Cynisme et duplicité caractérisent les rapports de la France de François Hollande et de l’Émir d’Abu Dhabi pour qui les œuvres d’art valent plus que les vies humaines.
L’Émir d’Abu Dhabi vient d’honorer son accord avec la France sur le financement de la rénovation du Théâtre impérial de Fontainebleau, joyau du patrimoine français construit par Napoléon III. Venant au secours de la France de François Hollande, incapable de financer la conservation de son patrimoine, l’Émirat du Golfe aura versé 10 millions d’euros (une goutte de pétrole dans son budget !), dans le cadre de l’accord signé en 2007 sur la construction du Louvre d’Abu Dhabi. En contrepartie, ce joyau de l’architecture et de l’art français portera le nom de Cheikh Khalifa bin Zayed al Nahyan qui, dit son ministre de l’Autorité culturelle et Touristique, « travaille à l’édification d’une communauté internationale unie autour de la culture ».
Mécene en France, prédateur au Yémen et en Syrie
Ce n’est certainement pas ce sentiment qui l’a animé lorsque les Émirats Arabes Unis dont le cheikh Khalifa est le président, se sont joints à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et bombardé le Yémen. L’aviation d’Abu Dhabi et ses alliés ont réduit en cendres l’historique ville d’Aden, détruit les mosquées et monuments historiques de la vieille ville de la capitale Sanaa et le patrimoine culturel des villes de Sana’a, Taez, Zabid, Sa’ada et Marib, « dommages collatéraux », paraît-il, ce qui ne rend pas la chose moins grave. Mais c’est volontairement, en tout cas, que les tombes anciennes de la région de l’Hadramaout ont été anéanties par leurs bombes.
Trois biens inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco (vieille ville de Shibarn, vieille ville de Sana’a et ville historique de Zabid), sérieusement endommagées par les bombardements, ont été inscrites, en juillet 2015, sur la Liste du patrimoine mondial en péril par l’organisation onusienne. « Il est évident que la destruction de leur culture affecte directement l’identité, la dignité et l’avenir du peuple yéménite, ainsi que leur capacité à croire en l’avenir », déclarait, alors, Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, annonçant un plan d’urgence pour la sauvegarde de ce patrimoine, dont on sait qu’il est impossible à appliquer, les bombardements de la coalition arabe menée par le royaume wahhabite saoudien n’ayant jamais cessé.
En Syrie, les Émirats Arabes Unis interviennent sous le commandement américain, engageant douze avions de combat dont six F-16 américains et six Mirages français. Avec l’Arabie saoudite, ils ont acheté, selon le Balkan Investigative reporting Network (BIRN), d’énormes quantités d’armes et de munitions en provenance de Bulgarie, pour une utilisation par les forces locales qu’ils soutiennent en Syrie et probablement au Yémen. En 2016, le transport depuis la Bulgarie était effectué, selon des « guetteurs d’avions » bulgares, d’abord par des Boeing 747 saoudiens, alors qu’aucun avion cargo saoudien n’avait atterri sur les pistes bulgares depuis vingt ans, à destination de Tabouk à environ 100 km de la frontière avec la Jordanie. Puis, ce sont des Airbus A 330F et des Boeing 777F d’Abu Dhabi qui ont pris la relève, à cinq reprises, sous les couleurs d’Etihad Cargo (https://www.balkaninsight.com/en/article/war-gains-bulgarian-arms-add-fuel-to-middle-east-conflicts-12-16-2015. )
Quant à la France, l’hypocrisie et la duplicité de son ex-président François Hollande n’ont pas de limites. Alors que les politocrates de Paris soutiennent, arment et financent les groupes terroristes qui massacrent le peuple et le patrimoine culturel syriens, et mènent une politique de rejet des migrants fuyant la guerre – comme son ami du Golfe dont les portes sont hermétiquement fermés à ses « frères syriens » – leur président déclarait, en novembre 2016, au lendemain du démantèlement de la « jungle de Calais », que le futur centre de conservation du Louvre, dont il dévoilait la plaque et qui doit ouvrir en 2019 à Liévin dans le Pas-de-Calais, aura aussi vocation à accueillir le patrimoine menacé, en particulier en Irak et Syrie. « La communauté internationale va décider de protéger, de mettre en valeur, de financer même, la réhabilitation d’un certain nombre d’oeuvres. Et nous allons faire valoir que c’est au centre de conservation de Liévin que ces oeuvres peuvent être mises à l’abri« . Il aura une vocation « hélas » ose-t-il dire, « liée aux événements, aux drames, aux tragédies que nous pouvons connaître dans le monde… » Et par ici la bonne soupe !
Duplicité et cynisme sans frontière
Le cynisme du cheikh Khalifa n’est pas moindre. En décembre 2016, à son initiative et à celle de François Hollande, une conférence internationale réunissant une quarantaine d’États et d’institutions privées, se réunissait à Abu Dhabi pour créer un fonds financier et un réseau de refuges pour protéger le patrimoine en péril en période de conflit. Par la « Déclaration d’Abu Dhabi » adoptée par consensus en présence de François Hollande, ainsi que de la directrice de l’UNESCO, les participants se sont engagés « à poursuivre deux objectifs ambitieux et pérennes pour garantir la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la sauvegarde du patrimoine », avec l’objectif de réunir 100 millions de dollars. « Un rendez-vous qui marquera l’Histoire dans la lutte contre le fanatisme », a osé déclarer un François Hollande triomphant. 17 millions de Yéménites, soit les 2/3 de la population ont, en ce moment, ont un besoin urgent de l’aide humanitaire bloquée par les bombardements opérés par les avions de combat rafales vendus par la France de François Hollande à l’Arabie saoudite et certains de ses alliés. Conséquence des bombardements, également, une épidémie de choléra massive est en train de ravager la population. Le blocus aérien et naval interdit toute aide humanitaire. La Croix rouge internationale dénoncent, en vain, l’inertie volontaire de la communauté internationale. L’art, oui, les Hommes non, telle est le bon vouloir des puissants.
Illustration :
– Un des monuments historiques de la vielle ville de Sana rasé par les mécènes émiratis
– Palmyre ravagée par les hordes de Daech