La campagne électorale pour le scrutin municipal du 3 août est marquée par une tension croissante qui souligne l’enjeu exceptionnel de ces élections. L’ANC pourrait en effet perdre trois capitales provinciales, et notamment Tshwane, qui comprend 13 anciennes municipalités, dont Pretoria. Le contexte de la campagne est sans précédent. Les affaires de corruption touchant le président Jacob Zuma ont affaibli le parti historique et ébranlé sa crédibilité. Les défections sont parfois massives, comme dans le Kwazulu-Natal où 150 membres de l’ANC de la région de Durban ont adhéré au parti d’opposition, l’Alliance démocratique. La crise de l’emploi (8,9 millions de chômeurs déclarés), du logement, de l’éducation (avec un mouvement protestataire étudiant radical et massif ces derniers mois), et des services de base a atteint un niveau critique, provoquant des manifestations d’ampleur, violentes et récurrentes dans les townships, souvent durement réprimées.
La campagne électorale est aussi marquée, pour la première fois, par la violence qui a fait plus d’une dizaine de morts, dont des candidats de l’opposition et une majorité de membres de l’ANC, victimes, parfois, des rivalités de factions locales à l’intérieur de l’organisation. Le choix de certaines têtes de liste a provoqué la colère, particulièrement dans les townships, allant jusqu’aux émeutes, comme à Tshawne. Les divisions au sein de l’ANC et le fossé creusé avec sa base n’ont jamais été aussi évidents. Par ailleurs, le scrutin est entaché d’irrégularités avant même sa tenue : 46 % des 26 millions d’électeurs apparaissent en effet sur les registres sans mention d’adresse.
Malgré les plaintes de l’opposition, la Cour constitutionnelle a maintenu les élections. Si les principaux partis d’opposition, les Economic Freedom Fighters (EFF) et l’Alliance démocratique, présentent des programmes électoraux similaires à celui de l’ANC, ils peuvent surfer sur la crise du parti au pouvoir pour faire avancer leurs listes. Pour des millions de Sud-Africains, l’ANC reste cependant la seule organisation capable de diriger le pays, quels que soient les griefs qu’ils expriment à l’encontre de sa direction, et de Jacob Zuma en particulier. Si le scrutin est défavorable à l’actuel président, il pourrait provoquer, à court terme un grand « nettoyage », avec le retour de la gauche évincée de la direction et l’émergence de jeunes cadres fidèles aux grands principes démocratiques fondateurs du mouvement de libération.