Comme il l’a indiqué, en décembre dernier, au lendemain de son accession en tant que premier président tunisien élu démocratiquement à la tête de son pays, Béji Caïd Essebsi a réservé sa première visite à l’étranger pour l’Algérie.
Si cette « faveur » venait à signifier quelque chose, c’est sans conteste ce changement de cap chez le voisin de l’Est qui met la coopération bilatérale avec l’Algérie au centre des intérêts suprêmes de la Tunisie post révolution. Ce pays, qui autrefois était plus orienté, sous le règne de Zine El-Abidine Ben Ali, vers le Qatar, puissance du Moyen-Orient dans le monde arabe, a-t-il compris que ses intérêts sont à quelques dizaines de kilomètres seulement ? En tout cas, l’ancien ministre de Bourguiba donne l’impression de vouloir introduire un changement radical dans les relations de son pays avec le reste du monde. Dans ce registre, outre les multiples domaines dans l’économie, le tourisme, les transports et l’emploi, qui peuvent constituer des sujets d’importance entre Alger et Tunis, il faut dire que le volet sécuritaire reste de loin le partenariat stratégique à développer entre les deux capitales, en toute urgence. Au moins deux dossiers feront partie des sujets débattus entre le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, et son homologue tunisien, Béji Caïd Essebsi, et sont en relation directe avec le domaine sécuritaire. La crise libyenne et la lutte antiterroriste aux frontières liant les deux pays. De par sa longue expérience dans la lutte contre le terrorisme, l’Algérie, qui bénéficie du respect des pays du monde dans ce domaine, est sollicitée par la Tunisie pour mettre fin à la montée des groupes terroristes depuis 2013. Au mont Chaâmbi, à Kasserine, les terroristes avaient frappé à plusieurs reprises. Ce qui a nécessité la sollicitation de l’expérience de l’Armée algérienne par les services de sécurité tunisiens. Une coopération s’est traduite alors par de multiples visites entre les deux pays, notamment entre des responsables sécuritaires comme la Gendarmerie nationale. Conscients que la menace terroriste dans cette région constituait un danger pour la stabilité des deux pays, les autorités algérienne et tunisienne ont, depuis, intensifié le travail de coopération.
Formations, échanges d’informations et opérations de terrain
« Les Tunisiens n’ont pas de précédent avec le terrorisme. Nous n’avons jamais eu de terrorisme. C’est une chose nouvelle pour nous. Et je pense que les Tunisiens ne peuvent pas résoudre efficacement ce problème tous seuls», a déclaré, hier, M. Essebsi, dans un entretien accordé à nos confrères d’El Watan. Estimant que la Tunisie n’était pas préparée auparavant, il ajoutera que « l’éradication du terrorisme ne saurait être immédiate. Il faut du temps ». « Sur ce plan-là, évidemment, nous avons une bonne coopération avec l’Algérie, elle-même victime de cela. Cette coopération, de plus en plus importante, a eu des résultats et de l’efficacité », a insisté le locataire du Palais de Carthage. Ceci, faut-il le souligner, n’était possible que grâce à l’échange d’informations entre les services de sécurité des deux pays, désormais unis pour l’éradication de ce fléau international. Certains rapports médiatiques font état même d’une reconfiguration et d’une restructuration complète des services de renseignement tunisiens, en matière de lutte antiterroriste, par des officiers algériens. Nos voisins bénéficient, sur ce plan, de formations et d’expériences dans le cadre de programmes tracés entre les deux pays. Faut-il rappeler qu’un document publié, l’an dernier, sur le site Internet du ministère tunisien de la Défense avait indiqué qu’à l’occasion de la réunion de la commission mixte de haut niveau en charge des questions frontalières, la Tunisie et l’Algérie ont signé, le 27 mai 2014, un « accord de coopération en matière de sécurisation des frontières ». L’accord porte sur quatre points, dont « l’organisation de réunions bilatérales entre les structures des deux parties en charge de la protection de la frontière commune » et « la coordination de l’action de terrain et l’instauration d’une coopération opérationnelle en matière de sécurisation de la frontière commune pour lutter contre le terrorisme, la contrebande et la criminalité transfrontalière ». Les deux derniers points stipulent «la mise en place d’un partenariat dans les domaines de l’échange de renseignements en rapport avec la sécurité de la frontière commune » et «l’échange d’expériences en matière de sécurisation des frontières et de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes, ainsi que dans le domaine de la formation spécialisée au profit des cadres militaires en Tunisie et en Algérie ».
Libye : une vision commune Enfin, c’est la Libye qui constitue l’autre dossier à régler en urgence pour les deux chefs d’Etat. En effet, la stabilité tant souhaitée passe inéluctablement par le règlement de la crise libyenne. C’est pour cela que Bouteflika et Essebsi conjugueront leurs efforts mutuels pour parvenir à réunir les parties libyennes. Il faut dire que dans ce registre, Alger s’est réjouie de la victoire de Nidaa Tounès à l’élection présidentielle de décembre dernier, contre Moncef Marzouki. Le parti de M. Essebsi partage parfaitement la démarche de l’Algérie dans le règlement de la crise en Lybie. Devenue fief de groupes criminels et terroristes de tout bord, même ceux du Mali, la Libye semble être la clé de la stabilité dans la région. Raison pour laquelle, l’Algérie et la Tunisie sont d’accord pour s’opposer à toute intervention militaire étrangère dans ce pays. La crise libyenne ne pourra donc être résolue que par le dialogue. Il est, en effet, dans l’intérêt des deux pays que l’armée régulière libyenne puisse se concentrer sur la lutte contre les groupes terroristes, au lieu de s’enliser dans des conflits internes qui n’arrangent pas la stabilité de la région.
Source : Reporters.dz
https://www.reporters.dz/alger-tunis-un-axe-strategique-en-formation/39783
Légende : Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s’est entretenu à Alger avec son homologue tunisien, Béji Caid Essebsi, en visite d’Etat en Algérie.