Après près de dix heures de délibérations, le verdict de la Cour d’Assises ivoirienne est tombé par la voix du juge Tahirou Dembelé : Simone Gbagbo, 65 ans, épouse de Laurent Gbagbo actuellement détenu par le Tribunal pénal international (TPI) à La Haye en attendant son procès début juillet, est condamnée à 20 ans de prison ferme, ainsi que le vice-amiral Vagba Faussignaux, ex-commandant de la Marine nationale, et le chef de la Garde républicaine, le Général Brunot Dogbo Blé. Michel Gbqagbo, le fils a été condamné à 5 ans, les co-accusés à des peines moindres.
Jugée pour son rôle présumé durant la crise postélectorale de 2010-2011 et les violences qui ont fait plus de 3000 morts en Côte d’Ivoire, l’ex-première dame du pays a accusé le coup. L’annonce a d’autant plus surpris que le parquet général avait requis dix ans d’emprisonnement, soit la moitié.
Soixante-dix huit personnes étaient, également, présents sur le banc des accusés pour avoir participer aux violences marquant le refus de Laurent Gbagbo et ses partisans de reconnaître la victoire électorale d’Alassane Ouattara à la présidentielle de novembre 2010. Simone Gbagbo appelée aussi la « dame de fer » ivoirienne qui bénéficia d’une certaine aura à une certaine époque, a été accusée, sur la base de témoignages d’avoir participé à la formation d’escadrons de la mort et de les avoir dirigés directement, ce qu’elle a nié pendant les deux mois de procès tout en revendiquant jusqu’à la dernière minute la victoire du FPI en 2010.
« J’ai trouvé les avocats de la partie civile outranciers. J’ai subi humiliation après humiliation pendant ce procès, mais je suis prête à pardonner. Je pardonne les injures, je pardonne les outrances. Car si nous ne pardonnons pas, le pays connaîtra une nouvelle crise pire que celle que nous avons connue », déclarait-elle à la Cour avant que les jurés ne se retirent pour délibérer. Arrêtée en avril 2011 avec son mari, elle fut détenue dans le nord du pays où, selon elle, elle a « été battue avec une rare violence ».
Bien que la sentence ait été prononcée en pleine nuit, les réactions ont été immédiates. Pour le journal satirique L’Eléphant déchainé, le procès a été « des plus décevants car les éléments de preuve ont cruellement fait défaut ». L’instruction a été « instruite à charge » – de fait, Simone Gbqagbo n’a été entendue qu’une seule fois par le juge d’instruction – et marquée par « une absence de preuves indiscutables pour étayer des accusations aussi vagues ». Les témoignages sont « contradictoires basés pour la plupart par des ouï-dire ». Pour le Nouveau Courrier, proche du FPI de Gbagbo, « la justice de la haine a encore frappé ». L’avocat de la défense, Me Ange-Rodrigue Dadje, estime que « leur crime est un crime de patronyme. C’est la pression du pouvoir politique qui a triomphé, aucun fait personnel n’a été reproché à Simone Gbagbo. C’est une condamnation pour la mettre à l’écart de l’arène politique ».
Bien sûr, de son côté, le Rassemblement des Républicains (RDR) parti au pouvoir, se dit « satisfait ». « Le plus important, c’est que la justice vient de donner raison aux victimes. Allons donc de l’avant en n’oubliant pas ce qui s’est passé », a déclaré Joël N’guessan, serétaire général adjoint et porte-parole du RDR et, également ex-ministre des droits de l’homme. Ce n’est pas l’avis du Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH) qui s’est dit « surpris » par la lourdeur des condamnations. « N’ayant pas été au cœur de la procédure, mais au regard des débats qui ont révélé la vacuité des preuves, la lourdeur des différentes peines nous surprend » a déclaré Me Yacouba Doumbia, président du conseil d’administration de l’organisation à l’agence de presse africaine APA.
Faiblesse des témoignages à charge, manque de preuves indiscutables, manipulation politique à quelques mois des élections présidentielles, les juges ivoiriens se voulaient cependant inattaquables, devant faire aussi la preuve face au TPI que la justice ivoirienne est capable de juger de façon juste et équitable Simone Gbagbo réclamée depuis le 11 décembre dernier par l’instance internationale. Auront-ils convaincu ? Ce jugement sera-t-il considéré comme une provocation par les partisans du FPI et occasionnera-t-il de nouvelles violences comme le laissait présager Simone Gbagbo ? La partie n’est pas terminée. Et en tout état de cause, les avocats de la défense ont annoncé qu’ils iraient en cassation.