Les Ougandais autant que les observateurs étrangers, africains ou non, s’attendaient à voir le président sortant réélu. Ils n’avaient pas tort…
Lorsqu’il est entré dans l’ère du multipartisme en 1996, l’Ouganda de Yoweri Museveni bénéficiait d’un crédit important, tant au niveau national qu’international. Le chef de l’État avait remis son pays sur la voie de la paix, après des années d’atrocités et de chaos provoqués par le règne d’Idi Amin Dada. Mais l’âge d’or semble toucher à sa fin. Le régime a opéré depuis plusieurs années un tournant autocratique dont font les frais ses opposants. Le premier d’entre eux, son ancien compagnon Kizza Besigye, était son principal adversaire pour la présidentielle du 18 février. Les résultats officiels délivrés 48 heures après l’élection donnent Museveni gagnant, avec 60,75 % des voix contre 35,37 % à son rival. Des résultats que celui-ci a immédiatement contestés. Pour les faire accepter, Museveni a simplement placé pour la énième fois Besigye en résidence surveillée en lui coupant tout accès aux réseaux sociaux dans le pays.
Pourtant, à chaque élection, se renforce le sentiment que le pouvoir peut être remis en cause. Les meetings politiques rassemblent des foules denses qui apprennent à défier leurs peurs. Dans les rangs de la jeunesse qui n’a pas de souvenirs de guerre, mais se lève tous les matins sans perspective de travail, les passages à tabac et les interpellations ne sont plus un motif suffisant pour se taire. Même les villageois, les meilleurs supporters de Museveni, prennent plaisir au débat contradictoire. Le soir du 18 février, la campagne a brui de la joie de suivre le processus de dépouillement fait en présence de tout le village. À chaque bulletin pioché par le président de bureau dans l’urne, lecture a été faite à voix haute devant l’ensemble de la communauté villageoise, qui a approuvé ou désapprouvé avec bonhomie le choix écrit sur chaque bulletin de vote. Un authentique moment de démocratie participative de la part d’Ougandais qui acceptent de moins en moins le fait que cela ne soit pas répercuté au plus haut niveau de l’État.