Adama Sagnon n’aura occupé le fauteuil de ministre de la Culture du gouvernement de transition que le temps du premier Conseil des ministres. Sa nomination annoncée la veille avait provoqué la colère de l’opinion publique.
Toute la presse burkinabè a salué à la Une la démission de l’ancien procureur de la République sous Compaoré, qui, après une instruction laxiste, avait prononcé un non-lieu dans l’affaire de la mort du journaliste Norbert Zongo, assassiné le 13 décembre 1998 avec Blaise Liboudo, Ablassé Nikiéma et Ernest Zongo. Directeur de l’hebdomadaire l’Indépendant, Norbert Zongo était un opposant au régime de Blaise Compaoré qui dénonçait dans les colonnes de son journal la corruption du régime. Il avait commencé une enquête sur la mort suspecte du chauffeur de François Compaoré, le frère du président, lorsqu’ils furent pris en embuscade sur la route Léo-Sapouy-Ouagadougou. On ne retrouva que quatre corps calcinés. Ces assassinats avaient provoqué des manifestations dans tout le pays réprimées par des partisans du pouvoir organisés en milices et armés, se livrant à une chasse aux manifestants dans plusieurs villes.
Néanmoins, sous la pression de la population, une commission indépendante d’enquête fut mise en place. L’enquête dura sept ans. Malgré l’inculpation de membres de la garde présidentielle, un non-lieu était prononcé le 19 juillet 2006. Une commission internationale d’enquête était créée par des journalistes burkinabè et des personnalités internationales. Elle devait conclure au caractère « politique » de la mort de Norbert Zongo et accusait François Compaoré d’être responsable de la mort de David Ouedraogo. Il fut inculpé de meurtre avant qu’un tribunal militaire n’abandonne les poursuites contre lui.
La nomination puis la démission d’Adama Sagnon a réactivé l’affaire Zongo. Avec le départ de Blaise Campaoré du pouvoir et la nomination de la nouvelle ministre de la Justice, Joséphine Ouédraogo, ancienne ministre de l’Essor familial et de la solidarité de 1984 à 1987, au sein du Conseil national de la Révolution, et pilier de la Révolution démocratique et populaire, ouvre de nouvelles perspectives. Les avocats de la famille Zongo et des autres victimes sont donc optimistes, d’autant que, lors de l’insurrection du 30 octobre dernier, le pillage de la maison de François Compaoré avait permis de mettre la main sur des documents importants concernant le dossier. Certains d’entre eux révèlent les liens entre François Campaoré et le principal suspect, Marcel Kafando.
Le Burkina devrait également ouvrir le dossier de l’assassinat de Thomas Sankara qui continue d’être une blessure profonde dans la société burkinabé. Le Premier ministre de transition a, en effet, assuré qu’il en donnerait l’ordre si une plainte était déposée. Mariam Sankara et sa famille ont accueilli cette annonce avec espoir, bien que se voulant prudente. « J’attends de voir, a-t-elle déclarée. Depuis 27 ans, nous avons été confrontés à des dénis de justice permanents, aujourd’hui on nous dit que la lumière va être faite et que les assassins vont être poursuivis. Nous attendons du concret. » En effet, deux plaintes avaient été déposées en 1997, l’une contre X, l’autre pour faux en écriture , le certificat de décès concluant de façon plus que douteuse à une « mort naturelle ». Les deux plaintes avaient été classées sans suite. La troisième procédure, également refusée, visait à l’exhumation du corps de Sankara pour permettre une expertise ADN. Michel Kafando, le président de transition, s’est engagé à procéder à l’ouverture de la tombe présumée être celle de Sankara.
La réouverture de ces dossiers, également exigée, à l’époque, par la Cour de justice d’Arusha, si elle conduit à la vérité, permettra au peuple burkinabè et aux familles des victimes de faire le deuil de ce moment douloureux de l’histoire de ce pays. Une urgence.