L’Arabie saoudite, le Koweït et la Russie inondent le marché de pétrole. Depuis le peak de juin, les prix sont en chute libre pour atteindre les 80 dollars le baril. Et si le but de cette improbable coalition était de remettre en question l’ambition pétrolière américaine et ses huiles de schiste ?
Nous assistons peut-être à une formidable partie d’échecs entre les grandes puissances pétrolières afin de garder le leadership mondial et le contrôle stratégique et énergétique du monde.
Bien sûr que l’économie tousse – Europe, Inde et Chine en tête – mais cette donnée n’infléchit que mollement la courbe de demande de pétrole qui reste haussière (+ 700 000 barils en 2015) et atteint un record jamais égalé à 93,5 millions barils/jour.
Le gaz de schiste est dans la cible…
Grâce aux huiles de schiste, les USA ont réussi à augmenter leur production pétrolière de 2 millions barils/jour et un million de barils supplémentaires devraient être ajoutés en 2015. Les USA désirent apporter sur la table mondiale 9,5 millions barils/jour fin 2015 et espèrent ainsi, prochainement, dépasser la Russie et l’Arabie saoudite.
Cependant, le talon d’Achille des forages de schiste est leur coût d’extraction prohibitif. L’IEA (International Energy Agency) estime que le prix moyen d’extraction de ce type de pétrole atteint 85 dollars le baril alors que d’autres experts vont jusqu’à 110 dollars par baril. Juxtaposez ces chiffres avec les 10 à 25 dollars du pétrole saoudien ou les 25 à 40 dollars du pétrole russe et l’équation devient évidente.
Même avec un baril à 100 dollars, comme nous l’avons eu ces deux dernières années, sur les 71 entreprises actives dans les forages de schiste répertoriées à Wall Street, 67 sont en déficit chronique ou au bord de la faillite. Les investisseurs américains, qui ont investi et perdu plus de 50 milliards de dollars cette année, sont en train de déserter ce domaine et avec l’arrêt de l’injection de billets verts par la Fed, le dernier espoir des foreurs s’évanouit.
Qui craquera en premier ?
En faisant chuter les prix du baril en dessous du prix de production, l’Arabie, le Koweït et la Russie empêchent définitivement les producteurs américains de trouver les sources de financement nécessaires. D’autant plus qu’il y a urgence, car dans les mois à venir, les 70 % des puits du Bakken au Dakota et d’Eagle Ford au Texas devront être remplacés par de nouveaux forages afin de simplement maintenir la production actuelle.
Si la coalition arrive à maintenir le prix du baril aussi bas pendant ce laps de temps, nous allons assister à un véritable carnage et à une chute de production américaine d’huile de schiste.
Cependant, un baril à 80 dollars n’arrange ni les budgets de la Russie, ni ceux de l’Arabie. Qui craquera en premier ?
La première place mondiale se mérite et dans un domaine aussi stratégique et important, les tactiques et les alliances sont cruciales.
Les Russes sont de formidables joueurs d’échec et les Saoudiens des commerçants aguerris. Dans ce contexte, il ne serait pas étonnant de voir les USA renoncer à leur rêve.
Boulevard Voltaire
https://www.bvoltaire.fr/laurenthorvath/petrole-les-prix-seffondrent-cest-partie-dechecs,132002