En dehors des manifestations à Chicago, le plus important du sommet de l’OTAN a été la tension évidente entre l’organisation transatlantique, d’un côté, et la Russie et ses alliés de l’autre.
Par exemple, aucun dirigeant de l’Asie centrale n’a assisté au sommet et ceux d’Arménie et de Biélorussie ont brillé par leur absence. Bien que ne faisant pas partie de l’OTAN, ces représentants qui avaient été invités, ont choisi de ne pas venir. Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev s’était rendu aux Etats-Unis la veille de l’ouverture du sommet, mais au lieu de se rendre à Chicago, il est retourné en Russie.
D’un autre côté, il avait été annoncé que les patrouilles aériennes de l’OTAN dans l’espace de la Baltique deviendraient permanentes. La Lituanie a fait suite à cette annonce en appelant à une présence militaire de l’OTAN renforcée comme force de dissuasion face à la militarisation russe. Alors que ce pays n’est pas membre de l’organisation, la décision de mettre en place des patrouilles permanentes et le malaise sur la frontière entre la sphère d’influence russe et l’OTAN sont significatifs.
Le monde ne se dirige pas vers une nouvelle Guerre froide, et ceux qui prétendent que tout ceci est simplement une survivance de la mentalité de cette époque se trompent. La Guerre froide fut un combat entre les puissances mondiales et la bataille fut menée de l’Amérique latine à l’Asie. La Russie n’est plus capable d’une influence mondiale. C’est une puissance régionale. Cependant, à l’intérieur de sa zone, elle est devenue puissance. Elle a une énorme influence sur de nombreux pays de l’ancienne Union soviétique et sa capacité militaire se renforce de plus en plus. Il est évident que, compte tenu de son faible niveau en la matière il y a 10 ans, il ne lui est pas difficile d’augmenter son potentiel militaire. Mais, à nouveau, plus vous approchez de la frontière entre l’OTAN et la Russie en termes d’influence, plus cette croissance devient visible.
L’OTAN et la Russie ont des divergences évidentes. L’une d’elle concerne la défense anti-missiles balistiques, mais, une autre, plus profonde, touche à l’expansion de l’OTAN dans la Baltique. Saint-Pétersbourg, par exemple, est à moins de 160 km de l’OTAN. Les Russes s’étaient attendus – ou du moins avaient espéré – à une expansion limitée après la Guerre froide, une zone tampon plutôt que le déplacement de la ligne à l’est à l’intérieur de l’ancienne Union soviétique. Cela ne s’étant pas produit – et les « révolutions de couleur » ayant explosé, soutenues, selon la Russie, par l’Occident – les peurs des Russes sont réapparues.
L’OTAN ne pensait pas être agressive en avançant vers l’est. Elle se voyait comme une force de stabilisation et de démocratisation. Son mouvement incorporant l’Europe de l’est et les pays de la Baltique n’avait pas pour objectif d’effrayer la Russie, mais, en fait, de l’assurer qu’elle voulait être certaine que la région resterait stable et sans menace. Le projet de l’OTAN ne fut pas vu de la même façon par la Russie. Au même moment, l’OTAN considère les mouvements de la Russie dans la zone de l’ancienne Union soviétique comme problématiques, même s’ils n’ont pas de but hostile.
Les alliés de la Russie ont donc boycotté le sommet de l’OTAN, et l’organisation a annoncé la permanence des patrouilles aériennes dans le ciel de la Baltique. Il y a là une tension, mais ce n’est pas la Guerre froide. La tension est limitée par le fait que la Russie n’est pas assez forte pour représenter une réelle menace au-delà de la ligne actuelle, et l’Europe est bien trop préoccupée par sa crise interne économique et politique pour détourner son attention vers une menace russe. En fait, quoi que l’OTAN fasse dans le ciel de la Baltique, de nombreux États européens – particulièrement l’Allemagne – ne perçoivent pas la Russie comme un problème significatif.
C’est là toute l’étrangeté de ce sommet et de cette époque. La Russie devient plus forte et cela inquiète certains. Mais la plupart des Européens voient la relation Russie-Baltique comme totalement hors de sujet par rapport aux vraies questions, même s’ils approuvent des mesures de l’OTAN qui sont perçues comme des menaces par la Russie.
Voilà pourquoi l’OTAN n’est tout simplement plus intéressante. Non seulement ce n’est pas une alliance dont la mission – du moins en Europe – est confuse, c’est une alliance perchée au sommet de processus économiques, politiques et sociaux profonds qui font que ses inquiétudes sont sans importance pour l’instant.