Voici un article, une fois n’est pas coutume, venu de la presse allemande, paru le 4 septembre 2014 sur le site du magazine Deutsche Wirtschafts Nachrichten (Les Nouvelles économiques allemandes).
L’Occident pourrait, à travers les sanctions contre la Russie, accélérer la chute du président Vladimir Poutine. Après la chute du mur de Berlin, l’Occident a tenté de « moderniser » la Russie depuis l’extérieur. Cette tentative a échoué. Poutine mène une politique conservatrice et autoritaire. Le conflit est inévitable.
Selon Marie-Louise Beck, membre de la Commission des Affaires extérieures du Parlement allemand, il est vraisemblable que les sanctions affaibliront la position du président Vladimir Poutine au sein du Kremlin. En marge du Forum économique de Krynica-Zdroj, en Pologne, Madame Beck a déclaré au journaliste des Deutsche Wirtschafts Nachrichten : « Les sanctions suscitent l’opportunité de faire survenir des frictions au sein du Kremlin ».
Madame Beck pense qu’il convient de transformer la politique de Poutine en Ukraine en un affaiblissement du président russe sur le plan de la politique intérieure : « Poutine utilise la stabilisation de l’Ukraine pour s’assurer le succès à Moscou ». Madame Beck appelle l’Occident à ne pas croire que le cessez-le-feu résoudra le problème : « Ce serait une erreur que d’en arriver à sous-estimer le danger. La tentation est grande car l’Occident espère ne pas avoir à supporter de conséquences de ces sanctions ».
Madame Beck conteste de façon véhémente l’éventualité selon laquelle l’Union européenne puisse endosser une partie de la responsabilité de la crise en Ukraine : c’est le Président Yanoukovich qui a décidé d’entrer en négociation avec la Russie. S’il ne l’avait pas fait la crise n’aurait pas empiré.
Madame Beck qualifie la collaboration avec le gouvernement russe actuel comme particulièrement difficile : « Lorsque notre ministre des Affaires étrangères, Monsieur Steinmeier négocie avec Monsieur Lavrov, on ne peut partir du postulat selon lequel le ministre russe des Affaires étrangères ait reçu procuration pour l’entretien. Toutes les décisions relèvent du cercle restreint autour de Poutine. Le Kremlin est dirigé de façon très autocratique ». Madame Beck voit en cette situation une preuve de ce que : « Poutine, malgré ces gestes menaçants vis-à-vis de l’extérieur, doit à l’intérieur lutter pour conserver son pouvoir. » « Nous avons déjà constaté cela en 2012, lorsque le pouvoir de Poutine fut sérieusement contesté pour la première fois. »
Dès le début de la crise en Ukraine, les Americains interviennent pour renverser Poutine. Les États Unis préféreraient au Kremlin un dirigeant pragmatique et occidental. On note avec intérêt que durant le Forum économique, Madame Beck a expressément loué l’apparition du premier ministre Medvedev. Celui-ci a suscité de grands espoirs en Occident, donnant l’impression d’un politicien moderne.
Au podium lors d’une discussion, Madame Beck a expliqué que l’Europe a d’abord tenté à la fin de la guerre froide d’établir un partenariat avec la Russie. Ce partenariat était censé se muer en partenariat de modernisation : « A terme, un pays comme la Russie ne peut vivre du pétrole et des matières premières. Un pays tel que la Russie a besoin d’une économie moderne et d’une société moderne ». Toutefois, Poutine a montré qu’il voulait une autre société. La limitation des libertés civiles en Russie aurait, selon Madame Beck, « concrètement mené à l’élimination de la société civile ».
L’Occident veut voir son modèle de société devenir une réalité en Russie aussi. Une société libérale correspond à cette vision. Mais du point de vue de nombreux politiciens occidentaux, Poutine a en tête un État conservateur et autoritaire. Et ceci éveille, surtout chez les Européens de l’Est, la peur du retour d’une idéologie répressive. Parmi les politiciens actuels en Europe orientale, nombreux sont ceux qui proviennent des mouvements civils de lutte contre le communisme. Ainsi, le premier ministre polonais, désigné en qualité de président du Conseil de l’Union européenne, fut actif au sein de Solidarnosc. Ce souci fut exprimé pendant le Forum économique par de nombreux participants de l’Europe de l’Est.
Source :
Deutsche Wirtschafts Nachrichten
Bertrand Gaideclin
(Trad. Serge pour BDD)