Englué dans des scandales de corruption à répétition, le Premier ministre islamiste Erdogan choisit la fuite en avant en intervenant militairement en Syrie et en laissant les groupes terroristes venus de Turquie attaquer la paisible ville de Kassab, majoritairement peuplée d’Arméniens rescapés du génocide perpétré par les généraux ottomans en 1915.
Alors que les élections municipales du 30 mars approchent, et alors que le Premier ministre Erdogan s’adressait à une foule de partisans, dans un meeting électoral, il a annoncé triomphalement que l’armée turque vient d’abattre un chasseur syrien qui aurait pénétré de plus d’un kilomètre en territoire turc, ignorant les avertissements ; un autre avion avait lui, fait demi-tour. Cet incident a immédiatement été utilisé parmi les arguments de la campagne, le chef de l’opposition social démocrate déplorant les tentatives de « récupération politique ».
Selon le correspondant de RFIà Istanbul, Jérôme Bastion, « l’occasion était trop belle pour Recep Tayyip Erdogan d’annoncer en direct à ses partisans réunis en meeting électoral le succès des pilotes turcs : « Si vous violez notre espace aérien, notre punition sera encore plus lourde », a-t-il lancé en direction de l’armée syrienne. A une semaine d’un scrutin local crucial, cet avertissement militaire est décidément bien venu pour rappeler que « la Turquie est forte », comme le disait le Premier ministre il y a quelques jours en parlant… de la fermeture du site Twitter.
Jusqu’où ira Erdogan dans cette escalade avec la Syrie ? D’ores et déjà Moscou et Téhéran ont envoyé des avertissements au bouillant dirigeant turc qui affronte à l’intérieur des scandales de corruption, d’abus de pouvoir et de violations systématiques des libertés et des droits de l’homme.
En s’impliquant directement et militairement dans le conflit syrien en soutenant sur les plans logistique et militaire une offensive rebelle dans le nord de la province de Lattaquié, à la frontière syro-turque, sur la côte méditerranéenne, il vient en tout cas de franchir une nouvelle étape dans sa guerre, jusqu’ici indirecte, contre l’Etat syrien. Retour sur les faits.
Le vendredi 22 mars, des milliers de combattants du Front al-Nosra, et de deux autres groupes islamiques radicaux, dont l’un est composé essentiellement de Turkmènes, ont lancé une vaste attaque, à partir du territoire turc et des hautes montagnes de Lattaquié vers le poste frontière de Kassab. Selon des sources concordantes, les insurgés étaient appuyés par un barrage d’artillerie assuré par l’armée turque, qui leur a également fourni une couverture aérienne. L’aviation turque a même abattu un avion de combat syrien de type Mig 23, qui pilonnait les colonnes rebelles. Ankara a annoncé que l’appareil avait violé l’espace aérien turc. Mais Damas a dénoncé une «agression flagrante». «Dans une agression flagrante qui met en évidence l’implication du Premier ministre turc Erdogan dans le soutien aux groupes terroristes, la défense antiaérienne turque a abattu un avion militaire syrien qui pourchassait les groupes terroristes à l’intérieur du territoire syrien à Kassab», a dénoncé une source militaire syrienne. Le pilote a réussi à s’éjecter est à atterrir en parachute dans la localité de Bahlawaniya, à Lattaquié.
Ce lundi 24 mars, les combats se poursuivaient avec violence tout près de la frontière turque. L’Armée syrienne a réussi à reprendre une colline stratégique appelée l’Observatoire 45, qui avait été occupée par les rebelles, ainsi que le village de Samra, sur le bord de mer.
Selon des experts militaires, malgré les lourdes pertes qu’ils ont subis, les rebelles poursuivent leur offensive avec pour principal objectif d’établir une tête de pont sur le littoral, ce qui leur permettrait à l’avenir d’acheminer des renforts en hommes et en matériel par voie maritime, à partir de Libye ou d’autres pays. L’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH, proche de l’opposition) a indiqué que les groupes armés ont pris lundi le contrôle du point de passage de Kassab. Les avions et les hélicoptères de l’armée poursuivaient leurs raids contre les positions rebelles à la frontière, larguant des barils d’explosifs, un jour après que la Turquie a abattu un appareil syrien, a ajouté l’OSDH. «Les rebelles contrôlent le point de passage de Kassab, avec la Turquie, et la principale place du village de Kassab», 6km plus loin, a indiqué le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane. Une source de sécurité syrienne a cependant affirmé à l’AFP qu’ «aucune des parties» n’avait pris le contrôle total du village, situé dans la province de Lattaquié. Le cousin du président syrien Bachar al-Assad, Hilal al-Assad, qui commandait l’Armée de défense nationale à Lattaquié, a été tué dimanche dans les affrontements avec les rebelles. Selon l’agence d’information officielle syrienne Sana, il a trouvé la mort au cours d’un combat entre les forces gouvernementales et les rebelles pour le contrôle de la ville de Kassab, majoritairement peuplée d’Arméniens, rescapés du génocide de 1915 perpétrés par les Ottomans, dont Erdogan se réclame.