Contrairement aux démentis des autorités turques, les services de renseignements (MIT) ont bien aidé à livrer des armes aux rebelles islamistes en Syrie fin 2013 et début 2014. C’est ce qu’ont révélé un procureur et des témoins, d’après un document révélé par l’agence Reuters.
Quatre camions soupçonnés de transporter des armes ont été saisis en novembre 2013 et trois en janvier 2014, par la police et la gendarmerie sur ordre de procureurs du tribunal d’Adana. Les camions étaient escortés par des responsables du MIT, en route vers des zones contrôlées par L’État islamique (EI). Trois d’entre eux ont pu continuer leur périple après que les agents des services turcs aient menacé la police et résisté physiquement à la fouille, selon les témoins.
Le président turc s’est défendu en affirmant que les camions appartenaient au MIT et transportaient de l’« aide humanitaire». Ce n’est pas l’avis d’Ozcan Sisman, procureur au tribunal d’Adana, qui avait donné les ordres de fouille en 2013. Ce dernier et son collègue Aziz Takci qui avait également donné ordre de fouiller des camions en janvier 2014, ont été arrêtés depuis sur ordre du procureur général, accusés d’avoir ordonné des fouilles illégales, d’avoir révélé des secrets d’État et terni l’image du gouvernement en le faisant passer pour complice des groupes terroristes.
Plus de trente gendarmes impliqués dans les fouilles doivent également répondre d’espionnage militaire et tentative de renversement du gouvernement, selon un document du tribunal d’Istanbul daté d’avril 2015. Erdogan continue de prétendre que les procureurs n’ont pas le droit de fouiller les véhicules du MIT et qu’ils faisaient partie d’un « État parallèle » dirigé par ses ennemis politiques. Mais les témoignages sont là. Murat Kislakci, l’un des chauffeurs de camion, a bien déclaré que le chargement qu’il transportait le 19 janvier venait d’un avion stationné sur l’aéroport d’Ankara et qu’il avait effectué des chargements similaires auparavant. Selon d’autres témoignages devant la Cour, auxquels Reuters a eu accès, un gendarme impliqué en janvier 2014, a affirmé que les responsables du MIT avaient parlé de cargaisons d’armes pour les rebelles syriens à partir de dépôts sur la frontière. À cette époque, le côté syrien de la frontière dans la province d’Hatay qui jouxte Adana, était contrôlé par les rebelles islamistes tendance dure du groupe Ahrar-al-Sham. Le groupe salafiste avait des commandants comme Abu Khaled al-Soury, connu sous le nom d’Abu Omar al-Shamy qui a combattu avec Osama Ben Laden et était proche de son chef actuel, Ayman al-Zawahiri. Al-Soury a été tué dans une attaque suicide à Alep en février 2014.
D’autres témoignages révèlent que les camions saisis en novembre 2013 étaient aussi chargés de tubes de métal fabriqués en Turquie destinés à des mortiers. Le document révélé par Reuters cite, également Lutfi Karakaya, un chauffeur de camion, qui déclare avoir transporté la même cargaison par deux fois et livré dans un lieu situé à environ 200 mètres du poste de Reyhanli, à un jet de pierre de Syrie. Selon les juges, les pièces détachées saisies étaient destinées à « un camp utilisé par l’organisation terroriste Al-Qaeda à la frontière syrienne ». Les alliés occidentaux de la Turquie qui se sont servis du pays comme base avancée ou tête de pont dans leur guerre contre le régime syrien se taisent.
Traduit par Afrique Asie