La campagne électorale en Turquie s’est faite au détriment d’un certain nombre de valeurs qui sont à la base du pacte social et démocratique. La victoire de tel ou tel parti passe alors au second plan.
La séparation des pouvoirs a été gravement abîmée. Le législatif (parlement) était déjà sous l’emprise de l’exécutif (gouvernement); le judiciaire (justice) s’est retrouvé enrôlé dans la “guerre” du Premier ministre, Tayyip Erdogan, contre les “traîtres”. La réforme au forces du Haut Conseil des juges et procureurs ainsi que les centaines de mutations dans la justice et la police ont jeté un doute sur l’impartialité des administrations concernées.
La religion a été largement instrumentalisée. Les discours de part et d’autre ont abondamment utilisé les références religieuses. Les théologiens se sont divisés, les uns soutenant la thèse de la soumission aux détenteurs de l’autorité (ulu’l amr) alors que d’autres préféraient attirer l’attention sur le “péché” de la corruption.
La figure du Prophète a même été mobilisée, les rêves où il apparaissait se sont multipliés. L’acmé a été atteint lorsqu’un ancien ministre AKP s’est autorisé un jeu de mots sur une sourate du Coran. L’AKP, LE parti conservateur par excellence, a préféré étouffer l’incident.
La concorde nationale a été sérieusement endommagée. Erdogan n’a pas hésité à faire siffler la mère de Berkin, l’adolescent mort après un long coma, “accusée” d’avoir déposé des billes dans sa tombe. Il a taxé les athées de terroristes. Il a repris les clichés sur l’art de la dissimulation chez les chiites. Une conversation avec son ancien ministre de la Justice a révélé une obsession concernant la figure du juge alévi qui déciderait forcément contre l’AKP.
La liberté de la presse a été sévèrement éprouvée. Les pressions exercées sur les journalistes ont été mises en lumière. Les télévisions n’ont pas respecté l’équité et l’égalité dans le traitement de l’information concernant les différents candidats. Les meetings du Premier ministre ont été systématiquement retransmis, les dirigeants de l’AKP étaient sur tous les plateaux alors que les partis d’opposition et les petits partis n’ont pu promouvoir correctement leurs idées et leurs candidats. Les sondages défavorables à l’AKP ont été escamotés.
Source : Zaman France
https://www.zamanfrance.fr/article/turquie-grande-perdante-elections-8635.html