Le principal parti d’opposition a lancé une bombe politique en déclarant que le gouvernement turc s’apprêtait à envoyer l’armée en Syrie. L’agence de presse Associated Press a également annoncé la signature d’un accord entre Ankara et Riyad qui prévoit d’apporter une aide aux rebelles syriens. Le but : se débarrasser de Bachar al-Assad.
A peine a-t-on murmuré un réchauffement entre les Etats-Unis, alliés traditionnels de l’Arabie saoudite, et l’Iran, ennemi juré de Riyad, que le régime wahhabite s’est rapproché de la Turquie. Les deux puissances sunnites de la région ont en effet une obsession, se débarrasser du président syrien Bachar al-Assad.
Et l’un des moyens est d’aider les « groupes rebelles » qui luttent depuis quatre ans contre le boucher de Damas. Or, là est le hic : les Etats-Unis voient d’un mauvais oeil le soutien à une nébuleuse qui contient notamment le Front al-Nostra, une succursale d’al-Qaïda.
« La Turquie va lancer une opération militaire en Syrie »
C’est Gürsel Tekin, vice-président du CHP (parti républicain du peuple, gauche kémaliste), qui a vendu la mèche jeudi 7 mai. « Ma source est très fiable. La Turquie va lancer une opération militaire en Syrie ce soir ou demain », a-t-il assuré, estimant que le pouvoir avait besoin de consolider son autorité à l’approche des élections législatives du 7 juin.
« J’attends du Premier ministre qu’il me contredise, qu’il dise qu’une telle folie n’est pas prévue, que cette allégation est fausse », a-t-il ajouté. Le ministre de l’Energie, Taner Yildiz, a mollement réfuté l’information.
Le même jour, ironie du sort, le chef d’état-major interarmées des Etats-Unis, Martin Dimpsey, déclarait au Congrès que l’établissement d’une zone de sécurité au nord de la Syrie était envisageable sur un plan militaire. « Nous sommes préparés à une telle éventualité depuis quelques temps », a-t-il dit avant de poursuivre : « C’est possible militairement, mais ce serait une décision politique importante ». Et pour qu’elle soit appliquée efficacement, « elle devra impliquer des partenaires dans la région ».
La Turquie et l’Arabie saoudite, une alliance de circonstance
C’est dans ce contexte que l’agence Associated Press a révélé jeudi dans la soirée que la Turquie et l’Arabie saoudite, opposées sur la question égyptienne, avaient signé un accord de soutien aux rebelles pour renverser le maître de Damas.
Le président turc, Tayyip Erdogan, est en effet un va-t-en-guerre sur la question syrienne. Très proche d’Assad avant la guerre civile, il avait été personnellement heurté de voir son ancien allié transformer le pays en bain de sang.
Et la Turquie abrite près de deux millions de réfugiés qui commencent à poser des problèmes tant sur le plan financier que sécuritaire. La présence de ces « invités » a même suscité une passe d’armes entre le gouvernement et l’opposition.
Les Turcs qui n’ont plus de capacité d’absorption avaient proposé de créer une zone tampon à des fins humanitaires dans le nord de la Syrie voire une zone d’exclusion aérienne mais les deux requêtes avaient été froidement accueillies par Washington. Riyad, dont l’obsession chiite ne faiblit pas, a décidé de se ranger aux côtés d’Ankara. Le nouveau roi Salman éprouve en effet une cordiale aversion contre l’hégémonie chiite.
Tolga Tanis du journal Hürriyet a pu obtenir confirmation de Khaled Khodja, président de la Coalition nationale syrienne, établie à Istanbul. « L’augmentation simultanée des livraisons d’armes du nord [de la Turquie] et du sud [de l’Arabie saoudite] a eu des conséquences sur le terrain. Assad se retire », a indiqué Khodja.
Le Premier ministre dément une intervention
La multiplication des négociations, des allées-venues, des contacts entre les deux capitales, le Qatar et le Koweit n’a pas échappé aux observateurs avertis. Déjà le mois dernier, le Huffington Post avait indiqué que l’Arabie saoudite et la Turquie, déjà alliés au Yémen, s’apprêtaient à lancer une opération en Syrie.
En outre, mi-avril, le Front al-Nosra, avait mis la main sur Idleb, la province frontalière de la Turquie, et le régime syrien avait déjà accusé les Turcs de leur avoir apporté une aide logistique et militaire.
Ankara qui reste sceptique sur le programme de formation et d’équipement des rebelles syriens promis par les Etats-Unis prendrait donc l’initiative de s’engager sur un terrain miné où s’entrechoquent nervis d’Assad, radicaux de Daesh et d’al-Nosra, combattants de la liberté, forces kurdes et milices chiites.
Dans la soirée, le ministère des Affaires étrangères a fait entendre sa voix mais n’a pas démenti de manière franche et massive. « La politique syrienne de la Turquie est connue. Elle concorde avec celle de l’Arabie saoudite, nous sommes en coopération avec elle comme nous le sommes avec l’Angleterre, les Etats-Unis et d’autres alliés. Al-Nosra est un groupe terroriste pour nous. Le programme de formation et d’équipement continue », a confié une source au quotidien Milliyet.
Dimanche 10 mai, le Premier ministre Ahmet Davutoglu, qui se rendait à Eshme en Syrie pour rendre visite à la tombe de Süleyman Shah, a démenti Tekin. « Un membre du CHP a prétendu que la Turquie allait entrer en Syrie dans les 48 heures. C’est exact. Nous y sommes entrés mais en tant Premier ministre, nous avons visité Süleyman Shah et nous sommes ainsi entrés dans l’histoire alors que les mensonges du CHP ont été enterrés dans l’histoire ».
Source : Zaman France
https://www.zamanfrance.fr/article/ankara-riyad-point-sengager-militairement-en-syrie-15754.html