Le retour du cercueil de Mba Obame à Libreville a déclenché des manifestations populaires monstres dans les rues de la capitale, scandées par des slogans anti-Ali Bongo et par l’hymne national chanté par des dizaines de milliers de personnes. Décédé le 12 avril à Yaoundé, au Cameroun, cinq ans après avoir mené une liste d’opposition aux élections de 2009, Mba Obame était devenu un héros populaire. Ancien premier ministre d’Omar Bongo, Mba Obame avait rejoint l’opposition après la mort de celui-ci, après quarante et un ans de pouvoir dictatorial, auquel devait succéder son fils Ali Bongo, à l’issu d’élections contestées.
Le 25 janvier 2011, prenant exemple sur Alassane Ouattara reconnu vainqueur des élections présidentielles ivoiriennes de 2010, Mba Obame annonçait unilatéralement, dans un discours diffusé sur une chaîne privée, sa victoire aux élections de 2009, s’autoproclamait président de la République et prêtait serment sur la Constitution. Il formait un gouvernement parallèle. Le gouvernement d’Ali Bongo le poursuivait alors pour « haute trahison ». Mba Obame appelait, également à une « conférence nationale souveraine » rassemblant le régime, l’opposition et la société civile pour une nouvelle constitution et la tenue de nouvelles élections.
AMO, comme l’appellent ses partisants, se réfugiait immédiatement dans les locaux du PNUD (Programme de l’ONU pour le développement), tandis que le gouvernement annonçait la dissolution de l’Union Nationale dont il est l’un des co-fondateurs, réhabilité le 4 février 2015. Privé de son immunité parlementaire suite à un vote à l’Assemblée, il quittait malgré tout le siège du PNUD pour regagner son domicile. Soumis au harcèlement des services de sécurité, il refusait de se rendre aux convocations. Obligé de partir en Afrique du Sud pour y subir une opération chirurgicale, il passe, alors, sa convalescence en France, puis fait un retour triomphal au pays en août 2012. Deux médias privés avaient été interdits par les autorités pour avoir diffusé son discours à la nation. Ses partisans sont convaincus qu’il a été empoisonné et accusent le directeur de cabinet de Bongo, Maixent Accrombesse, un Béninois naturalisé. L’ambassade du Bénin a, d’ailleurs, fait l’objet de tentatives d’incendie par les manifestants en colère, au cours des violences qui ont suivi l’arrivée de la dépouille dans la capitale. Des violences réprimées par la police qui a procédé à plusieurs d’arrestations.
Le rapatriement de la dépouille de Mba Obame était attendu par une marée humaine à l’aéroport de Libreville qui l’a accompagné ensuite dans les rues de la capitale, donnant, lieu à un long hommage de la société civile et du parti d’opposition l’Union nationale, devant des dizaines de milliers de personnes rassemblées dans et hors du stade. La dépouille d’AMO n’a pu, dans un premier temps, être transférée par avion à Oyem, dans sa région natale du Woleuy-Ntem, au nord où l’attendaient des centaines de sympathisants, l’énorme affluence de ses sympathisants rassemblés à l’aéroport empêchant techniquement le décollage de l’avion, tandis qu’à Oyem, des centaines de personnes impatientes menaçaient de s’en prendre aux installations aéroportuaires si le corps n’arrivait pas.
L’énorme accueil populaire de la dépouille de Mba Obame est un sérieux avertissement à Ali Bongo, à quelques mois des élections présidentielles de 2016 auxquelles il a bien l’intention de présenter sa candidature à sa propre succession. Il doit faire, en outre, face aux critiques au sein de son propre parti, le Parti démocratique gabonais (PDG), dont plusieurs « barons » menacent de passer à l’opposition, comme René Ndemezo’o Obiang, cacique et « tête pensante » du PDG et du pouvoir sous le père et le fils, ou Jean Ping ancien président de la commission de l’Union africaine, ralliés à l’opposition récemment. Une opposition qui s’organise dans un Front uni pour l’alternance (FUOPA) autour d’un objectif commun résumé par « Tout sauf Ali ! » et qui sortira renforcée par le retour posthume de Mba Obame au pays. Le glas pourrait bien sonner, également, pour la dynastie Bongo.