Il y a quatre ans, mais les forces de police et de sécurité sud-africaines tuaient trente-quatre mineurs à Marikana, alors que le secteur minier connaissait un mouvement de grèves sans précédent.
Ces violences dont les images ont été, largement diffusées par les médias internationaux, avaient choqué profondément les Sud-Africains et la communauté internationale. Les conditions de vie inhumaines imposées aux mineurs par les grandes compagnies minières nationales et internationales avaient été exposées dans toute leur horreur.
Les compagnies et le gouvernement sud-africains s’étaient engagés à y remédier dans les plus brefs délais, mais si les mineurs n’ont pas obtenu satisfaction quant à leur revendication de salaire, la situation, quatre ans plus tard, n’a pas connu, non plus, d’amélioration notable. Les conditions de logement et d’accès aux services se sont, au contraire, encore dégradés avec l’arrivée continuelle de nouveaux migrants des pays voisins venus chercher du travail dans les mines. Le nombre de morts à la mine (trente dans ces six premiers mois) et d’accidents a augmenté. À Lily Mine, par exemple, en février 2016, cent mineurs sont restés bloqués au fond dans un accident lié aux conditions de sécurité. Trois mois plus tard, trois mineurs sont restés coincés dans une lamp room, conteneur-vestiaire mobile de fond, qui s’est écrasé dans un puits. AfroCan, une compagnie aurifère canadienne devait construire un nouveau conteneur mieux sécurisé. La confédération syndicale COSATU avait dénoncé le manque de volonté des responsables de la mine de Lily.
En moins d’un an, six mineurs ont trouvé la mort dans des incendies de puits dus à des systèmes de sécurité déficients dans la zone de Rustenburg où se trouvent les mines de la compagnie Impala Platinum, premier groupe mondial de production de platine. Le syndicat des mineurs NUM a exigé que les responsables soient arrêtés et jugés, en vain.
Les assassinats de militants n’ont pas, non plus, cessé. C’est le cas, par exemple, de Sikhosiphi « Bazooka » Rhadebe, fondateur du Amadiba Crisis Committee qui, depuis 2007, dénonçait les opérations minières dans la région de l’Easter Cape par la Mineral Commodities Limited basée à Perth en Australie. Il se battait, également, avec son groupe depuis douze ans contre le projet de centre de déchet sur un site écologique sensible, à Xolobeni, sur la Wild Coast où il vit. Rhadebe a été tué par balle chez lui par des hommes en uniforme. Il n’y a eu aucune arrestation.
Le conflit entre le syndicat des mineurs officiel NUM et le syndicat indépendant AMCU né du conflit de 2012 et auquel ont adhéré un grand nombre de mineurs au cours et depuis la grande grève, continue, également, de générer des violences meurtrières, faisant des morts dans les deux camps.
L’Afrique du Sud démocratique a hérité d’un secteur minier principale ressource du pays, marqué par le système colonial, puis d’apartheid. Pendant plusieurs siècles, les mineurs noirs ont été traités comme des esclaves et durement réprimés lorsqu’ils osaient protester. Les conditions de vie dans les hostels ou les bidonvilles, de travail et de sécurité dont a hérité le gouvernement ANC en 1994, représentaient un défi considérable. Le premier étant de convaincre ou d’obliger les compagnies minières étrangères et sud-africaines à respecter les nouvelles lois. Un défi soldé par un échec patent. Outre la dégradation des conditions de vie des mineurs, aucun membre des forces de police n’a été arrêté, jugé et condamné, aucun responsable, aucune compagnie minière n’a été inquiété, aucune compensation n’a été versée aux mineurs blessés ou aux veuves de Marikana.
Femmes des mines, proies sexuelles faciles
Selon une enquête de MSF réalisée en 2015 dans le grand bassin minier de Rustenburg, sur 900 femmes interrogées, entre 18 et 49 ans, la moitié ont été victimes d’abus sexuels. Sur l’ensemble du bassin minier, 50 000 femmes auraient été victimes de viol ou de violences sexuelles. La population majoritairement masculine des townships miniers, d’origine géographique, de langues et de cultures différentes, et vivant dans les immenses bidonvilles sauvages en continuelle extension et dépourvus de toute installations sanitaires ou d’infrastructures sociales, est composée majoritairement de migrants venus sur les sites dans l’espoir d’une vie meilleure, piégés dans une misère désespérée. Les femmes migrantes (70% des femmes interrogées par MSF) trouvent plus difficilement du travail et sont confrontées à un taux de chômage élevé qui les rend dépendantes des hommes et vulnérables aux agressions sexuelles. Malgré la menace de transmission du sida, seulement 5% ont recours aux services médicaux mis en place par les services de santé publique, les associations sud-africaines et MSF (centre de soin Kgomotso). Plus de la moitié ignorent les antirétroviraux et la prophylaxie (PEP-Prévention post-exposition), alors que les centres publics les délivrent gratuitement aux victimes de viol. Cependant, onze centres de santé seulement sur les 137 du district assurent la PEP ou pratiquent les examens permettant aux victimes de porter plainte. La moitié des patientes de MSF est âgée de moins de 18 ans et 8% des femmes interrogées ont déclaré avoir été violées avant 15 ans. Pour développer l’accès aux services de santé, MSF et le département de la Santé de la province du Nord-Ouest ont mis en place un protocole incluant la PEP, une contraception d’urgence et des conseils, à travers toute la province.
Source MSF