Comment serait-ce possible sans engager des troupes au sol, comment serait-ce envisageable si les États-Unis et les démocraties occidentales ne recourent pas à ces alliés désormais incontournables que sont l’Irak, l’Iran et la Syrie, s’ils ne leur fournissent pas les moyens indispensables à la lutte contre l’ennemi commun ?
Si cruel que soit le choix, le moment est venu de choisir.
De deux choses l’une.
Ou bien il n’est finalement pas si important que le califat islamique étende son emprise sur l’Irak et la Syrie, s’attaque ensuite au maillon faible que constitue la Jordanie, balaye les royaumes pourris de la péninsule arabe, mette la main sur la Libye, déstabilise l’Égypte, unifie tout l’islam sunnite sous ses drapeaux noirs puis déclare la guerre (la guerre à sa façon) à Israël et à l’Occident.
Ou bien c’est une priorité absolue, une urgence vitale d’éliminer et d’éradiquer la chose monstrueuse qui est à l’heure actuelle la forme la plus menaçante, la plus agissante et la plus cruelle de l’éternelle barbarie à visage inhumain, et aucun concours ne saurait être refusé à cette entreprise de salut mondial.
Sortant de sa torpeur à la suite des derniers et spectaculaires succès de Daech, Barack Obama a décidé d’opposer des frappes aériennes à l’offensive djihadiste qu’il a en effet ralentie ou stoppée ici et là, sans pour autant réduire les vastes territoires déjà conquis et contrôlés par « l’État islamique ». Comment serait-ce possible sans engager des troupes au sol, comment serait-ce envisageable si les États-Unis et les démocraties occidentales ne recourent pas à ces alliés désormais incontournables que sont l’Irak, l’Iran et la Syrie, s’ils ne leur fournissent pas les moyens indispensables à la lutte contre l’ennemi commun ?
Pourtant, le président américain a exclu toute coopération et tout compromis avec le régime de Bachar el-Assad, ce régime qu’il a été à deux doigts d’abattre l’an dernier de concert avec la France et la Grande-Bretagne, ce régime dont la chute aurait créé un vide qu’auraient aussitôt rempli l’État islamique et le Front Al-Nosra, antenne locale d’Al-Qaïda. M. Obama entend réserver subsides, équipements et armes à l’Armée syrienne libre, champion local de la démocratie, dont les forces apparaissent aussi marginales et la victoire aussi improbable que le serait chez nous – lors de la prochaine élection présidentielle – l’élection, par exemple, de M. Jean-Michel Baylet.
Le gendarme du monde ignore-t-il à ce point l’histoire contemporaine et les dures leçons qu’elle nous a données ? Son prédécesseur Franklin Roosevelt a été lui aussi confronté à une situation difficile et à une alternative dramatique. Entre Hitler, le nazisme, les camps de la mort, le génocide, et Staline, le bolchevisme, le goulag, la terreur rouge, ce n’est pas de gaieté de cœur que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont choisi l’alliance avec Moscou. Mais c’était l’Allemagne hitlérienne, qui faisait flotter le drapeau à croix gammée sur la quasi-totalité de l’Europe (qu’elle tenait sous sa botte), qui représentait le danger le plus grave pour la civilisation et donc l’adversaire prioritaire. Tenir la balance égale entre le Reich et l’URSS aurait eu des conséquences fatales pour l’avenir. Entre la peste et le choléra, l’Occident a dû opter et il a fait le bon choix, même si le prix à payer a été lourd.
La victoire des démocrates syriens étant actuellement exclue, entre la dictature moderne mais impitoyable de Bachar al-Assad qui, luttant pour sa survie, a multiplié les crimes de guerre et la théocratie sanglante et obscurantiste que prétend instaurer un prétendu calife surgi des ténèbres du Moyen Âge, il n’y a pas à balancer. Si cruel que soit le choix, le moment est venu de choisir.
* Dominique Jamet est journaliste et écrivain/ Il a présidé la Bibliothèque de France et a publié plus d’une vingtaine de romans et d’essais.
Boulevard Voltaire