Forcing contre les terroristes, mais le combat est de longue haleine.
Légende : le spectre des attentats suicide hante les esprits
Brusquement, les développements s’emballent au Liban et les forces de sécurité multiplient les opérations dans le but de démanteler les cellules dormantes ou en tout cas d’en limiter les effets de nuisance. Si leurs moyens sont limités, les forces armées comptent essentiellement sur la détermination de leurs effectifs, leur dévouement et leur sens du devoir, ainsi que sur la coopération entre tous les services qui s’est concrétisée ces derniers jours dans les « opérations préventives », selon les termes utilisés par le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, et le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, menées dans des hôtels de Raouché.
Elles peuvent aussi compter sur l’aide et la coopération de certains services occidentaux, notamment la CIA et les renseignements allemands, qui leur transmettent toutes les informations susceptibles de les intéresser et de concerner la situation sécuritaire au Liban. C’est donc sur la foi des informations communiquées par ces services que les forces de l’ordre sont en train de traquer les terroristes potentiels. Il leur est ainsi apparu que les kamikazes qui se trouvaient à l’hôtel Duroy étaient au nombre de trois. L’un d’eux est mort lorsqu’il s’est lui-même fait exploser dès l’entrée dans sa chambre de l’unité spéciale de la Sûreté générale. Le second a été blessé par cette explosion, mais selon les sources sécuritaires, ses brûlures ne sont pas très profondes et il a pu être interrogé.
Jusqu’à présent, il a révélé que l’objectif de sa présence avec son compagnon était de faire sauter une voiture bourrée d’explosifs devant le restaurant as-Saha, sur la route de l’aéroport, qui connaît actuellement une grande affluence à cause des clients qui viennent suivre sur des écrans géants les matches de football. Leur objectif était donc de causer le maximum de dégâts. Il a aussi révélé qu’il y avait un troisième kamikaze que les forces de sécurité ont recherché dans l’hôtel voisin du Duroy, le Ramada, ancien « As-Safir ». Deux personnes ont été ainsi arrêtées, mais on ignore encore si le troisième kamikaze se trouve parmi elles. Par contre, les sources sécuritaires précisent que dans la foulée de leurs dernières opérations, les forces de l’ordre ont arrêté un autre extrémiste de nationalité syrienne qui occupe un poste important dans la hiérarchie, puisque c’est lui qui aurait apporté le soutien logistique à plusieurs attentats, en fournissant notamment les explosifs et du matériel du même genre. Son interrogatoire se poursuit dans la plus grande discrétion et il pourrait être utile pour le démantèlement d’autres cellules.
Pour l’instant, les informations obtenues par les services de sécurité font état de 5 autos piégées et d’un camion, mais peu de détails sont révélés pour ne pas entraver le cours de l’enquête. Les sources de sécurité confient toutefois que la lutte contre les cellules terroristes est un combat de longue haleine. Il ne faut donc pas s’attendre à ce que les attentats s’arrêtent brusquement, mais les forces de sécurité font tout ce qui est possible pour tenter de les entraver ou de les empêcher. D’ailleurs, leur vigilance ne s’est jamais démentie même lorsque le pays a cru en avoir fini avec la période sinistre des attentats à la suite de la formation du gouvernement. Les cellules terroristes avaient simplement mis un bémol à leur activité, surtout avec les développements le long de la frontière avec la Syrie et la prise de contrôle de l’armée syrienne de la plupart des localités du Qalamoun, dont notamment la partie syrienne du village libanais de Toufayl (qui est une enclave en territoire syrien, quasiment en face de Ersal). Mais il reste bien sûr le jurd qui s’étend entre le Liban et la Syrie, où, selon des estimations précises, quelque 2 000 combattants se cacheraient. Ces zones restent inaccessibles et incontrôlables, même si l’armée syrienne, épaulée par le Hezbollah, intensifie ses opérations dans toute la zone dans une tentative de pousser les combattants extrémistes dans leurs derniers retranchements. Le jurd de Zabadani échappe ainsi à leur contrôle et c’est de là que le porte-parole des unités Abdallah Azzam (affiliées à el-Qaëda) Sirajeddine Zouraykat s’est adressé à ses partisans par le biais d’un enregistrement sonore, rappelant qu’il y a un an, « l’armée des croisés lançait son agression contre cheikh Ahmad el-Assir et ses partisans »… C’est dire que les dangers que doivent affronter les forces armées libanaises sont actuellement multiples. Certaines menaces viennent directement du territoire syrien, d’autres de l’intérieur libanais. Il y a deux jours, une nouvelle cellule formée de 5 personnes a été démantelée à Tripoli. Cette cellule planifiait, entre autres attentats, de tuer le responsable de la Sûreté générale au Liban-Nord. Mais les sources de sécurité libanaises sont convaincues qu’il y en a d’autres. Les derniers attentats montrent, selon elles, que les voitures sont désormais piégées au Liban, alors qu’avant, elles l’étaient en Syrie.
Les mêmes sources estiment que contrairement à ce qui se dit, les terroristes continuent de bénéficier d’un environnement favorable qui se partage entre Tripoli et le Nord, Ersal et les camps palestiniens de Aïn el-Héloué et même de Bourj Brajneh, où des tunnels ont été récemment découverts, qui auraient dû faciliter l’organisation d’attentats contre la banlieue sud toute proche. Certes, certaines forces palestiniennes dont le Fateh et le Hamas coopèrent avec les autorités libanaises, mais il est difficile d’éliminer tous les risques dans un tel contexte.
De même, toutes les parties libanaises font preuve d’un grand sens des responsabilités, mais l’ambiguïté continue de planer chez certains députés du courant du Futur qui, après s’être tus un moment, ont repris depuis la recrudescence des attentats leurs attaques contre l’armée et contre le Hezbollah. L’heure exige la plus grande vigilance et la meilleure arme contre le terrorisme est l’entente interne. Sur ce point-là, les sources sécuritaires sont formelles. Les forces armées font leur travail, à la classe politique de faire le sien.
Source : L’Orient-Le Jour