Milorad Dodik, président de la République serbe de Bosnie (Republika srpska), s’est rendu à Moscou afin de discuter avec les dirigeants politiques et les représentants des milieux d’affaires russes, et également pour recevoir le prix de la Fondation internationale de l’unité des peuples orthodoxes récompensant le renforcement et la promotion des valeurs chrétiennes dans la vie de la société.
Ce prix a déjà été remis les années précédentes à Vladimir Poutine, Dmitri Medvedev, Emir Kusturica ou Novak Djokovic.
Dans un entretien exclusif accordé à La Voix de la Russie, Milorad Dodik évoque ses attentes concernant le référendum en Crimée.
Milorad Dodik : « L’Ukraine se trouve dans une zone de turbulence depuis la chute de l’URSS. L’Ukraine est un État complexe avec différents groupes ethniques et valeurs politiques. Il est donc très dangereux de résoudre les problèmes d’une manière dont nous voyons les conséquences. Cette révolution orange n’a rien apporté de bon à qui que ce soit, comme en Afrique du Nord. Les troubles en Ukraine ont été soutenus de l’extérieur. En témoignent les rencontres « coordonnées » entre l’opposition locale et les hauts représentants de l’UE et des États-Unis au plus fort des protestations.
L’aide russe à l’Ukraine, 15 milliards de dollars (environ 10,8 milliards d’euros) et des avantages économiques, n’a pas été un stimulant suffisant pour ceux qui ont mené l’Ukraine à la désintégration. Aujourd’hui, l’Ukraine a besoin d’environ 13 milliards de dollars (environ 9,4 milliards d’euros), mais elle ne recevra pas une telle somme.
En ce qui concerne la Crimée, elle appartient historiquement à la Russie et elle a été transmise à l’Ukraine par une décision aventuriste de Nikita Khrouchtchev. Cette décision était évidemment une erreur. Curieusement, l’Occident ne se gêne pas pour considérer une telle décision des dirigeants communistes comme un fait établi, même si elle ne répond pas à la réalité de la situation et qu’elle peut être la cause de problèmes dans les relations futures. Il est tout à fait compréhensible que la population de la Crimée aspire à la liberté, surtout si les décisions et les lois des nouvelles autorités en Ukraine sont discriminatoires envers les Criméens. Je suis pour que la Crimée décide de la façon dont elle veut vivre. Pour moi, le référendum est l’expression tout à fait légale de la volonté du peuple, et son résultat sera tout à fait légitime. »
La Voix de la Russie : La Russie a plusieurs fois averti que le Kosovo constituait un précédent. Le processus que nous voyons montre-t-il que Moscou avait raison ?
M. D. : « Naturellement, le Kosovo est un précédent. Cette prétendue indépendance a été proclamée par un groupe informel appelé Parlement du Kosovo. Il n’y a pas eu de référendum. Il aurait été impossible d’en organiser un au nord de la région parce que les Serbes n’y auraient pas participé.
La République serbe de Bosnie a choisi une stratégie à long terme pour combattre pour ses droits. Nous organiserons forcément un référendum un jour, mais il faut choisir ce moment consciencieusement, sans volontarisme politique et en sachant qui sont nos alliés dans ce processus. Notre situation est très délicate. Il faut prendre patience, attendre, savoir refuser.»
LVdlR : La Crimée est en quelque sorte un modèle pour vous ?
M. D. : « Le fait même qu’un référendum soit organisé en Crimée montre que le principe d’autodétermination, principe à la base de l’ONU et si souvent violé, est soutenu. Quand les grands acteurs mondiaux ont besoin d’intégrité territoriale, ils exigent que ce principe soit respecté, et quand ils ont besoin du principe d’autodétermination, ils disent que l’indépendance du Kosovo est un phénomène normal. Dans la situation de la Crimée, ils insistent sur le respect du principe de l’intégrité territoriale. Tout dépend des intérêts géostratégiques de l’Europe et des États-Unis. Dans le monde de la politique, cela fait longtemps que l’on sait que la Crimée est un point sensible. Tout le monde a toujours su que la Crimée souhaitait des liens plus étroits avec la Russie, et même son rattachement. Lorsque les troubles ont débuté en Ukraine, ce problème a ressurgi. Le cas de la Crimée créera un précédent dans le monde. Nous observons des processus, de la Catalogne à l’Écosse. Cette pratique devient donc de plus en plus légitime.
Je suis confiant dans la capacité des Criméens à tenir ce référendum paisiblement. Certains ne reconnaissent pas son résultat et diront de toute façon que le référendum n’était pas honnête. C’est pour cela qu’il doit y avoir le plus possible d’observateurs objectifs, qui détermineront que les citoyens sont venus voter selon leur propre volonté et qu’ils n’ont pas été l’objet de pressions politiques. »
Source : La Voix de la Russie
https://french.ruvr.ru/2014_03_14/Milorad-Dodik-le-referendum-en-Crimee-est-tout-a-fait-legitime-5965/