Nous publions ci-dessous, la lettre que les juges de Versailles ont reçue du Comité National BDS palestinien (BNC), la plus grande coalition de la société civile palestinienne, avant le procès d’Olivia Zémor, lundi dernier.
Le 4 mars 2018
Madame la Présidente du Tribunal,
Le Comité National BDS palestinien (BNC), la plus grande coalition de la société civile palestinienne, est vivement préoccupée par le procès de Mme Olivia Zémor, intenté par des organisations françaises qui justifient l’occupation militaire israélienne. Nous vous demandons donc de bien vouloir prendre en considération l’information ci-dessous concernant le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour les droits des Palestiniens, lorsque vous allez délibérer sur cette affaire.
L’Union Européenne, les gouvernements de Suède, d’Irlande et des Pays-Bas, les parlements suisses et espagnols, Amnistie Internationale, la Fédération Internationale pour les Droits de l’Homme (FIDH), Human Rights Watch, l’Internationale Socialiste, la Ligue américaine des Droits du Citoyen (ACLU), parmi d’autres, ont tous défendu le droit au boycott d’Israël (y compris dans le domaine culturel) : Il s’agit de la liberté d’expression.
En 2016, Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne, s’est exprimée ainsi : « L’Union Européenne maintient fermement son engagement de protéger la liberté d’expression et la liberté d’association, en conformité avec la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, qui s’applique sur le territoire des États Membres de l’Union Européenne, sans exclure les actions BDS menées sur ce territoire. »
De même, le gouvernement hollandais a confirmé que le plaidoyer en faveur du BDS est une liberté d’expression qui est protégée, garantie par la Constitution hollandaise et la Convention européenne sur les Droits de l’Homme. » Il a également rejeté les demandes de punition du BDS pour « discrimination » à l’égard d’Israël, affirmant que les « droits de l’Homme, qui comprennent l’interdiction de la discrimination, visent à protéger spécialement les individus et les groupes d’individus. Selon le principe de la liberté d’expression, on a le droit d’exiger qu’un gouvernement prenne des sanctions contre un autre pays. »
Également en 2016, un grave coup a été porté à la guerre juridique du régime répressif d’Israël contre le mouvement BDS, sous la forme d’une déclaration sans précédent rédigée par plus de 200 juristes venant de 15 pays européens – y compris d’anciens juges de cours internationales – qui défend le droit au BDS. Selon cette déclaration : « Les états qui proscrivent le BDS sapent les droits de l’homme fondamentaux et ébranlent la crédibilité des droits de l’homme, lorsqu’ils dispensent un état particulier du plaidoyer en faveur de mesures visant à obtenir son respect du droit international. »
La Ligue américaine des Droits du Citoyen (ACLU) a condamné l’application de la loi anti-BDS du Texas : « une violation monumentale du Premier Amendement [de la constitution], rappelant les serments de loyauté du temps de McCarthy », et a obtenu récemment une victoire juridique qui a fait jurisprudence, dans un tribunal fédéral, contre la loi anti-BDS de l’état du Kansas.
En réponse à la campagne israélienne de répression contre le mouvement BDS, des associations juives œuvrant pour la paix, basées aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne, en France, en Italie, ainsi qu’une centaine de militants juifs, dont Noam Chomsky, Medea Benjamin, Ronnie Kasrils, ancien ministre, membre du gouvernement Sud-Africain, Felicia Langer, ancienne avocate, défenseuse des droits de l’Homme, le cinéaste Eyal Sivan et Nurit Peled-Elhanan, lauréat du Prix Sakharov pour les Droits de l’Homme – tous ont confirmé que : « Le boycott des citoyens internationaux contre la violation du droit international, est un droit civil fondamental protégé juridiquement. Les campagnes de boycott lancées par la société civile sont un moyen essentiel de protestation non-violente. On ne peut en aucun cas interdire les boycotts, ni les rendre illégaux, ni les punir. »
Le BDS est un mouvement mondial mené par la société civile palestinienne, qui contribue à mettre fin à la violation systématique des droits humains du peuple palestinien, conséquence du régime israélien d’occupation, d’implantation de colonies et de discrimination raciale. Inspiré par un héritage de longue date, de résistance populaire pacifique palestinienne et par le mouvement contre le régime d’Apartheid d’Afrique du Sud, le mouvement BDS mène et préconise des campagnes non-violentes de pression civile, comme moyen de forcer Israël à mettre fin à ces violations flagrantes et à respecter les droits humains des Palestiniens, sans oublier les droits à l’auto-détermination, à l’égalité et au retour des réfugiés.
Le gouvernement israélien, décrit par des membres de la Knesset israélienne comme le plus raciste de son histoire, commet des crimes atroces contre le peuple palestinien avec une impunité sans précédent.
Israël intensifie la construction de ses colonies illégales et de son mur sur les terres volées de la Cisjordanie occupée, spécialement à Jérusalem-Est. Les autorités de l’occupation militaire israélienne perpétuent des systèmes juridiques, des routes et des services séparés, d’une part pour les colons vivant illégalement dans le territoire palestinien occupé, et d’autre part pour les Palestiniens.
Israël renforce son siège fatal, long de dix ans, des deux millions de Gazaouis, leur refusant les produits de première nécessité, même les crayons et les instruments de musique. Ils vont jusqu’à compter les calories par personne qui leur sont permises pour les maintenir au seuil de la famine, c’est-à-dire pour les mettre « au régime », comme l’a admis une fois un fonctionnaire israélien. En conséquence, les Nations-Unies prédisent que Gaza sera invivable d’ici 2.020. Israël enracine ce que le département d’État américain a défini comme un système de « discrimination institutionnelle, légale et sociale » contre les citoyens palestiniens de l’Israël d’aujourd’hui, mis en application à l’aide de plus de soixante-cinq lois racistes. L’année dernière, les forces armées israéliennes ont démoli le village bédouin d’Umm al-Hiran du Naqab (Néguev) pour construire sur ses ruines une nouvelle colonie uniquement juive, sinistrement nommé « Hiran ».
Israël continue aussi à nier les droits des Palestiniens en exil – presque tous des réfugiés – reconnus au niveau international, qui représentent cinquante pour cent de tous les Palestiniens. La communauté internationale sous l’hégémonie des États-Unis et de l’Europe, ayant refusé de faire respecter les droits des Palestiniens selon le droit International, le mouvement BDS pour les droits des Palestiniens s’est formé en 2005. C’est une coalition réunissant des tendances très variées dans la société civile palestinienne. Elle exige la fin de l’occupation qui a débuté en 1967, la fin du système de discrimination raciale légalisée, le maintien du droit au retour des Palestiniens – convenu par les Nations-Unies – vers leurs maisons et leurs terres d’où ils ont été déracinés et dépossédés lors de la NAQBA de 1948.
Ayant sa place dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le BDS a toujours fermement condamné toue forme de racisme et de discrimination raciale, y compris l’antisémitisme, le racisme anti-Noirs et l’islamophobie. L’identité de chacun, selon ce mouvement, ne devrait jamais diminuer les droits quels qu’ils soient. Le BDS vise donc la complicité, non l’identité.
Dire que le boycott d’Israël est intrinsèquement anti-juif est non seulement faux, mais présume aussi qu’Israël et « les Juifs » veulent dire la même chose. C’est la même notion ridicule selon laquelle c’est de l’islamophobie que d’affirmer que le boycott de l’Arabie Saoudite (qui se définit comme état islamique) pour sa conduite quant aux droits humains, sa discrimination envers les femmes ou ses crimes de guerre au Yémen, serait alors de l’islamophobie. Comme l’a dit une fois un co-fondateur du mouvement BDS : « Du fait que la situation de siège, de nettoyage ethnique et d’oppression n’a rien de juif, il n’y a donc rien d’anti-juif dans la lutte pour les droits humains, non-violente et irréprochable, dont le but est de mettre fin à ce système d’injustice. »
Le soutien pour le BDS grandit de plus en plus parmi les jeunes Juifs partout dans le monde, les militants BDS juifs israéliens jouant un rôle très important dans le mouvement : « Pas en notre nom » est un slogan courant utilisé par les groupes progressifs juifs partout dans le monde, qui prennent part au mouvement BDS pour les droits des Palestiniens. Le mouvement BDS est soutenu presque unanimement parmi les Palestiniens. Le mois dernier, l’OLP (l’Organisation de libération de la Palestine), seule représentante du peuple palestinien, a déclaré son soutien pour le BDS et a exigé des sanctions contre Israël. Le mouvement BDS poursuit un agenda légitime et entièrement moral quant aux droits humains, puisque les droits qu’on réclame, la nature des violations israéliennes dont il s’agit et les moyens pour éliminer ces violations sont ancrés dans le droit international et reconnus par les Nations-Unies. Les voici : Le droit des réfugiés palestiniens de retourner dans leurs maisons et sur leurs terres, Le droit du peuple palestinien à l’auto-détermination. Au début des années 70, l’Assemblée Générale des Nations-Unies a déclaré que le droit à l’auto-détermination et le droit des réfugiés de retourner dans leurs maisons et sur leurs terres est le droit inaliénable du peuple palestinien, et que l’exercice de ces droits est une des conditions d’une paix durable, Le droit du peuple palestinien de résister à l’occupation étrangère par tout moyen légal. Les violations flagrantes et systématiques israéliennes notées par le Conseil de Sécurité, l’Assemblée Générale, la Cour Internationale de Justice (ICJ/CIJ) et le Conseil des Droits de l’Homme comprennent : Les violations sévères et répétées de la Quatrième Convention de Genève, que sont les colonies illégales israéliennes, l’annexation des territoires palestiniens et syriens comprenant Jérusalem-Est et le plateau du Golan, le Mur et les opérations militaires israéliennes. On trouve parmi ces dernières les crimes de guerre israéliens tels que le transfert forcé de populations et les attaques militaires délibérées contre les civils Palestiniens et leurs biens, dernièrement dans la bande de Gaza. Certains de ces crimes de guerre qui semblent impossibles à nier, sont en cours d’instruction à la Cour Internationale de Justice, La violation de l’interdiction d’acquérir un territoire par la force et du droit à l’auto-détermination du peuple palestinien, the Mur annexant de facto les nombreuses colonies illégales du territoire palestinien occupé. La Cour Internationale de Justice a confirmé en 2004 que ce sont des violations des normes universellement contraignantes (jus cogens) du droit international et de la Charte des Nations-Unies, La discrimination raciale institutionnalisée, ségrégation raciale et apartheid évidents : Une myriade de lois et de politiques discriminatoires et des « secteurs arabes et juifs » qui enlèvent aux réfugiés palestiniens et aux citoyens d’Israël, les droits et les ressources dont jouissent la population juive. Dans le Territoire Palestinien Occupé, comprenant Jérusalem-Est (TPO), ces violations ainsi que ce qu’on a découvert sur le colonialisme, ont été mises en évidence par les colonies illégales, le statut et les droits spéciaux des colons selon la loi civile israélienne, et par le régime militaire restrictif qui règne sur la population palestinienne sous occupation.
En 2010, le Rapporteur Spécial des Nations-Unies sur les Droits de l’Homme dans les TPO a recommandé l’adoption du BDS et a conclu (au paragraphe 39) : « Celui-ci utilise des moyens non-violents persuasifs et coercitifs pour assurer les droits humains des Palestiniens qui vivent dans des conditions d’occupation oppressives et illégales, que les actions diplomatiques ou l’autorité de la communauté internationale organisée ont été incapables de redresser. Le BDS représente la société civile du monde qui se rallie, pour remplacer un régime mû par la force, par l’état de droit dans le TPO. » Comme le confirme Amnisty International, les militants BDS sont des défenseurs des Droits de l’Homme, qui ont le droit d’être protégés. Amnistie a demandé publiquement au gouvernement israélien de cesser ses violentes menaces, ses arrestations arbitraires et ses divers moyens d’intimider et de restreindre les Palestiniens et les défenseurs des droits de l’Homme. Nous, militants BDS, groupes et associations qui nous trouvons en Palestine ou autre part, sommes des défenseurs des droits de l’Homme sous protection, selon la Déclaration des Nations-Unies sur les Défenseurs des Droits de l’Homme datée de 1998, car : Nous contribuons à l’élimination efficace des violations des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du peuple palestinien, Nous sommes attachés à l’universalité des droits de l’Homme, tels qu’ils sont définis dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Le BDS est un mouvement polyvalent qui respecte les droits de l’Homme et qui exige l’égalité des droits, rejette toute forme de racisme et de discrimination et qui ne vise aucune personne ni aucun groupe sur la base de son origine ou de son identité. Les Israéliens dotés d’une bonne conscience font partie du mouvement, Nos campagnes BDS non violentes satisfont aux exigences de l’action pacifique définie dans la Déclaration des Nations-Unies.
Le statut de défenseur des droits de l’Homme s’applique également aux membres des institutions privées ou publiques, aux conseils municipaux, aux fonctionnaires et aux députés partout dans le monde, qui répondent aux normes dont on parle plus haut, et mettent en œuvre ou recommandent les démarches BDS : désinvestissement ou refus d’acheter, quand il s’agit d’entreprises ou d’institutions qui sont mêlés aux violations des droits humains des Palestiniens. La raison en est que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme précise, dans l’article 1, que Chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir ou de ‘efforcer d’obtenir la protection et la réalisation des droits humains et des libertés fondamentales aux niveaux nationaux et internationaux. » La Déclaration souligne que : Le droit de participer à des actions pacifiques contre les violations des droits humains, comprend le droit de réagir contre ou de s’opposer à des actes commis par des états, qui encouragent les violations des Droits de l’Homme ou qui les provoquent, Le droit de s’adonner à des activités pacifiques contre les violations des droits humains comprend le droit d’agir au niveau international et de coopérer au niveau international avec les ONG, les états et les Nations- Unies, Les états dont le devoir primordial de mettre en œuvre les droits humains, doivent protéger les défenseurs des droits humains. Cela signifie que les états doivent s’assurer que leurs propres lois et leur système judiciaire concordent avec la Charte des Nations-Unies et de la loi internationale sur les Droits de l’Homme, et prendre les mesures nécessaires législatives, administratives et autres, pour que les droits des défenseurs des Droits de l’Homme soient fermement garantis.
En conséquence, nous demandons que soient abandonnées toutes les accusations portées contre Madame Zémor et contre les autres citoyens français doués d’une conscience morale et qui exigent qu’Israël rende des comptes devant la Cour Internationale – en utilisant des moyens pacifiques et anti-racistes tels que le BDS. Se servir du système juridique pour faire taire les défenseurs BDS des droits humains est une politisation inacceptable de la Cour de Justice et fait grand tort à la justice, aux droits humains et aux libertés que ces personnes passent leur vie à défendre. »
Secrétariat International du Comité National palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BNC)
Ramallah, Palestine occupée
CAPJPO-EuroPalestine