À Bethléem et Jérusalem, villes sacrées du Christianisme, le nationalisme religieux juif et la colonisation israélienne sioniste ne laisse la place ni aux minorités religieuses, ni à la paix voulue par la communauté chrétienne palestinienne et dans le monde.
Des millions de chrétiens sur la Terre ont entonné, le 25 décembre, les chants glorifiant la naissance de Jésus à Bethléem. Ils ont placé sur leur cheminée des petites crèches, sous toutes les formes, des traditionnelles en terre cuite, des crèches vivantes dans les églises, avec le bœuf et l’âne gris, Joseph et Marie et l’enfant Jésus, réunis dans la paix de la grotte de Bethléem. Des millions de chrétiens ont assisté à la messe de minuit. De la plus petite église de village au Vatican, le mot « paix » a été prononcé des millions de fois par des millions de bouches. « Joyeux Noël à Bethléem, Joyeux Noël à ceux qui s’aiment », dit la chanson…
Puis le 6 janvier, les « mages » sont déposés dans les crèches. Gaspard, Melchior, Balthazar, qui avant d’être trois et de porter les noms que nous leur connaissons aujourd’hui, furent anonymes. Ils ne deviendront rois que tard, chargés d’or, d’encens et de myrrhe. Ils seront nommés Abimelech, Ochozath et Phicol, les trois personnages venus demander la paix à Isaac, selon le Livre de la Genèse. Trois représentants des disciplines générales, la logique ou « philosophie rationnelle », la physique ou « philosophie naturelle » et l’éthique ou « philosophie morale ». Mais ils furent aussi douze, selon Michel le Syrien, au XIIème siècle, ou huit, à un autre moment, portant les noms de Dahdnadour, Wastaph, Arsak, Zerwan, Ariwah, Artahsist, Estanbouzan, Mahdouq, Ashires, Kardanah, Mardouk ou encore Hormizad. Au cours des siècles, ils sont nommés en latin, en hébreu ou en grec, voire en arabe, et leur interprétation varie. On dit aussi que Melchior aurait été le roi des Perses, Balthazar le roi des Arabes et Kaspar (ou Gudnaphara) le « roi en Inde », tous trois considérés par la tradition comme les représentant pacifiques de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, qui suivirent l’Étoile pour reconnaître le Messie qu’Hérode et le peuple juif avaient ignoré.
« Joyeux Noël à Bethléem, Joyeux Noël à ceux qui s’aiment », dit la chanson… Bethléem ville de paix et d’amour, chantée par l’humanité chrétienne, est aujourd’hui une ville palestinienne de Cisjordanie entourée par la « barrière de séparation » israélienne, un mur de 8m de haut qui la coupe de sa voisine Jérusalem. Théoriquement sous administration de l’Autorité palestinienne depuis les accords d’Oslo, en 1995, la ville est divisée en trois zones, la zone A, gérée par les Palestiniens, la zone B, administrée par les Palestiniens, mais dont la sécurité est assurée par les Israéliens, et la zone C entièrement gérée par les Israéliens, soit un contrôle exclusif de 82% de la ville par Israël.
Chaque matin, des centaines de travailleurs de Bethléem et des villages à l’entour, doivent se lever avant le soleil pour passer le barrage militaire de Gilo, l’une des colonies juives illégales qui étouffent la ville, avant de rejoindre leur lieu de travail à Jérusalem ou ailleurs. L’attente est longue, les humiliations et les violences quotidiennes. Les forces d’occupation israéliennes pénètrent fréquemment dans le secteur palestinien pour y mener des attaques ou des « représailles », persécutant les habitants. Dans les zones contrôlées par les Israéliens nombre de maisons de Palestiniens ont été détruites au bulldozer israélien. Dans son prêche de la messe de Noël 2015, en présence de Mahmoud Abbas, le père Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem entre juin 2008 et juin 2016, appelait les Chrétiens à « penser aux maisons démolies à Jérusalem et en Palestine, aux terrains expropriés, et aux hommes touchés par une punition collective… »,
À Bethléem, comme dans nombre de villes palestiniennes occupées, les indicateurs économiques sont au plus bas. Accès à l’eau potable, éducation, santé, infrastructures de base, sécurité, ne peuvent être assurés normalement, faute de fonds. Les villes palestiniennes colonisées reçoivent peu de subventions, réservées en majorité aux colonies.
Le tourisme religieux chrétien est l’une des ressources importantes de Bethléem qui comptait 90% de chrétiens avant 1948, pour 28% aujourd’hui. Une ressource, cependant, variable selon le degré de violence du moment. Le 25 décembre est un jour de fête nationale pour les Palestiniens qui assistent ensemble chrétiens et musulmans, aux festivités civiles de Noël. Un nombre limité de chrétiens de Cisjordanie, de Jérusalem ou de Gaza reçoivent des permis pour entrer dans la ville à cette occasion. Depuis l’élection de Vera Baboun, chrétienne et première femme maire de Bethléem, élue en 2012 – la municipalité a toujours été dirigée par des maires chrétiens – un effort particulier a été fait pour sortir la ville de son « emmurement » et ses conséquences, le communautarisme et le radicalisme, notamment, dans une cité où chrétiens et musulmans ont toujours, jusqu’ici, vécu ensemble en paix, mais dont la cohabitation pacifique est de plus en plus menacée.
« Bethléem est la ville qui envoyait le message de paix au monde entier », déclarait Vera Baboun en novembre, à Washington, mais, aujourd’hui, Bethléem ne délivre plus ce message ». Dans la communauté chrétienne mondiale, la puissante Église évangélique américaine soutient fortement la politique israélienne, considérant ce soutien comme « un devoir chrétien », ignorant totalement la réalité de l’occupation israélienne, de la colonisation sioniste et, pour ce qui les concerne directement, les souffrances des chrétiens israéliens. Nombre de ses membres et dirigeants sont des Républicains conservateurs et néoconservateurs. Selon une étude de Pew Research (2013), plus de 80% des Évangélistes et 40% des juifs américains sont persuadés que Dieu a donné la « terre d’Israël » au peuple juif.
Il a fallu qu’État islamique et al-Qaïda massacrent les arabes chrétiens de Syrie et d’Irak et que des milliers d’arabes chrétiens (y compris Palestiniens) fuient leurs pays, pour que le monde en général, chrétien en particulier, prennent conscience de leur présence au Moyen-Orient et de leur sort dans les guerres américaines qui secouent cette région. Tout en continuant d’occulter, néanmoins, que l’Irak était un pays laïc où toutes les religions étaient constitutionnellement reconnues, notamment l’Église chrétienne orthodoxe dont le Patriarche avait condamné, à l’époque, la politique guerrière des États-Unis. Quant à la Syrie, c’est aussi la laïcité, également inscrite dans la constitution, qui est en jeu dans la guerre que mène l’armée syrienne et ses alliés contre la folie des forces radicales islamistes soutenues par les États-Unis et leurs amis occidentaux. Et en Israël, le nationalisme religieux qui domine la politique israélienne et justifie la politique de colonisation, interdisant tout espoir de paix dans le contexte actuel, particulièrement aux chrétiens d’Israël.