C’est la question que pose Kate Brannen, sur le site complex.foreignpolicy.com . Le Pentagone est déjà en train de décrire sa première vague de frappes aériennes contre des cibles de l’État islamique en Syrie comme « un grand succès », mais en Irak, où la campagne aérienne dure depuis des semaines, les progrès sont minimes.
Légende : Base de commande américain pilotant les frappes contre la Syrie. Pour certains militaires, la guerre à distance n’est qu’un jeu ! Source Pentagone
Les États-Unis et certains États européens ont aidé les forces de sécurité irakienne et les combattants peshmerga kurdes à empêcher l’État islamique de prendre de facto Erbil, la capitale de la région autonome kurde dans le nord de l’Irak et ont aidé les forces au sol à reprendre le barrage stratégique de Mossoul. Cependant, ces efforts n’ont pas permis de reprendre les vastes zones de territoires que l’auto-proclamé État islamique a prises au printemps ou empêcher des attaques de l’EI à grande échelle, comme le massacre de centaines de soldats irakiens à la base militaire assiégée dans la province occidentale d’Anbar.
Aujourd’hui, écrit Kate Brannen, l’attention se porte sur la Syrie où les États-Unis avec l’aide de cinq nations partenaires arabes, lancent une campagne aérienne contre l’EI avec une force de frappe mixte et des drones armés, des F-16 et des missiles de croisière Tomahawk lancés depuis les navires de la Navy en Mer Rouge et du nord du Golfe persique. Les frappes visent IS, ainsi que des membres de la cellule moins connue d’Al Qaïda, le Groupe Khorasan.
Les frappes font partie de la tentative américaine de « toucher pour finalement détruire » l’EII, également appelé ISIL et ISIS. Mais avec la lenteur des progrès en Irak, où les États-Unis ont lancé 190 frappes dans les six dernières semaines, l’impact de frappes en Syrie n’est pas clair, alors que le contexte politique et militaire est bien plus complexe et que les alliés européens ont refusé, jusqu’à aujourd’hui, de participer à cette campagne.
Les autorités du Pentagone, écrit Kate Barren, ont déclaré qu’ils étaient encore en train d’évaluer l’impact des premières frappes en Syrie et ont refusé de donner une estimation des morts. Le lieutenant général William Mayville, directeur des opérations pour l’état major conjoint, a informé les journalistes que les frappes aériennes seules ne sont pas suffisantes pour expulser IS d’Irak et de Syrie, mais il a réitéré la promesse de Barack Obama que l’infanterie américaine ne jouerait aucun rôle dans ces deux pays. Cependant, il a aussi dit que l’armée préfère garder un œil sur le terrain quand elle mène des frappes aériennes, particulièrement lorsqu’elle essaie d’éviter des morts de civils dans les zones à forte densité de population comme dans la ville de Raqqa. Selon le programme actuel, 1600 GI’s doivent mener des mission de conseil-assistance en Irak.
« Le plus important est de créer un espace pour permettre aux forces de sécurité irakiennes de se réorganiser et de remplacer la direction, de leur permettre de réorganiser leur équipement et de se réarmer, de coordonner leur ministère avec le nouveau gouvernement et de leur permettre de prendre l’offensive », a déclaré Mayville. Mais en Irak, selon Kate Brannen, certains experts pensent que la situation a progressé trop lentement. « Il est décevant de voir le manque d’offensive, pas seulement de la part de l’armée irakienne, mais aussi des Peshmergas qui ont décidé qu’ils n’iraient que jusqu’à un certain point et tracerait, essentiellement, une limite dans le sable », estime Michael Stephens, directeur adjoint du Royal United Services Institute au Qatar dont Kate Brannen rapporte les propos.
Les frappes aériennes ont donné du temps aux forces en Irak pour agir ensemble, mais vu les progrès accomplis jusqu’à aujourd’hui, cela reste un projet long et ardu, estime Michael Stephens. « Il ne s’agit pas seulement de déverser des armes et des frappes aériennes. Il s’agit de restructurer, entraîner à nouveau et créer un système méritocratique dans l’armée irakienne ».
Autre problème, selon Kate Brannen, certains des meilleurs officiers irakiens sont maintenant passés du côté de l’EI. Mais au centre de la stratégie de Barack Obama, il y a le soutien aux forces locales dans leur lutte contre l’EI pour ne pas envoyer de soldats américains sur le terrain. « Si les États-Unis voulaient lancer une attaque massive en y mettant tous les moyens, ils balaieraient l’EI en deux semaines », estime Stephens. Mais la tache devient plus difficile et plus longue s’ils ne le font pas. C’est en fait de la pure vantardise dans la mesure où le contingent américain qui a envahi l’Irak en 2003 a finalement du quitter dix ans plus tard ce pays sans atteindre ses objectifs.
Si en six mois, les forces de sécurité irakienne n’ont toujours pas regagné de territoires, la question des progrès accomplis doit être posée, estime Dafna Rand, ex agent du Conseil de sécurité nationale américain qui estime que le but immédiat des États-Unis est de stopper l’avancée de l’EI. Elle souligne qu’au début du mois d’août, l’EI était sur le point de prendre Erbil où les États-Unis ont un consulat, et Bagdad, où des milliers d’Américains vivent et travaillent. Le déchainement de l’EI à travers l’Irak a été relativement bloqué, mais en Syrie, le groupe a envahi des villes et des villages kurdes provoquant l’exode de plus de 100 000 Kurdes syriens vers la Turquie. Mais, estime Stephens, « je ne vois pas comment chacun va s’asseoir autour d’une table et exposer son problème. Si l’objectif est simplement de « toucher et détruire » l’EI, bien, alors touchez et détruisez l’EI, mais ensuite, vous devez vous inquiéter de ce qui va arriver. »