« J’approuve le recours à la force contre Kadhafi, à la fois parce qu’il est légitime, il a été décidé par le Conseil de sécurité des Nations unies, et ensuite par ce qu’il est nécessaire », déclarait François Hollande le 20 mars 2011, ajoutant que, sinon, « Kadhafi aurait massacré une partie de son peuple. » L’ancien premier secrétaire du parti socialiste se déclarait « fier » de la France.
« Il semble que l’on soit à l’aube d’un nouveau jour pour le peuple libyen. Je voudrais saluer une fois encore, ce que nous avons régulièrement fait à l’Assemblée nationale comme à cette tribune, le courage de ce peuple, l’implication avec laquelle il a su prendre son destin en main et la façon dont il a réussi à se lever contre la violence, l’arbitraire et les massacres ». C’était le 22 août 2011, après l’attaque de l’Otan contre la Libye. Benoît Amont, porte-parole du Parti socialiste français exprimait le point de vue de son parti sur la situation en Libye et les soulèvements anti-Kadhafi. « Nous sommes tout proches d’un dénouement. Nous voudrions saluer l’implication et le courage des soldats français qui ont contribué à ce que le rapport de force tourne à l’avantage des insurgés », ajoutait-il, en demandant que Kadhafi soit « traduit devant le Tribunal pénal international ».
Le parti socialiste se rangeait, alors, sans condition, aux côtés du président d’alors, Nicolas Sarkozy, l’homme qui voulait devenir plus grand qu’Obama, initiateur de la guerre menée au nom de la démocratie et visant à abattre le « tyran » Kadhafi et à libérer le peuple libyen de son ancien « ami ».
Il ne fallut pourtant pas longtemps pour apprendre, qu’avec l’aide de Bernard-Henri Levy, le « philosophe génocidaire », selon le surnom qui lui est donné en France, les services secrets français avait commencé à alimenter une rébellion longtemps avant. La reconnaissance diplomatique des rebelles de Benghazi par le président français Sarkozy, le vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’Onu autorisant la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne, puis l’attaque aérienne massive de l’Otan sous prétexte de défendre la population civile, et, finalement, l’assassinat de Kadhafi dans des conditions de sauvagerie extrême, saluée comme une victoire – « C’est la fin de cette dictature et de l’homme qui l’a incarnée », déclarait François Hollande – ne furent qu’une longue suite logique d’une diplomatie guerrière imprégnée d’une forte odeur de pétrole et d’un mépris total pour les peuples.
Il ne fallut pas non plus longtemps pour que l’opinion publique internationale découvre la véritable nature des « démocrates » anti-Kadhafi et les conséquences de la déstabilisation de la Libye. Les groupes islamistes terroristes saisirent l’occasion que les Occidentaux leur offraient pour étendre leur ombre non seulement en Libye, mais au-delà. On sait comment, à travers une frontière poreuse, ils se sont disséminés dans toute la région, au Mali et en Algérie notamment.
Tout ceci était prévisible et les voix qui s’élevèrent, alors, dans le monde, celles des États qui s’opposèrent à l’intervention, en avertissant des conséquences, ne furent pas écoutées. Vladimir Poutine qui n’était pas encore président de la Russie, critiquait ouvertement le président Dimitri Medvedev qui n’avait pas opposé son veto à la résolution 1973 et s’exprimait publiquement de façon forte. « J’estime que cette résolution rappelle les croisades du Moyen-Age et on peut s’inquiéter de la hâte et la légèreté avec laquelle a été prise la décision d’utiliser la force et le tout sous prétexte de protéger des populations civiles. », déclarait-il le 31 mars 2011. Bien sûr, toute la presse occidentale se précipitait pour diaboliser Poutine alors qu’il exprimait, selon les enquêtes, l’opinion majoritaire en Russie, et le vice-président américain Joe Biden lui conseillait, lors d’une entrevue à Moscou de « prendre une retraite bien méritée ».
Aujourd’hui, trois ans après l’intervention, le constat est brutal pour le président français. Frappé d’amnésie, comme c’est souvent le cas chez les politiques, il se réveille brusquement et demande aux Nations unies d’organiser « un soutien exceptionnel aux autorités libyennes » pour mettre fin au chaos et « rétablir » un État qui n’a jamais existé depuis la chute de Kadhafi. « Si nous ne faisons rien de sérieux, rien de politique, rien d’international, le terrorisme se répandra dans toute la région », prévient-il, aujourd’hui, devant un parterre de diplomates au cours de son discours annuel. Mais, avons-nous envie de dire, Monsieur le président, c’est déjà fait depuis trois ans, grâce à vous et à l’intervention occidentale que vous avez soutenue en 2011 ! Et nous pourrions ajouter que l’obstination de la France dans le conflit syrien est de la même nature et aura les mêmes conséquences. Washington l’a bien compris, finalement, qui, face à l’enlisement du conflit syrien et aux avancées des jihadistes de l’État islamique dans la région, semble vouloir se rapprocher de Bachar al-Assad.
Et une fois encore, François Hollande devant les ambassadeurs, n’aura pas raté l’occasion de montrer à quel point il est ignorant – tout comme son guerrier de ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius – des questions internationales, et dépourvu de toute vision politique et de capacité à mettre l’histoire en perspective. Rappelant que la France avait livré des armes aux Kurdes, il constate que « le conflit a débordé en Irak, pays déjà soumis aux divisions, aux conflits interreligieux et l’instabilité (toutes choses qui n’existaient pas sous la « dictature » de Saddam Hussein et qui ont explosé, comme il fallait s’y attendre, dès l’effondrement du régime) si bien que l’État islamique s’est engouffré dans la brèche parce que le terrorisme se nourrit toujours du chaos ». Mais qui sont les responsables du chaos ? Avons-nous encore envie de demander au président français. Dépassé par le train d’Obama, il essaie d’y monter en s’érigeant en conseiller prétentieux : « Une large alliance est nécessaire, mais que les choses soient claires : Bachar al-Assad ne peut pas être un partenaire de la lutte contre le terrorisme, c’est l’allié objectif des jihadistes ». Décidément, François Hollande a l’art de s’enfermer dans le déni, que ce soit en politique nationale ou internationale. Irak, Palestine, Libye, Syrie… les occasions perdues de mettre la France socialiste au service de la paix ne se comptent plus. Mais n’en a-t-il pas été toujours ainsi…