Le premier tour des élections présidentielles aux Seychelles qui a connu une participation exceptionnelle de 87,4%, n’a pas permis d’élire le nouveau président.
En effet, pour la première fois depuis l’indépendance de l’archipel, en 1976, le président sortant n’a pas atteint la barre des 50%. James Michel, 71 ans, qui brigue un troisième mandat, a obtenu 47,76% des voix et sera opposé, au second tour, à son vieux rival Wavel Ramkalawan, un prêtre anglican bien connu des Seychellois, qui a emporté 33,93% des suffrages exprimés. C’est la cinquième fois que ce dernier se présente au nom de son parti, le parti national des Seychelles (SNP), mais, aujourd’hui, la situation est différente.
En effet, pour la première fois, également, James Michel, dauphin du président France-Albert René qui resta au pouvoir de 1977 à 2004, à la tête du parti unique jusqu’à l’instauration du multipartisme, en 1991, devra se confronter à une opposition unie derrière Wavel Ramkalawan. Tous les partis se sont engagés, avant le scrutin, à soutenir le candidat d’opposition en cas de second tour, « pour retirer du pouvoir le parti Lepep de James Michel » qui gouverne le pays, sous un nom ou un autre, depuis trente-huit ans. Ramkalawan bénéficiera, entre autres, du soutien de Lalyans Seselwa, un parti récemment créé par d’anciens cadres du parti de James Michel, dont Patrick Pillay, ex-ministre, qui ont fait défection pour des raisons de divergences sur les questions de démocratie et de gestion économique, entre autres. Lalyans Seselwa arrive en 3ème position avec 14,2% des voix, les autres candidats se partagent les 4% restant.
Quel que soit l’issu du scrutin des 16, 17 et 18 décembre (les élections s’étalent sur trois jours compte tenu de l’éloignement des 110 îles qui forment l’archipel), ce résultat montre, pour la première fois, la volonté des Seychellois de rompre avec une politique paternaliste et usée, de changer un régime qui fonctionne toujours sur le mode de parti unique, accusé de corruption et de mauvaise gouvernance. La crise économique, l’énorme fracture sociale, les privilèges accordés depuis des années aux Émiratis et aux grands groupes hôteliers internationaux, aux dépens des hôteliers locaux et de la population, les problèmes liés au trafic de drogue et le déficit de démocratie et de liberté d’expression malgré quelques progrès accomplis depuis 1991, ont fini par convaincre les Seychellois de la nécessité de changement.
Un verrou est en train de sauter dans cet archipel de 93 000 habitants, mais dont la zone maritime exclusive dépasse le million de kilomètres carrés, ce qui en fait, aussi, un pays stratégique de l’Océan indien, pour les puissances mondiales. Depuis l’indépendance, celles-ci, de Moscou à Washington, en passant par Paris, Abu Dhabi ou Pékin, celles-ci ont toujours essayé d’obtenir des accords sur l’installation de bases militaires ; Ce qui, et c’est à mettre au crédit des gouvernements successifs, leur a toujours été refusé, les Seychelles n’accordant que des « facilités » militaires. La situation stratégique des Seychelles est apparue encore plus concrètement dans le contexte de la lutte contre la piraterie somalienne, dans laquelle le gouvernement et le président Michel se sont engagés sans limites, les Seychelles devenant, en quelque sorte, le quartier général d’une flotte militaire internationale.
Les chancelleries observeront donc d’un œil discret mais appuyé les résultats de ce second tour. Et ils ne seront pas les seuls. Les détenteurs de compte offshores ouverts à Victoria, la capitale, devront s’assurer que le système qui facilite le blanchiment d’argent à grande échelle perdure. « Les trafiquants de drogue et autres criminels peuvent jouir en paix du butin de leurs activités illégales aux Seychelles », écrivait le Gafi, le Groupe international d’action financière créé en 1989 contre le blanchiment des capitaux. Mais comme le dit le site officiel www.sfm-offshore.com , « Le secteur financier est désormais un élément significatif du pays », et, en tant que tel, il est fort probable que l’opposition, si elle gagnait ces élections, le préserverait.