Le suspens n’aura pas duré longtemps : Issa Hayatou, « l’inamovible » patron de la CAF a été dégagé à l’issue d’un scrutin démocratique et sans appel.
Ce n’était pas le tsunami, mais le limogeage sans préavis du Camerounais Issa Hayatou de la présidence de la Confédération africaine de football (CAF), a secoué pas mal de monde dans les allées feutrées des palais africains d’Addis Abeba.
Depuis trente ans, Hayatou s’accrochait à son poste en s’appuyant sur un réseau complexe d’alliances politiques, sportives et familiales, dont il était seul à connaître les divers enchevêtrements. Depuis son élection en 1988, il se comportait en empereur de la planète foot en Afrique, faisant et défaisant les équipes à sa guise. Dénoncé par l’Association des footballeurs professionnels africains, il avait imposé l’annulation de la limite d’âge de 70 ans pour les candidats, pour s’ouvrir en toute illégalité un boulevard pour une présidence à vie. En septembre dernier, il a fait semblant de faire un geste pour favoriser l’alternance, en limitant à trois le nombre de mandats. Sauf que la nouvelle disposition prise pour faire taire ses adversaires, ne s’appliquait pas à lui.
Hayatou a ainsi pu présenter tranquillement sa candidature pour un mandat supplémentaire, qui fut finalement le mandat de trop. En réalité, il a fini par être considéré éternel à son poste, ses concurrents attendant dans la résignation – douce illusion — qu’il parte de lui même, alors qu’en réalité il s’était tracé depuis le début de son long règne un destin de président à vie.
Il vient d’être détrôné par un illustre inconnu, le malgache Ahmed Ahmed, accompagné d’une « ola » spontanée qui en disait long sur le sentiment de délivrance ressenti à l’annonce d’un résultat des plus nets : 34 voix pour Ahmad Ahmed contre 20 pour Hayatou. Mauvais coucheur, ce dernier a quitté l’auditorium sans dire un mot et sans adresser un seul regard aux journalistes. Son dernier appel du pied aux délégués des confédérations africaines insistant sur son « expérience inégalée » et sa « sagesse » a été superbement ignoré.
Le sorcier ou marabout du football africain était à la tête de 55 associations membres, sur les 209 que compte la Fédération internationale du football (FIFA). Il tenait la dragée haute à ses présidents successifs, dont le sulfureux Sepp Blatter, qui l’avait nommé président de la prospère commission des finances et celle en charge de l’organisation des compétitions de la FIFA, dont la coupe du monde, pour un salaire que les analystes financiers estiment à au moins 3 millions de dollars par an, venant s’ajouter à celui qu’il percevait de la CAF, couvert, lui, par un secret absolu. Lorsqu’en 2015, Blatter a été débarqué de la FIFA, avec des casseroles plein les pattes, c’est l’insubmersible Hayatou qui en a assuré pour un temps l’intérim.
Le dernier impair commis par le tout-puissant camerounais : la mauvaise répartition des droits télé de la dernière coupe d’Afrique des nations, aura été fatal pour le père fouettard du football africain, qui distribuait les sanctions à tour de bras contre ses critiques. L’Egypte, l’Algérie, la Tunisie et le Maroc, privés de retransmissions, ont été les premiers à monter au front pour réclamer la tête de l’empereur.
Le nouveau président de la FIFA Gianni Infantino, qui a promis de nettoyer les écuries d’Augias du football mondial, aurait appuyé en sous-main son successeur. Il voulait se venger, dit-on, contre le soutien apporté à son rival, le qatari Cheikh Salmam Bin Ibrahim Al Khalifa, lors de la succession de Blatter en 2016.
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