Le président Alassane Ouattara a déposé, le 5 octobre 2016, devant les députés de l’Assemblée nationale un projet de nouvelle Constitution. C’était l’une de ses promesses de campagne. Pour le chef de l’Etat, ce texte a une vertu qui domine toutes les autres : il permet de tourner définitivement la page de « l’ivoirité », concept nationaliste inventé par l’entourage de l’ancien président Henri Konan Bédié et qui avait été un puissant détonateur pour toute la période troublée 2000 – 2010.
L’ivoirité, c’était ce concept nationaliste en totale contradiction avec tous les principes qui régissait jusqu’alors la Côte d’Ivoire, à savoir l’accueil et l’intégration de tous les Africains de bonne volonté à la nation ivoirienne, de quelque pays qu’ils viennent, dans la mesure où ils étaient prêts à travailler pour le bien du pays. Concrétisé par le président Houphouët-Boigny, ce cosmopolitisme panafricain avait été détruit en quelques mois par le président Bédié, soucieux de préserver des prérogatives de pouvoir qu’il sentait lui échapper de plus en plus, à mesure que l’échéance de l’élection présidentielle 1995 se profilait et que le pays sombrait dans la crise. Il écartait ainsi son principal rival, Alassane Ouattara. On comprend que celui-ci, aujourd’hui élu et réélu dans un pays qui se sort plutôt bien de dix années de troubles et d’une guerre civile, ait à coeur de mener à bien ce projet.
La nouvelle constitution présentée aux députés met donc un terme définitif à ce concept d’ivoirité, qui excluait de la présidence tout homme – ou toute femme – qui ne soit pas né de père et de mère ivoiriens. Le nouveau texte prévoit que le candidat peut avoir son père OU sa mère d’une autre nationalité.
Elle prévoit également un poste de vice-président, qui sera élu en même temps que le président. Comme aux Etats-Unis, ce « ticket » permettra de cumuler à la tête de l’Etat deux tendances politiques. C’est une réponse politique aux Houphouétistes, lesquels se sentaient quelque peu exclus du pouvoir alors même que leur présence dans l’alliance présidentielle avait permis à Alassane Ouattara de se faire élire par deux fois. Cela permet aussi un exécutif représentant plus largement les grandes tendances du pays, ce qui pourrait rendre l’élection encore plus consensuelle qu’elle ne l’est actuellement. En cas de vacance du pouvoir, c’est le vice-président qui devra assurer l’intérim et non plus le président de l’Assemblée nationale. Le mandat présidentiel est ramené à cinq ans, renouvelable une seule fois, et il n’y a plus de limite d’âge pour se présenter.
Enfin, la nouvelle Loi fondamentale prévoit la création d’un sénat, dont un tiers des membres sera désigné par le président de la république.
Si les députés adoptent ce projet de Constitution, il sera proposé ensuite à la population, laquelle devra se prononcer pour ou contre par référendum, envisagé pour la fin octobre.