Doha interdit un livre d’histoire religieuse et remplace un manuel d’enseignement de l’arabe, selon le Nouvel Obs.
Le journal français Le Nouvel Observateur s’inquiète dans un article publié mercredi 31 octobre de l’ingérence du Qatar dans le programme scolaire des lycées français à l’étranger.
« Le Qatar, pourtant pas francophone pour un sou, est entré il y a 15 jours dans l’Organisation internationale de la Francophonie comme membre associé. Et la nouvelle a légitimement créé la surprise », affirme le journal.
« Pour la Mission laïque française, c’est même un comble. Car cette association, qui prodigue un enseignement français aux étrangers dans une centaine d’établissements disséminés à travers le monde, a fait les frais de la manière bien particulière dont le Qatar entend, comme le dit son ambassadeur à Paris, +aider à la sauvegarde et à l’expansion de la langue française+ », souligne Le Nouvel Observateur.
Et d’ajouter : « sa passion pour la langue de Molière a poussé l’émirat wahhabite à s’intéresser de très près au programme du lycée Voltaire de Doha, géré par la Mission : il a notamment interdit un livre d’histoire religieuse qui parlait de la chrétienté au Moyen Age et remplacé un manuel d’enseignement de l’arabe par un ouvrage mêlant apprentissage de la langue et de la religion ».
« Pour s’être plainte de cette censure auprès des autorités françaises, la Mission va être contrainte de plier bagage fin décembre », croit savoir le journal.
Citant un connaisseur du dossier, le nouvel Observateur indique que « le Qatar ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il veut +financer des établissements du type du lycée Voltaire dans le Golfe et en Afrique+ avec l’ambition de +devenir le pôle de la francophonie régionale+ en concurrence avec la France ».
Et l’hebdomadaire français d’accuser : « Notre diplomatie, qui devrait s’interroger sur cette stratégie d’influence, est prise de court car elle n’a qu’une vision à court terme ».
Ce n’est pas la première fois que l’émirat wahhabite censure des livres scolaires. Les professeurs dans divers instituts d’enseignement supérieur qui se sont installés à Doha, dont la célèbre université américaine George Town, se plaignent régulièrement des interdictions qui frappent certains livres universitaires. Malgré la présence de la plus grande base américaine dans le monde au Qatar, les interventions de l’ambassade américaine dans cet émirat d’opérette pour autoriser ces ouvrages censurés n’avaient pas pu faire plier les autorités qataries.
Cette censure vient à point nommé apporter de l’eau au moulin du Front national qui dénonce dans le communiqué l’intolérance de ce pays intégriste. Sous le titre dénonciateur « Les « amis » qatariens de l’UMPS ne supportent pas l’école de la République », Bertrand Dutheil de La Rochère, Conseiller République et laïcité de Marine Le Pen, écrit : « La Mission laïque française devra quitter le Qatar, fin décembre. Elle y gère le lycée Voltaire en respectant les programmes français, qui déplaisent à cet émirat wahhabite. Un livre d’histoire traitant, entre autres, de la chrétienté au Moyen Âge avait déjà été interdit, avant d’être finalement réintroduit. Un manuel de langue arabe a été remplacé par un autre, mêlant langue et religion. Pourtant, sur son site internet, il est écrit que ce lycée de 700 élèves est « né de la volonté de Son Altesse l’Émir d’ouvrir le Qatar à la richesse de toutes les civilisations et de toutes les cultures ». Il fut inauguré solennellement, le 15 janvier 2008, par l’émir et par Nicolas Sarkozy. Le Qatar a surtout annoncé son intention de créer dans le Golfe et en Afrique d’autres établissements sur ce modèle. Il s’agissait donc pour lui d’obtenir la caution de la France dans une stratégie de pénétration d’une des formes les plus dures de l’islam. D’autres dispositifs sont bien connus : clubs sportifs achetés, chaînes de télévision dédiées au sport ou d’information continue, financements ciblés. En ce moment, Arnaud Montebourg travaille à la mise en place d’un fonds d’au moins 100 millions d’euros où les capitaux qatariens seront dominants. L’Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld) participera à la sélection des investissements retenus. Avec Marine Le Pen, le Rassemblement Bleu Marine demande une appréciation qualitative des investissements qatariens en France, en séparant ceux qui sont purement financiers et ceux qui ont des visées ethnico-religieuses. Car cette affaire du lycée devrait alerter tous les responsables UMPS sur les véritables intentions de leurs « amis » qatariens. Et puis, il est quand même paradoxal d’impliquer le nom de Voltaire pour couvrir de tels agissements ! »
3 novembre 2012