Une note émanant du bureau du président Barack Obama et consultable sur le site : https://www.whitehouse.gov/issues/foreign-policy/cuba, définit les objectifs des nouvelles mesures d’allègement du blocus contre Cuba prises par la présidence américaine. Derrière la volonté affichée de rétablir des relations normales avec Cuba, s’exprime ouvertement celle de s’ingérer dans les affaires cubaines et de renverser, finalement, le pouvoir cubain.
Il y a, tout d’abord, ce constat d’échec de « dizaines d’années d’isolement de Cuba » qui n’ont pas permis de « donner le pouvoir au Cubains pour construire un pays ouvert et démocratique », et « ont réduit l’usage de toute une série d’instruments permettant aux États-Unis de promouvoir un changement à Cuba ». À quels instruments la note du « Bureau ovale» fait-elle référence ? Les bombardements, les épandages de poison sur les plantations, les tentatives d’assassinat de Fidel Castro et autres dirigeants, les tentatives de débarquement, dont celui de la Baie des Cochons, véritable humiliation pour les États-Unis et la CIA, le financement des organisations d’extrême-droite d’exilés cubains – Partido Unidad National Democratica (PUND), ALPHA66, Cuba Independiente y Democratica (CID), Hermanos al Rescate y el Movimiento Democracia, etc – , l’utilisation contre Cuba des narcotrafiquants, terroristes et autres mafieux cubains de Miami qui contrôlent des zones importantes du sud des États-Unis, au Nouveau Mexique notamment, le financement de la propagande anti-castriste dans les grands médias internationaux, etc… Plus d’un siècle et demi de luttes héroïques, contre le colonialisme espagnol, d’abord, puis contre la domination impérialiste des États-Unis, a forgé le peuple cubain dans sa volonté d’indépendance, de justice et de souveraineté. C’est ce que ne cessent de rappeler aujourd’hui les dirigeants cubains à leurs interlocuteurs étatsuniens.
Autre constat d’échec, la politique d’isolement de Cuba s’est retournée contre les États-Unis soumis à la pression internationale et condamnés à de nombreuses reprises par l’Assemblée générale de l’ONU. Isolement et condamnations, également, par les pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui ont exigé un changement de politique envers Cuba à diverses occasions, et ont accueilli, en 2015, au 7ème Sommet des Amériques, à Panama, une délégation cubaine conduite par Raul Castro Ruiz. Et ce n’est pas un hasard si le président cubain recevait, le 19 mars, veille de l’arrivée de Barack Obama, Nicolas Maduro Moros, le président de la république bolivarienne du Venezuela, où l’opposition fabriquée à coût de millions de dollars par les agences et officines américaines, tente de déstabiliser le pouvoir révolutionnaire.
Malgré le fait, dit la note, que cette politique était animée « des meilleures intentions », elle n’a pas eu beaucoup d’effets. Et force est de constater, qu’ « aujourd’hui comme en 1961, Cuba est gouverné par les Castro et le Parti Communiste ». Les États-Unis ne peuvent pas continuer à faire la même chose et espérer des résultats différents. Ils ont appris, dit le texte, par des expériences douloureuses, qu’il vaut mieux encourager et soutenir une réforme plutôt qu’imposer une politique qui fera du pays un État ruiné. « Nous ne devrions pas permettre des sanctions américaines qui ajoutent un poids aux citoyens cubains que nous voulons aider ».
Il faut donc « tracer une nouvelle route vers Cuba »,
Depuis que le Président est entré en fonction, en 2009, peut-on lire, il a pris des initiatives pour « soutenir la capacité des Cubains à avoir un plus grand contrôle sur leurs propres vies et à définir le futur de leur pays ». L’objectif du Président est de renouveler le « leadership des États-Unis dans les Amériques » (on pense immédiatement à ce qui se passe au Venezuela et au Brésil), mettre fin à l’approche dépassée par rapport à Cuba et à « promouvoir un changement plus efficace qui soutienne le peuple cubain et nos intérêts de sécurité nationale ».
Cuba reste donc, au yeux de Barack Obama, un danger pour la sécurité des États-Unis. Rien n’a donc changé depuis 1961, effectivement, du côté nord-américain.
Pour atteindre cet objectif, il faudra, dit le texte, focaliser sur un soutien fort au respect des droits de l’homme et aux réformes démocratiques. « Les efforts américains visent à promouvoir l’indépendance du peuple cubain afin qu’il n’ait pas besoin de dépendre de l’État cubain ». Pour cela, le Congrès américain « finance des programmes d’assistance humanitaire, promeut les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et soutient la circulation libre de l’information là où elle est restreinte et censurée ». Et, avec leur arrogance bien connue par les peuples du monde, « les États-Unis encouragent toutes les nations et organisations engagées dans un dialogue diplomatique avec le gouvernement cubain à saisir toutes les opportunités, publiques ou privées, pour soutenir le respect des droits de l’homme et les libertés fondamentales à Cuba ».
C’est pour cela, explique la note de la Maison Blanche, que le Président Obama a pris des initiatives pour augmenter le flux de ressources et d’informations vers les « citoyens cubains ordinaires » en 2009, 2011 et aujourd’hui. « Le peuple cubain mérite le soutien des États-Unis et de toute une région qui est engagée à promouvoir et défendre la démocratie », conclue la note.
La question de la base navale de Guantanamo occupée par l’armée américaine contre la volonté de Cuba, n’est jamais abordée. C’est un territoire américain et cela le restera. Ce n’est pas l’avis des autorités cubaines qui le rappellent régulièrement à leurs interlocuteurs, y compris à la veille de la visite de Barack Obama.
La politique de « changement de régime », chère aux Néoconservateurs, à certains démocrates comme Hillary Clinton et défendue aujourd’hui par Barack Obama à l’égard de Cuba, est donc toujours d’actualité, et sans doute plus que jamais, à Washington. Les Cubains le savent et avertissent : pas question d’ingérence, mettez fin à vos programmes de déstabilisation, renoncez à vos prétentions de fabriquez une opposition cubaine à Cuba, comme vous l’avez fait, avec les résultats apocalyptiques que l’on connaît, arrêtez d’agresser Cuba via les stations radio et les programmes de télévision, arrêtez de financer la fuite des cerveaux cubains, disent-ils (https://www.granma.cu/ ). « Les relations économiques ou diplomatiques avec quelque État que ce soit ne pourront jamais être négociées dans un contexte d’agression, de menace ou de coercition de la part d’une puissance étrangère », dit la Constitution cubaine.
Et si Cuba affirme, comme ses dirigeants le font depuis longtemps, être animée de la volonté de reconstruire de relations avec les États-Unis, cela ne se fera que dans le respect « de la Charte des Nations Unies et de la « Proclamation de l’Amérique latine et des Caraïbes comme zone de paix », signée par les chefs d’État ou de gouvernement des pays de la région qui réaffirme « le respect absolu de leur indépendance et de leur souveraineté, du droit inaliénable de tout État de choisir son système politique, économique, social et culturel sans la moindre ingérence, de quelque nature que ce soit, de l’égalité et de la réciprocité. »
Là réside sans doute la plus grande divergence entre les deux États. Pour l’instant, les annonces d’allègement du blocus ne sont que politiques, les cadres juridiques et techniques garantissant la réalisation de ces nouvelles mesures n’existent pas, il faudra lever le blocus dans sa totalité. Et ça, Barack Obama n’a pas le pouvoir de l’obtenir du Congrès, même si au sein du Parti républicain, certaines voix s’élèvent pour le voter. Mais Républicains et Démocrates sont d’accord sur un point : il faut mettre fin au régime communiste qui a résisté pendant plus de cinquante ans au géant étatsunien, à 90 miles à peine de ses côtes.
Christine Abdelkrim-Delanne
Afrique Asie