Une bombe sur Sébastopol ? Quelle bonne idée !
Mme Sarah Palin moque le président Obama affrontant Poutine « avec un téléphone et un stylo » et lui conseille, face au « méchant avec une arme nucléaire » d’être « un gentil avec une arme nucléaire ».
Cette saillie de l’ex-candidate aux présidentielles américaines, jusque dans son excès caricatural, a le mérite de souligner le très faible niveau de pensée stratégique et de culture historique en « Occident ». Que ce soit à coup de stylo, de téléphone (ou de navire lance-missile américain entrant en Mer Noire), ou à l’aide de la diplomatie « européenne », l’attitude des gouvernements occidentaux face à la Russie est marquée par l’ignorance, la sottise, ou l’esprit partisan. Quant à la machine à informer : ignorance crasse de l’histoire des empires centraux depuis le XVIIIe siècle, et surtout incapacité à résister au modèle commode d’un monde divisé en deux camps, les bons et les mauvais. Poutine est forcément mauvais, les Ukrainiens de Kiev forcément des bons. Ravages de la pensée binaire.
Allons au-delà :
– L’ouest de l’Ukraine, proche de la vieille Pologne et de l’influence austro-prussienne, se montra complaisant devant l’avance allemande en 1941, en profita pour régler ses comptes avec le bolchevisme (et les juifs, cela va de soi). Dans la culture russe de la « Grande Guerre patriotique », cela s’appelle trahir.
– La Russie ne renoncera jamais à un accès à la Méditerranée et la Crimée est la clé de cette serrure-là. Catherine II, contre les Ottomans, a conquis cette porte sud. On ne reviendra pas là dessus.
On peut toujours disserter sur Staline qui a déporté les Tatars de Crimée pour mieux la russifier (il a aussi rêvé d’y créer un territoire autonome pour les juifs russes d’avant la création de l’État d’Israël, épisode oublié !). On peut assimiler Poutine à Staline en tant que Diable à tout faire, mais on ne fera pas prendre les révoltés de Kiev pour des anges de vertu démocratique.
Au-delà de la caricature Sarah Palin, est-ce qu’on peut rêver d’une information complexe, contradictoire, au-delà de la pensée binaire ?
Michel Cardoze est auteur et journaliste. De l’Humanité à la Météo et Sud Radio via TMC, il a connu un parcours contrasté qui passe aussi par des essais sur Jeanne d’Arc et ses procès, Georges Bizet, Cyrano de Bergerac (le vrai), la Gascogne et le fleuve Adour. Il collabore actuellement à France Bleu Bordeaux-Gironde.
Source : Boulevard Voltaire
https://www.bvoltaire.fr/michelcardoze/ukraine-ravages-de-la-pensee-binaire,52931