Vincent Kanayo, analyste en affaires publiques, vit actuellement à Abia au Nigéria. Il a publié une chronique dans le journal Leadership Nigeria, mercredi 28 janvier 2015, dans laquelle il met en garde les dirigeants africains contre l’activisme du président turc Tayyip Erdogan contre les écoles affiliées au mouvement Hizmet en Afrique. Selon lui, Erdogan n’est pas digne de confiance.
Jeudi dernier [le 22 janvier 2015], entendre le président Erdogan, qui se trouvait en Ethiopie, demander à son homologue de fermer les écoles turques a été un choc pour moi. Ces écoles appartiennent à des sympathisants du savant Fethullah Gülen, un ancien allié devenu aujourd’hui son pire ennemi. Le président a juré d’anéantir financièrement Gülen et les sympathisants du mouvement Hizmet, qui lui reprocheraient d’avoir trempé dans un scandale de corruption en 2013.
Et comme l’éducation est un des principaux domaines d’engagement du mouvement, Erdogan y a trouvé une fenêtre de tir en Afrique. «Dans les pays que nous visitons, nous discutons du statut de ces écoles et demandons leur fermeture», a-t-il dit. Il a annoncé qu’à leur place, son gouvernement construirait de nouvelles écoles, affirmant que «le ministère de l’Education était sur le point de finaliser un projet à cet effet».
« Erdogan croit que les Africains sont abrutis du fait de leur sous-développement »
Erdogan a fait une tournée en Afrique dans le cadre d’une campagne contre les établissements scolaires fondés par les sympathisants de Gülen. Quelle est sa stratégie ? Il présente les écoles comme des foyers d’activités terroristes.
Mais pourquoi ne peut-il pas aller aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens où les écoles fleurissent ? Pourquoi l’Afrique est-elle la cible ? Tout simplement parce que l’Occident ne gobera pas ces conneries. Erdogan, dans sa petite tête, croit que les Africains sont abrutis du fait de leur sous-développement. Mais il se trompe. Seule la Gambie, à laquelle il fait la charité, jouera le jeu.
Regardons les faits de plus près. L’Organisation de la Coopération et du Développement Economiques (OCDE), dans ses analyses récentes, a montré qu’il y avait encore beaucoup de choses à faire par le gouvernement turc en matière d’éducation.
«La Turquie a connu des améliorations significatives en mathématiques et sciences dans le programme PISA mais demeure en-deçà de la moyenne de l’OCDE en lecture, mathématiques et sciences. Le gouvernement a travaillé pour améliorer le taux d’alphabétisation mais l’instruction à l’école maternelle est basse, comparée à la moyenne de l’OCDE», note le rapport.
Un système éducatif turc qui laisse à désirer
Selon le rapport, «la Turquie a une proportion plus élevée que la moyenne concernant les élèves en difficultés et la réussite scolaire est particulièrement peu élevée parmi les élèves issus de milieux défavorisés. Les politiques concernant la sélection et l’orientation à un âge précoce entravent l’équité. L’accès à l’enseignement secondaire et à l’enseignement supérieur est également très sélectif. Les taux de réussite dans le secondaire et le supérieur pour les programmes et l’orientation sont en-deçà des moyennes de l’OCDE».
Selon l’OCDE, le nombre d’enfants non scolarisés est particulièrement élevé à cause de la «distance entre l’école et la maison, les limitations posées par le transport scolaire et le manque d’internats dans les zones rurales». Il n’y a donc aucun doute qu’il faille construire plus d’écoles dans les zones rurales.
Pour l’amour de Dieu, pourquoi Erdogan prétend-il alors qu’il construira des écoles en Afrique ? Et quelle est la situation des 200 000 réfugiés syriens qui se trouvent dans ce pays et qui ne bénéficient pas d’éducation depuis trois ans ? Ce n’est pas un homme à qui on peut faire confiance !
« L’Afrique est plus avisée que ne le pense le président turc »
Au lieu d’écouter ce va-t-en-guerre désespéré, les nations africaines ont besoin de se concentrer sur les bénéfices que leur procurent les écoles affiliées au mouvement Hizmet sur leur niveau d’éducation et l’économie.
Au Nigéria, par exemple, imaginez le nombre de Nigérians qui auraient dû aller à l’étranger chaque année s’il n’y avait pas le collège international turco-nigérian et l’Université turco-nigériane Nile. Imaginez combien l’économie aurait perdu.
Le fait de présenter les écoles inspirées par Gülen comme des foyers de sédition sert sans doute le but d’Erdogan mais non celui de l’Afrique. Même s’il construit des écoles publiques en Afrique, va-t-il les soutenir ? Peut-il assurer que le gouvernement qui lui succédera ne changera pas de politique ?
L’Afrique est plus avisée que ne le pense le président turc.
Publié et traduit par Zaman France