Quelques réponses et rappels historiques que les médias français ignorent régulièrement…
Trois des enfants Savimbi, installés en région parisienne, ont attaqué en diffamation la branche française de l’éditeur américain du jeu de tir, « Call of Duty », empreint de violence guerrière, Activision Blizzard. Le tribunal de Nanterre devra se prononcer le 24 mars sur la réalité de l’« atteinte à l’honneur » des enfants du chef rebelle angolais. Ces derniers considèrent que leur père n’était pas « une brute barbare », mais bien un leader politique d’envergure internationale qui s’est battu « contre le régime pro-communiste » au pouvoir en Angola.
Il y a à craindre que l’éditeur américain ne saura pas défendre le choix au demeurant fort opportun de ses auteurs de ce jeu à succès en rappelant aux juges – et au public – les quelques faits suivants :
1. Jonas Savimbi n’a guère combattu le colonialisme portugais avec lequel il a passé un pacte en bonne et due forme pour attaquer les autres mouvements de libération angolais tout en feignant d’être lui-même un mouvement de guérilla contre l’occupant. Les documents sur le sujet abondent, notamment ceux signés par le Général Costa Gomes, devenu par la suite président de la République portugaise. Afrique Asie a publié en 1974, en exclusivité mondiale, les documents attestant de cette collaboration et les lettres de Savimbi aux autorités coloniales politiques et militaires.
2. À la chute du régime fasciste et colonial au Portugal, le 25 avril 1974, Savimbi s’est approché du pouvoir sud-africain de l’apartheid, le seul susceptible d’arrêter la progression du MPLA, dont la popularité avait été révélée aux yeux du monde, pendant la transition à l’indépendance, lors des premières manifestations monstres que le pays a connu.
3. Les Sud-africains ont négligé au début l’Unita de Savimbi, lui préférant le FNLA de Holden Roberto, car l’Unita ne comptait que quelques centaines d’hommes au sortir du maquis. Mais face à l’échec cuisant du FNLA, Pretoria s’est finalement tourné vers l’Unita, lui assurant ravitaillement en armes et surtout un entraînement militaire continu dans ses bases au nord de la Namibie (occupée). La collaboration étroite entre les hommes de Savimbi et Pretoria est largement illustrée dans les livres rédigés par les généraux sud-africains ayant participé aux longues campagnes militaires en Angola même – outre que par les nombreux rapports de l’Onu. Là aussi, le « leader politique » que fut Savimbi n’est pas éligible au prix Nobel de la paix.
4. Quant aux qualités humaines de Savimbi, il suffit de rappeler les bûchers des femmes de l’Unita dans les années 1980 – y compris les épouses de ses propres combattants et dirigeants – brulées vivantes dans la base de Jamba, au sud-est de l’Angola. Il les accusait de sorcellerie à chaque défaite subie par les forces de l’Unita. Les récits des survivants sont disponibles avec précision de détails. On a ainsi appris que les femmes condamnées à mort devaient elles-mêmes, avec leurs enfants, recueillir les branches de bois qui allaient constituer le bûcher…
5. En 1992, Savimbi a aussi condamné à mort (par des moyens atroces) ses propres cadres (représentants à Washington et au Portugal) car il craignait leur croissante popularité à l’étranger. Il les a fait tuer avec leurs parents, grands-parents et descendants, jusqu’aux enfants en bas âge qui furent massacrés en les lançant contre le tronc des arbres de la base de Jamba, selon le récit des survivants, dont l’ancien vice-président de l’Unita, général Nzau Puna.
6. Lorsque l’Unita s’est emparée en 1993, de Huambo, la principale ville du plateau central, elle a persécuté et tué les plus réputées personnalités progressistes (surtout des Blancs), médecins, professeurs d’université, connues pour leur posture antifasciste au temps colonial et leur engagement en faveur de l’émancipation du pays.
7. La liste des crimes de Savimbi est encore longue : avion humanitaire de l’ONU abattu par les missiles (fournis par les États-Unis), recrutements forcés d’Angolais ; rapt de centaines de citoyens angolais et étrangers, dont le cardinal angolais Alexandre do Nascimento, contraints à parcourir plusieurs centaines de km à pieds ; emprisonnement des familles des cadres de l’Unita se trouvant à l’étranger, punitions corporelles et humiliations en tout genre des dirigeants de l’organisation les plus en vue afin qu’ils n’oublient pas à qui ils devaient tout ! Autant des faits illustrés par des nombreux témoignages écrits et rapports des organisations internationales.
Nous épargnons aux lecteurs les crimes commis par l’Unita sous les ordres de Savimbi à l’encontre de l’armée régulière et de la population au cours de 27 ans de guerre, dont on trouvera également les comptes rendus dans plusieurs publications (notamment les rapports de l’Onu).
Quant aux fils de Savimbi actuellement à Paris, l’un d’eux, étudiant au Togo jusqu’à la mort de son géniteur en 2002 (mort en combat, il ne s’agit pas d’un « assassinat » ainsi que les médias l’affirment), n’avait pas hésité à critiquer les mauvais traitements, et c’est un euphémisme, que son père avait fait subir à sa mère – à laquelle il avait été arraché. Il avait également révélé les trafics de diamants entre son père et le président Eyadéma – procédé identique à celui mis sur pied avec Blaise Compaoré, consistant à acquérir de l’armement pour le compte de l’Unita avec le fruit des ventes des diamants volés en Angola. Le président togolais, révélait encore à l’époque le fils de Savimbi, n’avait pas respecté ses engagements et gardé l’armement acheté en Europe de l’Est avec l’argent engrangé dans la vente des pierres précieuses angolaises. Pendant la longue phase de la guerre qui a suivi les premières élections multipartites de 1992, que l’Unita avait perdues, le trafic des diamants était devenu la principale source de revenu du chef de l’Unita, les États-Unis ayant arrêté le financement de son organisation. Dès 1993, le Conseil de sécurité de l’Onu a décrété des sanctions contre l’Unita – coupable d’avoir relancé le conflit armé -, notamment l’embargo sur les livraisons de carburant et d’armes, ainsi que le trafic des diamants. Des mesures réitérées peu après par les sommets de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), dont Blaise Compaoré devint cependant le président en exercice, alors même qu’il poursuivait allègrement les juteux trafics de diamants que Jonas Savimbi et ses acolytes lui apportaient régulièrement.
Afrique Asie