L’incendie est parti de Libye. L’intervention de l’Otan à laquelle certains ont applaudi, joignant leurs voix imbéciles à celle d’un Bernard Henri-Lévy posant joyeusement avec de supposés «thouars» dans une Libye libérée, a bel et bien été le point de départ de ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux. Pourtant ils étaient nombreux ceux qui, sans passer pour des soutiens de Kadhafi, n’ont cessé de mettre en garde contre les contrecoups de la guerre de Nicolas Sarkozy et de ses alliés de l’Otan en Libye. Une guerre qui a fini par déstabiliser la zone sahélo-saharienne, menacée plus que jamais de dislocation.
En 2011, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, qualifiait l’intervention française en Libye d’«opportunité» pour la France et ses «entreprises», écartant tout risque de déstabilisation régionale. On voit ce qu’il en est aujourd’hui. Bottant régulièrement en touche dès lors que le risque islamiste était évoqué, l’ancien chef de la diplomatie française n’hésitait pas alors à démentir tout armement des «rebelles» libyens avant que des avions français ne leur parachutent des armes. Lui, comme tous ceux qui ont organisé cette guerre, savait que le pillage des arsenaux du régime de Kadhafi suscitait l’inquiétude des pays voisins, singulièrement du Mali et de l’Algérie.
Les autorités françaises étaient parfaitement informées de la présence active en Libye de groupes islamistes armés liés à Al-Qaïda, comme le Groupe islamique combattant libyen (GICL), qui s’est transformé en parti appelé Mouvement libyen pour le changement, dont le chef Abdelhakim Belhadj est aujourd’hui gouverneur militaire de Tripoli grâce au soutien du Qatar et de l’Otan. Loin d’être dupes, Paris et ses alliés savaient surtout qu’après la chute de Kadhafi et qu’en l’absence d’un pouvoir central fort, la Libye allait être livrée aux milices et comme ailleurs, ce sont celles se revendiquant de l’islamisme, parce que soutenues par certains pays du Golfe, qui allaient prendre le dessus, et non les partisans de la démocratie, au demeurant minoritaires ou inexistants. Il en est ainsi d’Ansar chariaa (branche libyenne d’Al Qaïda) et de son avatar, l’Etat islamique (EI), apparu récemment sur la scène libyenne, de façon brutale (décapitation de 21 coptes égyptiens), afin de marquer son territoire.
A l’instar des autres groupes islamistes comme Fadjr Libya, l’EI est en train de faire son nid en Libye sur les décombres du régime de Kadhafi, de se territorialiser à partir de la région de Derna (sud-est du pays) et d’avoir un accès sur la mer. Avec son allié Ansar chariaa, ils menacent désormais la Tunisie et l’Égypte. Même l’Algérie, malgré son expérience, son armée réputée la plus puissante et la plus expérimentée de la région, n’est pas à l’abri.
En témoignent l’attaque du site gazier d’In Aménas en 2013 et le meurtre d’Hervé Gourdel en 2014, acte qui se voulait annonciateur d’un clone algérien de l’EI d’Al-Baghdadi. Le reste se déroule aujourd’hui sous nos yeux. Après le Mali, le Nigeria où le groupe Boko Haram poursuit sa politique de massacre et de terre brûlée, le Cameroun mais aussi le Niger, ne sont plus à l’abri.
Aussi, ne faisons pas la fine bouche. Le processus de négociations d’Alger rassemblant tous les partis et acteurs politiques libyens des deux gouvernements – Tobrouk et Tripoli – sous l’égide de l’Algérie et la supervision de la Mission d’appui de l’ONU en Libye (UNSMIL), est une bonne chose. Il y a deux options : «l’accord politique ou la destruction», a prévenu l’émissaire de l’ONU en Libye, Bernardino Leon. En effet, après l’accord entre les protagonistes maliens qui devrait ouvrir la voie au retour à la paix et à la stabilité au Mali, les négociations entre les différentes factions libyennes seront déterminantes à plus d’un titre.
Car la déstabilisation qui touche aujourd’hui de nombreux pays, partie de Libye, aujourd’hui menacée par une tentative de morcellement, tout comme d’ailleurs le Mali et le Nigeria, a été voulue et sans doute programmée par des apprentis sorciers.
D’autant qu’elle est déjà à l’œuvre au Moyen-Orient et a pour nom «Le Grand-Moyen-Orient» : c’est ce projet de démantèlement des Etats-nations si cher à George Bush et aux néoconservateurs américains dont l’Irak et la Syrie sont le triste exemple, que Barack Obama semble avoir repris à son compte.
H. Z.
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