Au Venezuela, la tension monte. Face à la guerre économique déclarée par l’opposition et ses soutiens, Nicolas Maduro prend des décisions radicales.
Le 11 juillet, le président vénézuélien révélait la décision de la Citibank américaine de fermer le compte de la Banque centrale du Venezuela et de la Banque du Venezuela. La fermeture de ces comptes qui permettaient de payer les créanciers en 24 heures, sera effective d’ici 30 jours. Pour Nicolas Maduro, il s’agit clairement d’un « blocus financier ». « Qu’avons-nous fait aux États-Unis ? Est-ce que le Venezuela a menacé quelqu’un dans le monde ? Occupez-vous de vos problèmes et laissez le Venezuela en paix » a lancé le président en colère, accusant Barack Obama de se conduire comme un inquisiteur.
L’économie du Venezuela repose sur les revenus du pétrole et a subi la chute des cours de façon violente, marquée par une inflation qui pourrait atteindre, cette année, plus de 700%, et un mécontentement populaire orchestré par une opposition anti-chaviste toujours plus virulente. La décision de Citibank est survenue le jour même où Nicolas Maduro ordonnait l’occupation de l’usine de la compagnie américaine Kimberly-Clark. Il y a deux mois, le président Maduro avait menacé les entreprises internationales qui voulaient cesser leurs activités, d’une reprise en main de la production par les travailleurs eux-mêmes. « Usine arrêtée, usine occupée par la classe ouvrière ! » disait le slogan lancé par le gouvernement. « À compter d’aujourd’hui, l’usine rouvre ses portes et la production reprend », annonçait, applaudi par les ouvriers, Osvaldo Vera, le ministre du Travail, qui ordonnait le redémarrage des machines. L’entreprise américaine produit, entre autres, du papier hygiénique et des couches-culottes introuvables dans les supermarchés. Plusieurs autres entreprises internationales, comme Coca-Cola, l’agroalimentaire américain Kraft-Heinz et Clorox (produits d’entretien), ont suspendus leurs activités. Coca-Cola est revenu sur sa décision en juin.
Tandis que les files s’allongent aux portes des magasins de produits de première nécessité, que les rayons restent désespérément vides dans les supermarchés, et que les manifestations de mécontentement se multiplient chaque jour, plus de 35000 personnes ont franchi, le 10 juillet, sous l’œil des caméras, la frontière entre le Venezuela et la Colombie pour se ravitailler dans la ville frontalière de Cucuta. Une nouvelle manœuvre de l’opposition, selon les autorités qui n’avaient pas donné d’autorisation.
Le 12 juillet, Nicolas Maduro prenait une autre décision radicale pour lutter contre les pénuries des produits de première nécessité et mettre fin au chaos orchestré par l’opposition de droite soutenue par les industriels nationaux et étrangers. « Aujourd’hui, nous avons pris cinq ports essentiels du pays », déclarait-il lors de son émission hebdomadaire radio-télévisée, après s’être entretenu avec le ministre de la Défense Vladimir Padrino. L’état d’urgence économique décrété en janvier dernier et l’état d’exception institué en mai, attribuent, en effet, des pouvoirs spéciaux aux militaires et aux forces de sécurité. Le général Efrain Velasco Lugo a été nommé président de la Bolivariana de Puertos, l’organisme d’État chargé de la gestion des activités portuaires. Jusqu’ici, les militaires organisaient déjà la distribution de nourriture aux populations les plus touchées par les pénuries et les « manifestations de la faim ».
Les pénuries alimentaires et de médicaments actuelles ne sont pas, en effet, de la seule responsabilité du gouvernement. Il s’agit pour le gouvernement d’une « guerre économique » bien « orchestrée » par les patrons de droite, avec la complicité des entreprises internationales qui cessent leurs activités. La reprise en main par les militaires de secteurs clés vise à mettre fin au chao organisé dans les ports, les aéroports et autres entreprises, chao qui génère, également, une corruption à grande échelle. Il s’agit, pour le gouvernement, de reprendre « le contrôle total de l’approvisionnement du pays » en le plaçant sous « le commandement présidentiel d’union civile et militaire ». Y parviendra-t-il ?
Photo : Des Vénézuéliens manifestent contre la pénurie de médicaments qui frappe le pays, le 31 mars 2016 à Caracas PARRA