Barack Obama est à la croisée de deux chemins : l’un conduit à une intensification des conflits, attisés par les néo-conservateurs de Washington, et les interventionnistes libéraux, l’autre exige une coopération avec les adversaires traditionnels, la Russie et l’Iran, au nom de la paix.
Pendant ses premières cinq années à la Maison blanche, Obama a cherché à gérer cette contradiction, en maintenant les alliances traditionnelles américaines qui ont conduit à l’ingérence violente de Washington dans les affaires d’autres pays, particulièrement au Moyen-Orient, mais aussi en collaborant en arrière plan avec la Russie pour apaiser certaines tensions.
Mais c’est fini. Obama devra bientôt décider, soit de s’opposer aux neocons toujours influents, et aux faucons à l’intérieur de sa propre administration et à chercher l’aide de la Russie et de l’Iran pour résoudre les conflits en Syrie, en Irak, en Palestine et ailleurs, soit de s’opposer à la voie néocon de la guerre contre la Russie, l’Iran et la Syrie.
La première option suppose de rompre avec les vieux alliés, dont la monarchie saoudienne et le gouvernement israélien du Likoud, et de rejeter leurs points de vue selon lequel l’Iran et le soi-disant « croissant chiite » de Téhéran à Beyrouth en passant par Bagdad et Damas représente la plus grande menace pour les États-Unis et leurs intérêts au Moyen Orient.
Ce qui signifie des négociations réalistes sur la guerre civile syrienne, accepter la continuation du régime de Bachal al-Assad dans le futur proche, arriver à un accord sur le programme nucléaire avec l’Iran, et résoudre la crise en Ukraine en tenant compte des inquiétudes sécuritaires russes, y compris accepter la décision de la Crimée de rejoindre la Russie, accepter une structure fédérée pour l’Ukraine et maintenir l’Ukraine hors de l’OTAN.
Adopter l’autre voie signifierait soutenir les intérêts de l’Arabie saoudite et d’Israël dans de nouveaux conflits, une intervention plus importantes dans la guerre civile syrienne avec l’objectif de renverser Assad, rejeter les offres iraniennes de compromis sur le programme nucléaire, et intensifier la confrontation avec la Russie sur l’Ukraine.
(…) Mais Obama peut-il reconnaître que Poutine n’a pas entièrement tort sur l’Ukraine, que l’Union européenne et le Département d’État américain ont contribué à provoquer une crise politique à Kiev qui a conduit au renversement violent du président élu Viktor Yanukovych ? Que la plupart des habitants de Crimée voulaient se dissocier du chaos provoqué et rejoindre la Russie ? Que les craintes de Moscou quant à la pression de l’OTAN à ses frontières sont justifiées? Que les Ukrainiens russophones devraient avoir des droits, également, et ne devraient pas seulement être traités de terroristes pour avoir résisté au renversement par la droite de Yanukovych dont la base politique se trouvait dans les territoires de l’est.
(…) (Concernant l’Arabie saoudite), la défaite des radicaux sunnites – al-Nusra, ISIS ou al-Qaeda – exigera une rupture avec l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweit et autres États du Golfe persique qui ont englouti des fortunes dans le financement et l’armement de ces extrémistes. Les Saoudiens, en particulier, ont aidé les jihadistes à déferler sur la Syrie avec l’objectif de renverser Assad, un Alawite (chiite). Les Saoudiens voient Assad comme un allié important de l’Iran chiite et donc leur ennemi géopolitique. Mais seuls les États-Unis et l’Occident peuvent exercer les pressions nécessaires à l’abandon de leur stratégie de soutien au terrorisme sunnite.
Défier l’Arabie saoudite demandera du courage politique à Obama, Washington ayant depuis longtemps favoriser le régime réactionnaire de la monarchie saoudienne considérée comme « modérée » et qui a largement fourni du pétrole aux États-Unis en échange de leur protection. Cependant, les Saoudiens ont abusé de leur statut d’ « intouchables » en finançant les extrémistes soit en puisant directement dans les coffres du gouvernement, soit dans ceux de différents princes.
Ces dernières semaines, l’ISIS – sous la pression de l’armée syrienne et de ses rivaux jihadistes d’al-Nusra – a battu retraite en Irak où le groupe a été fondé en réaction à l’invasion de Bush en 2003, et a mis en déroute plusieurs divisions de l’armée irakienne, pris des villes majeures, approchant de Bagdad où elles se sont heurtées à la résistance de l’armée dominée par les chiites et les milices chiites. Le Premier ministre Nouri al-Maliki, un chiite, a dénoncé l’Arabie saoudite et le Qatar et a accusé leurs dirigeants de soutenir le « génocide » des chiites par des groupes terroristes sauvages et la destruction de plusieurs sites religieux chiites.
« Ils attaquent l’Irak en venant directement de Syrie et ont déclaré la guerre en Irak, comme ils l’ont fait en Syrie, et malheureusement sur des bases politiques et religieuses. Ces deux pays sont les premiers responsables de la crise religieuse et terroriste et sécuritaire de l’Irak », a-t-il déclaré.
(…) Cette déclaration fut suivie pratiquement immédiatement par des critiques américaines exprimées par Jen Psaki, porte-paroles du Département d’État qui l’a qualifiée d’ « inexacte et offensante ». Plutôt que d’exercer des pressions sur l’Arabie saoudite et les États du Golfe et leurs financements du terrorisme, alors que selon mes sources, le gouvernement irakien qui avait capturé un membre de l’ISIS, en avait reçu des détails sur les sources financières saoudiennes et que cette information avait été transmise à la CIA.
(…) Concernant Israël, Plus difficile sera encore pour les États-Unis la confrontation avec l’autre extrémité de l’axe anti-iranien, le gouvernement israélien. Prendre la voie d’un réalignement de la diplomatie américaine au Moyen orient, n’offrira à Obama d’autre choix que d’exiger, finalement, qu’Israël trouve une solution à son long conflit avec les Palestiniens.
Bien sûr, avec la coopération de Poutine, Obama pourrait menacer de solliciter une force de protection pour les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza si Israël n’accepte pas soit un État palestinien, soit de transformer Israël et la Palestine en un seul État dans lequel tous les citoyens auraient des droits égaux dans le cadre d’une constitution.
Une telle pression rendrait furieux le Premier ministre Netanyahu et le puissant lobby israélien à Washington – sans parler des néocons – mais cela percerait un abcès purulent depuis longtemps et supprimerait un instrument primordial de recrutement des islamistes extrémistes. Un État uni Palestine/Israël – avec des droits égaux pour tous – pourrait aussi ouvrir la voie à une pleine reconnaissance par les États musulmans de cette nouvelle entité qui protégerait les droits des juifs, des musulmans et des chrétiens.
Si Barack Obama pouvait trouver le courage politique de s’engager dans ces défis risqués d’une manière réaliste et imaginative, il pourrait finalement mériter le Prix Nobel de la Paix qu’il a reçu au début de sa présidence.
Source Robert Parry
consortiumnews.com