Les États-Unis pourraient aussi bien « ouvrir les portes de Guantanamo et laisser tous les détenus aller combattre en Syrie. C’est la même chose ».
Vladimir Poutine a souligné jeudi dans un entretien télévisé qu’il ne fallait pas compter sur un changement de position de la Russie dans le dossier syrien.
Le président russe a également accusé à demi-mot les Occidentaux de s’appuyer sur des groupes islamistes comparables à Al-Qaïda pour tenter de se débarrasser de Bachar al-Assad.
« Pourquoi la Russie devrait-elle réévaluer sa position ? », s’est interrogé Vladimir Poutine dans l’un de ses plus longs entretiens accordés depuis son élection à un troisième mandat à la tête de la Russie en mars dernier. « Nos partenaires dans le processus de négociation devraient peut-être plutôt revoir leur position », a-t-il ajouté.
Vladimir Poutine répondait à des questions concernant la position de Moscou sur la crise syrienne, qui fait au moins 20000 morts depuis mars 2011.
Sans mentionner un seul nom de pays, le maître du Kremlin a laissé entendre que les États-Unis cherchaient des activistes pour renverser Bachar al-Assad mais qu’ils le regretteraient pas la suite.
« Aujourd’hui, on utilise des combattants d’Al-Qaïda ou des gens d’autres organisations qui partagent ses visées extrémistes pour atteindre leurs objectifs en Syrie. Il s’agit d’une politique très risquée et inconséquente », a déclaré Poutine. Les Etats-Unis, a-t-il poursuivi, pourraient aussi bien « ouvrir les portes de Guantanamo et laisser tous les détenus aller combattre en Syrie. C’est la même chose ».
Comme la Chine, la Russie a fait usage de son droit de veto à trois reprises à l’Onu pour s’opposer à des projets de résolutions du Conseil de sécurité condamnant la poursuite de la répression du soulèvement populaire contre le régime de Damas.
Vladimir Poutine a souhaité par ailleurs une résolution du contentieux sur le projet américain de défense antimissile en cas de réélection de Barack Obama, « une personne honnête, qui cherche vraiment à améliorer les choses », selon lui.
Romney se trompe
Le président russe s’en est pris en revanche à son adversaire républicain Mitt Romney, dont il a jugé les propos au sujet de la Russie « erronés ».
Le candidat du Grand Old Party a déclaré que la Russie était « sans nul doute l’ennemi géopolitique numéro un » des Etats-Unis, promettant que Washington resserrerait les boulons et se montrerait « moins souple et plus ferme » à l’égard de Moscou s’il est élu le 6 novembre prochain.
« Qu’est-ce que “resserrer les boulons” veut dire? Si cela signifie que tout le monde, y compris les représentants de l’opposition, doivent respecter la loi, alors oui, cette exigence sera appliquée avec constance », a commenté Poutine. « Nous supposons que cela s’inscrit dans la rhétorique de campagne électorale, mais je pense évidemment que c’est une erreur. » « Se conduire ainsi sur la scène internationale équivaut à recourir aux instruments du nationalisme et de la ségrégation sur la scène intérieure », a-t-il poursuivi.
Balayant les critiques concernant la répression des grandes manifestations de décembre dénonçant des fraudes aux législatives, le président russe a également nié avoir pesé sur le récent procès des membres du groupe artistique contestataire Pussy Riot. Trois jeunes femmes du collectif ont été condamnées le mois dernier à deux ans de détention dans une colonie pénitentiaire pour une « prière punk » anti-Poutine en février dernier dans la cathédrale du Christ Sauveur de Moscou.
« L’Etat a l’obligation de protéger les convictions des fidèles », a déclaré le président russe.
« Je suis au courant de ce qui se passe avec Pussy Riot, mais je reste totalement en dehors de tout ça », a-t-il affirmé.
Le président russe n’en a pas moins ironisé sur le caractère « indécent » du nom du groupe – « pussy » renvoyant en anglais argotique au sexe féminin –, ajoutant: « Je voudrais attirer votre attention sur le côté moral de cette question. »
Vladimir Poutine a estimé que les actes hostiles à l’Eglise orthodoxe russe ou autres fois durant la période soviétique accentuaient le caractère offensant de la performance effectuée par les Pussy Riot dans la cathédrale moscovite.