Vladimir Poutine a signé un décret annulant celui de Medvedev, son prédécesseur, qui avait interdit la livraison du système de défense antiaérien et antibalistique S-300.
Dimitri Peskov porte-parole de la présidence russe, a précisé que cet acte concerne aussi la livraison des missiles eux-mêmes, ce qui signifie que les Russes envisagent d’en vendre plus que la quantité prévue dans l’accord initial signé en 2007 et suspendu en septembre 2010 pour « consolider les efforts » des 5+1 en vue de régler la question du programme nucléaire iranien. Dimitri Peskov a rajouté, dans une phrase lourde de sens, que la Russie ne prévoyait aucun retard dans la livraison de cet armement.
Lavrov n’a pas été en reste dans la clarté des propos. La Russie livre ce dispositif défensif à l’Iran pour prévenir les actes inconsidérés de « têtes chaudes » qui voudraient attaquer les sites iraniens. Il souligne : « La nécessité de l’embargo sur la livraison des missiles S-300 à l’Iran ne se justifie plus, ces mesures revêtent exceptionnellement un caractère défensif » en parlant de la livraison de ces équipements et de poursuivre : « leur livraison ne représente pas de menace pour un quelconque Etat de la région, y compris Israël ».
La phrase-clé est certainement la suivante : « La situation au Moyen-Orient, notamment au Yémen, reste tendue, c’est pourquoi ce système défensif est nécessaire à l’Iran » affirme-t-il. « Le système moderne est très actuel pour l’Iran, en particulier en tenant compte de l’escalade des tensions dans la région, y compris autour du Yémen ».
Dans une réponse anticipée au reproche possible que cette décision russe viole l’embargo sur ces armes, Sergueï Lavrov rappelle que le caractère « absolument volontaire » de la suspension de la livraison par Medvedev, qui, par ailleurs, ne s’est pas opposé à la résolution onusienne, critiquée par Poutine alors Premier ministre, qui a autorisé l’agression et la démolition de la Libye.
Les premières réactions des analystes en Occident a été d’expliquer cette mesure par l’intention russe de gagner la course du marché iranien des armements qu’ouvrira l’accord sur le nucléaire. Lavrov n’esquive pas la question et l’anticipe carrément en déclarant : « Bien sûr, nous avons tenu compte des aspects liés au commerce et à la réputation. A cause de la suspension du contrat, la Russie n’a pas reçu les sommes considérables qu’elle aurait dû recevoir. Nous ne voyons plus sa nécessité, étant donné les progrès des négociations sur le programme nucléaire iranien ».
Cette explication n’est pas convaincante. L’Iran avec sa composante et sa structure politique actuelle n’aurait jamais acheté ses armes stratégiques auprès de ses ennemis déclarés actuels, USA et puissances européennes et qui le resteront aux yeux du Guide et du Conseil du Discernement.
Les analystes occidentaux l’ont avancé pour porter atteinte au crédit croissant de la Russie dans les opinions du Moyen Orient et en ramenant les motivations russes à un niveau mercantile plus souvent attribué aux puissances occidentales qu’aux Russes.
Le virage de Poutine à propos de ces armements est visible depuis longtemps. En janvier 2015, le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou a négocié et conclu à Téhéran un accord de coopération militaire et technique. Fin janvier 2015, le journal russe Kommersant lance un vrai pavé en annonçant que la Russie pourrait livrer des S 400 si l’Iran refusait les Anteï 2500 (version modernisée des S 300) proposé en échange des S 300. Ces signaux russes importants aux plans pratiques et médiatiques montraient que l’Iran est aux yeux de Moscou un allié stratégique.
Le seul fait nouveau dans la région est l’agression de la coalition menée par l’Arabie Saoudite contre le Yémen et les transformations radicales qu’elle entend amener dans les rapports de force dans la confrontation avec l’Iran. Rameuter le Pakistan, la Turquie et l’Egypte dans ce combat ouvertement anti-iranien c’est retourner ces trois pays contre la Russie malgré le gazoduc Russie-Turquie, malgré les accords stratégiques Egypte –Russie et surtout malgré les rapprochements Russie- Pakistan encouragés par l’alliance solide Chine-Pakistan.
Cette configuration rappelle aux plus oublieux le Pacte de Bagdad créé en février 1955 par l’Irak, la Turquie, le Pakistan, l’Iran et le Royaume-Uni et chargé d’encercler l’URSS par un « cordon sanitaire » dont les alliés étaient la Syrie et l’Egypte.
L’affaiblissement de l’Iran renforcerait la présence takfiri en Afghanistan et par contagion dans les ex-républiques eurasiennes travaillées par les USA et Israël et que l’Iran neutralise actuellement.
La livraison des S 300 apparaît clairement comme un signal russe très fort aux USA et à Israël qu’un nouveau pacte de Bagdad ne sera pas toléré et que la Russie tient l’agression du Yémen pour un montage des nouveaux plans anti-russe et anti-iranien, post-accords sur le nucléaire et qu’elle tient à y répondre.
La phrase clé de Lavrov était bien celle-là : «Le système moderne est très actuel pour l’Iran, en particulier en tenant compte de l’escalade des tensions dans la région, y compris autour du Yémen ».
M.B
Source : impact24.info
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Légende : Le système de défense aérien S300, un élément-clé de la politique russe au Moyen-Orient. Photo: D.R