes et faire de la communication. Mardi dernier, l’ancien ministre du Commerce Mohsen Hassan parlait encore d’« exagération ».
L’enjeu est de taille : à défaut de préserver la sécurité, il faut préserver l’image du pays, pour éviter que la venue des uns ne fasse fuir les autres. Les touristes, déjà bien refroidis par ces cinq dernières années, hésiteront encore davantage. C’est pourtant le tourisme seul qui peut encore relever quelque chose, en supposant qu’il ne soit pas déjà trop tard. Mais le récent attentat d’Istanbul (en Turquie) dans une boîte de nuit par un papa Noël (39 morts) devrait achever de ruiner leurs efforts. Si l’armée de djihadistes décide de rentrer au bercail, ce n’est pas pour regarder les portes de prison leur sourire (à moins d’y recruter un peu plus, ce qui marche chez nous fonctionnant aussi très bien chez eux).
Des jeunes qui partent en Syrie. Des djihadistes qui reviennent. Des recrues dans les prisons. Des politiques qui relativisent. De la communication, beaucoup. Des attentats. Le tourisme qui flanche. Tout ceci sans faire de vague, en ayant toute la peine du monde à sécuriser le pays. Toute ressemblance avec une situation connue serait fortuite.
Au moins, l’État tunisien interpellant ses concitoyens belliqueux de retour sur leur sol ne se verra pas accusé de racisme et de discrimination. C’est toujours ça de pris.
Boulevard Voltaire
Pierre Martineau, Blogueur