Mikhail Khodorkovsky, ancien PDG de Youkos, l’une des plus puissantes compagnies pétrolières au monde jusqu’en 2004 et son arrestation pour escroquerie à grande échelle et fraude fiscale, suivie d’un emprisonnement de dix ans, s’est adressé le 2 décembre au Parlement européen.
« Je considère les sanctions contre la Russie en tant que pays comme une énorme erreur politique », a-t-il déclaré, ajoutant que l’idée que si la vie des Russes empire, ils comprendraient qu’ils ont choisi les mauvais dirigeants, est « absolument inacceptable ». La dernière série de sanctions européenne touche, en effet, les secteurs de la défense, l’énergie et bancaire.
Les paroles de l’ancien magnat du pétrole répondaient-elles aux déclarations du général Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, qui, la veille avait exhorté les membres de l’UE et les pays alliés, particulièrement la Turquie, à soutenir les sanctions anti-russes. « Je pense que les sanctions économiques sont d’une grande importance…J’aimerais voir autant de pays que possible soutenir les sanctions », avait-il déclaré au cours d’une conférence de presse tenue le jour même où les présidents russe et turc se sont dit prêts à des négociations pour augmenter le volume des échanges commerciaux de $33 milliards à $100 milliards d’ici 2020, à diversifier et multiplier les échanges bilatéraux et à développer de nouveaux axes de coopération. « C’est important que les sanctions aient un effet, a-t-il expliqué. Je pense qu’il doit y avoir des conséquences lorsque un pays est responsable de ce genre d’action agressive comme nous avons vu la Russie le faire en Ukraine ».
Alors que l’Union européenne, suivant son maître américain, avait annoncé son intention de sanctionner Moscou dès le début de la crise ukrainienne, la Turquie avait fait savoir qu’elle ne s’y joindrait pas « par principe ». La Russie est le principal importateur de fruits et légumes turcs, tandis que la Turquie est le premier importateur de céréales russes, soit près de 3 millions de tonnes en 2014. Les sanctions européennes contre la Russie, s’ils elles pénalisent gravement les producteurs européens, ouvrent des perspectives inespérées aux exportateurs turcs qui ne cachent pas leur satisfaction et comptent bien renforcer leur présence sur le marché russe.
La prise de position de Mikhail Khodorkovsky devant le Parlement européen est d’autant plus importante que son arrestation, il y a dix ans, avait soulevé un tollé européen. L’Allemagne s’était particulièrement impliquée dans sa libération par l’intervention de l’ancien ministre des affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher et de la chancelière Angela Merkel. « Un triomphe de la diplomatie secrète allemande », avait titré, le 22 décembre 2013, le journal Der Spiegel. Qu’aujourd’hui, celui dont la devise est « Notre boussole est le profit, notre idole est sa majesté, le capital » et qui ne rêve que de faire entrer la Russie dans le grand concert capitaliste ultra-libéral mondial s’oppose à la décision européenne, devrait créer quelques remous.