Juste histoire de signifier que l’ancestral allié n’est jamais que simple vassal.
Michelle Obama débarquant à Ryad, cheveux au vent. L’image qui fait le tour de la galaxie Internet. Et les Saoudiens qui font grise mine. De ce simple cliché, il y a la lecture “féministe“, façon « Elle », qui régalera sûrement les lectrices de « Voici » et « Closer ».
Pour faire plus sérieux, pourquoi une telle audace ? Les services protocolaires de la Maison blanche ne sont pas composés que d’idiots. Cette mise en scène a donc un sens.
Résumons. À deux ans de son dernier mandat, Barack Obama redevient un homme libre, l’homme de ses débuts de Président, lorsqu’en Égypte, au Caire, il prononça son discours inaugural, pont lancé entre Occident et Orient, avec tous les guillemets que cela présuppose. Mais n’ayant aujourd’hui plus rien à perdre ou à gagner, libéré qu’il est des pressions consubstantielles à l’exercice de ses fonctions, entre lobbies sionistes, pétroliers, financiers et autres groupes de pression néo-conservateurs.
Mieux, Barack Obama, au contraire de ses prédécesseurs, ancrés dans une culture américano-américaine – au mieux pour un Ronald Reagan, au pire pour un George W. Bush – est un homme qui connaît le vaste monde, pour y être né et pour l’avoir arpenté. En l’occurrence, qu’il ait l’épiderme sombre n’est qu’accessoire : Richard Nixon était plus blanc que blanc, mais autrement plus avisé que ses successeurs.
Les cheveux libérés de Michelle Obama signifient donc quelque chose de plus important. Les autorités saoudiennes en sont scandalisées, peu importe : elles en ont vu d’autres, telle l’implantation de bases militaires américaines sur leur territoire, un peu comme si l’armée algérienne installait un camp en plein Vatican…
Ce plus « important », c’est à Oman qu’il faut aller le dénicher pour mieux le comprendre. Là, ces semaines dernières, Américains et Iraniens ont passé des jours entiers à régler leurs différents respectifs. Ce en toute discrétion, abrités qu’ils étaient respectivement par le sultanat local. Washington entendait se tenir à un simple règlement à l’amiable sur le programme nucléaire iranien, civil comme militaire. Téhéran voulait plus. Une sorte de « package » global. Son programme atomique n’est pas négociable et ne le fut pas.
Mais, en diplomatie, ce sont les à côtés qui sont les plus intéressants. Au rang de ces derniers : le soutien militaire de l’Iran contre l’EI en Irak. C’est fait et dans ce pays dévasté par les dingueries occidentales, si un semblant d’ordre subsiste, c’est bien grâce à une étroite et silencieuse coordination entre Iran et USA.
Ensuite, le retour à l’ordre en Syrie, que les USA ferment les yeux sur le soutien actif du Hezbollah libanais aux troupes de Bachar al-Assad. Puis un véritable processus de paix en Israël, sur la base d’un territoire équitablement partagé avec Jérusalem pour seule et double capitale ; Netanyahu n’en finit plus d’en manger sa kippa. Et, pour finir, la réintégration de l’Iran dans l’orchestre des nations et fin d’un inique embargo.
À en croire ce qui a été dit à l’auteur de ces lignes, tout ceci est en bonne voie. Après, l’obstacle saoudien… Toujours selon les mêmes sources, Ryad en aurait pris son parti… seul prix de sa survie.
Du coup, on vient d’assister à un curieux putsch au Yémen, là où les chiites viennent de prendre le pouvoir, conjointement aidés par l’Iran (logique), mais aussi par l’Arabie Saoudite (moins logique), mais soutien finalement inéluctable, sachant que Ryad sera toujours ami de ses nouveaux amis américains, même si autrefois ennemis irréductibles.
En ce sens, l’affront de Michelle Obama n’était finalement peut-être que simple piqure de rappel. Juste histoire de signifier que l’ancestral allié n’est jamais que simple vassal.
* Nicolas Gauthier
Journaliste, écrivain. Il est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com.
Source : Réseau Voltaire