Une délégation de 4 députés dont Jacques Myard, Philippe Mallé, Jean-Luc Reitzer et conduite par Odile Saugues vice-présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale a effectué une visite officielle en Iran du mardi 24 juin au vendredi 27 juin.
Cette visite s’est inscrite dans le cadre de la diplomatie parlementaire et avec la volonté d’améliorer les relations franco-iranienes à un moment où doit se jouer à Vienne, d’ici le 20 juillet, une phase décisive avec Téhéran sur le dossier nucléaire.
La délégation française a reçu un accueil cordial, les entretiens ont été ouverts et directs avec :
– le Dr Borougerdi, président de la commission de la sécurité et des Affaires étrangères du Parlement iranien.
– Takht-Ravanchi vice-ministre des affaires étrangères pour l’Europe et les Amériques, il est l’un des négociateurs sur le nucléaire.
– Amir Abdollahian, vice-ministre des Affaires étrangères pour les pays arabes et l’Afrique.
Les entretiens ont essentiellement porté sur :
1 ) le dossier nucléaire
Nos interlocuteurs ont un discours bien rodé, « Les temps difficiles sont passés, la confiance est une route à deux sens, nous sommes prêts à respecter nos engagements, mais nous voulons aussi nos droits, nous acceptons les inspections, nous mettons en œuvre le protocole additionnel, le Guide a condamné la bombe dans une fatwa, la porte de nos centrales est ouverte, l’AIEA filme tout. »
Et le vice-ministre Takht-Ravanchi d’ajouter : « Je pars à Vienne avec la volonté d’aboutir »
Lors d’un entretien en province dans une préfecture – gouvernorat – l’un de nos interlocuteurs s’est montré confiant sur le résultat des négociations traduisant visiblement ainsi l’état d’esprit des autorités.
2 ) La situation en Irak
Tous nos interlocuteurs accusent les Américains et les Saoudiens d’être responsables de la situation en ayant armé l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) qui s’est créé en Syrie !
La position iranienne peut être résumée d’une phrase : « Si nos intérêts nationaux sont mis en danger, nous ferons ce qui doit être fait ! »
Pour Téhéran le 11 septembre 2001 Al-Qaïda était un mouvement d’amateurs, aujourd’hui ils ont de l’argent, des armes, ils utilisent la toile et ils exportent du pétrole avec l’aide d’un État de la région… « Al-Qaïda ne reconnaît aucune frontière, les Chrétiens sont leurs ennemis, il faut agir vite ! »
3 ) Les questions de société
– L’économie
Si les entreprises qui travaillent à l’international se plaignent des effets des sanctions – le PIB iranien a diminué ces dernières années, en raison de la baisse des exportations de pétrole (1,2 million de barils) reconnue par nos interlocuteurs, alors que l’inflation augmente – force est de constater que les boutiques regorgent de biens multiples et les restaurants affichent complets la veille du vendredi chômé.
L’étranger de passage est frappé par l’animation des rues commerciales, l’Iran des villes donne l’image d’un pays plein de vie, à peine peut-on voir ici ou là un portrait des deux Guides…
– la liberté religieuse :
Nous avons rencontré 4 des 5 députés des minorités religieuses, 2 Arméniens qui seraient encore 80 000, un Assyrien Chaldéen (13 000), un Zoroastrien (10 000), le député juif (15 000) était en voyage.
Tous ont attesté de leur statut de député égal à celui de leurs collègues musulmans et de leur liberté de culte ; ils bénéficient d’un statut personnel pour l’état civil avec des tribunaux propres.
Il existe notamment à Ispahan 17 synagogues, néanmoins la communauté chrétienne a fortement diminué depuis 1979.
– Les femmes
Si elles ont l’obligation, les étrangères comme les Iraniennes, d’avoir une tenue stricte qui cache les jambes, chevilles comprises, de porter le foulard, mais souvent placé avec élégance bien en-deça du visage, le voile intégral est interdit, leur présence dans la société est bien réelle et elles y tiennent toute leur place. Leur situation n’a rien à voir avec celle de leurs consœurs de la péninsule arabique.
La société iranienne est une société mixte où les couples sortent ensemble le soir, les femmes représentent plus de 60 % des étudiants des universités, elles exercent tous les métiers – seuls les hommes sont discriminés, ils ne peuvent pas être médecins-gynécologues – les femmes peuvent en revanche soigner les hommes. Neuf femmes sont députées.
Il n’est pas rare de voir une jeune femme allaiter son bébé avec la discrétion qui s’impose en public, ce qui est proprement impensable dans de nombreux pays arabes sunnites.
Mais il est vrai que leur volonté d’émancipation qui se traduit par le maquillage et le rouge à lèvres interdits, agace les milieux conservateurs.
– Les réseaux sociaux suscitent à l’évidence les mêmes irritations des autorités qui ne semblent pas en mesure de s’y opposer.
L’Iran incontournable !
Fort de son histoire multiséculaire dont tous les Iraniens sont légitiment très fiers, de ses 80 millions d’habitants, de sa position stratégique dans une région du monde en voie de déstabilisation rapide, gouverné par un régime qui suscite toujours les critique et la méfiance, voire l’hostilité – les exécutions capitales des trafiquants de drogue notamment sont très importantes – mais un régime qui tient le pays et assure les services publics, il faut se rendre à l’évidence l’Iran est un très grand pays avec des ingénieurs performants qui deviendra de plus en plus un partenaire incontournable des puissances occidentales et de la France.
Au-delà des promesses commerciales, l’Iran a un rôle politique régional incontournable, il faut le savoir et en tenir compte.
La France y conserve malgré certaines critiques une solide considération.
Mais ne nous leurrons pas le renouveau passera obligatoirement par le retour de la sagesse persique légendaire sur le dossier du nucléaire, mais aussi sur la prise en compte par Téhéran de la reconnaissance d’Israël toujours qualifié de sioniste, c’est à ces deux conditions que l’Iran pourra prendre toute sa place dans le concert des Nations.
Cela est souhaitable !
Jacques Myard est député-maire de Maisons-Laffitte, président du Cercle Nation et République.