Depuis la publication en ligne de cette tribune, en mai dernier, la construction de la barrière de 227 km à la frontière israélo-égyptienne s’est accélérée pour réduire l’immigration illégale, une proposition de loi a été déposée par le ministre de la Justice pour interdire tout envoi d’argent par les immigrés à leurs familles. La loi dite « des infiltrés » a été votée le 9 janvier 2012 par le gouvernement et adoptée par la Knesset peu après.
« Nous ne serons pas un peuple normal tant que nous n’aurons pas des prostituées juives et des voleurs juifs », disait notre poète national, Haim Nahman Bialik, il y a quelque 80 ans.
Ce rêve est devenu réalité. Nous avons des criminels juifs, des voleurs juifs et des prostituées juives (bien que la plupart d’entre elles en Israël sont importées par les marchands d’esclaves internationaux d’Europe de l’est via la frontière du Sinaï). Mais Bialik a manqué d’ambition. Il aurait dû ajouter : nous ne serons pas un peuple normal tant que nous n’aurons pas des juifs néo-nazis et des camps de concentration juifs.
La principale information aujourd’hui dans tous nos médias électroniques ou imprimés est le terrible danger que représentent les migrants « illégaux » africains. Les réfugiés et les chercheurs d’emplois africains sont attirés vers Israël pour plusieurs raisons, mais certainement pas par croyance ardente dans le sionisme.
La première est géographique. Israël est le seul pays de niveau européen qui peut être atteint depuis l’Afrique sans avoir à traverser une mer. Les Africains peuvent facilement atteindre l’Égypte, puis ils n’ont qu’à traverser le désert du Sinaï pour arriver à la frontière israélienne.
Le désert est le territoire des tribus bédouines pour qui le vol et la contrebande sont des activités ancestrales. Qu’il s’agisse d’armes libyennes pour le Hamas, à Gaza, de femmes ukrainiennes pour les bordels de Tel-Aviv ou de chercheurs d’emplois venus du Soudan – en payant cher – les Bédouins les conduiront tous à leur destination. En passant, ils les séquestreront pour obtenir une rançon et violeront les femmes.
Les Africains – pour la plupart du nord et du sud Soudan et d’Érythrée – sont attirés par le marché israélien du travail. Les Israéliens ont cessé depuis longtemps de faire les basses besognes. Ils ont besoin de gens pour laver la vaisselle dans les restaurants chics, pour nettoyer leurs maisons et porter leurs paniers au marché.
Pendant des années, c’était les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza qui s’en chargeaient. Après les deux Intifadas, notre gouvernement y a mis fin. Les Africains ont pris leur place. Bien sûr, ils reçoivent ce que les Israéliens considèrent comme des salaires de misère, mais suffisamment pour pouvoir envoyer de l’argent à leurs familles. Des petites sommes en dollars qui représentent des fortunes au pays.
Pour pouvoir envoyer de l’argent, les immigrés vivent comme des chiens. Ils sont pratiquement tous célibataires, entassés dans des maisons sales et vétustes dans les bidonvilles de Tel Aviv et d’autres villes, reluquant les filles du coin, se saoulant pour se divertir. Les habitants israéliens de ces bidonvilles, les plus pauvres d’entre les pauvres, les haïssent.
Ils les accusent de toutes sortes de crimes, y compris le viol, les échauffourées violentes et les assassinats. Ils croient aussi qu’ils portent des maladies dangereuses qui sont pratiquement inconnues en Israël, telles que la malaria et la tuberculose. À la différence des Israéliens, ils n’ont pas été vaccinés à la naissance.
Toutes ces accusations sont, bien sûr, très exagérées. Mais on peut comprendre les habitants israéliens des bidonvilles qui doivent vivre avec des étrangers pauvres avec lesquels ils ne peuvent pas communiquer. Dans un tel contexte, le racisme fleurit. Les Africains sont facilement reconnaissables à la couleur de leur peau. Les expressions racistes habituelles – « ils violent nos femmes », « ils apportent des maladies mortelles », « ils sont comme des animaux » – abondent. S’y ajoute l’une d’elles typiquement israélienne : « Ils menacent la judaïcité de l’État ». Avec une population juive de 6,5 millions et arabe de 1,5 million, il est facile de décrire les immigrés comme un terrible danger pour la « judaïcité de l’État ».
Comme le marécage attire les moustiques, une telle situation attire les provocateurs et les marchands de haine. (En mai) des bagarres ont éclaté dans le quartier Hatikva de Tel Aviv, qui abrite des bidonvilles. Des Africains ont été attaqués, des boutiques africaines pillées. Comme un tour de magie, en peu de temps les agitateurs fascistes bien connus sont apparus sur la scène, incitant la foule contre les Africains et les gens de gauche « au cœur sensible ». L’attention des médias a porté principalement sur un membre du Parlement du Likoud, Miri Regev. Pas satisfaite par les habituels qualificatifs, elle criait que les Africains étaient un « cancer ».
Cette expression, tirée du dictionnaire de Goebbels, a choqué de nombreuses personnes à travers le territoire. Regev est non seulement une jolie femme, mais également un ancien porte-parole de l’armée israélienne, nommée par l’ancien chef d’état-major, Dan Halutz, célèbre pour la désastreuse guerre du Liban 2, et resté dans les annales par sa remarque selon laquelle lorsqu’une bombe est larguée sur un quartier résidentiel, il ne ressent rien de plus qu’un « simple bosse sur l’aile ».
Regev a fait la « une » avec son discours et a donné de nombreuses interviews au cours desquelles elle s’est distinguée en utilisant un langage de poissonnière, comme on disait autrefois (sans vouloir aucunement insulter les poissonnières…). À dire vrai, elle était simplement écœurante.
À propos d’écœurement, (…) Eli Yishai, du parti orthodoxe Shas considère que l’hystérie anti-africaine est « un don de Dieu ». Après avoir publiquement proclamé que les immigrés sont des criminels, apportent des maladies et menacent l’État juif, il leur a déclaré la guerre. Désormais, tout le pays est mobilisé. Chaque jour, le nombre d’Africains expulsés fait la « une » des journaux. La « police spéciale pour l’immigration » de Yishai est prise en photo poussant les Africains dans les fourgons de police. Yishai lui-même apparaît quotidiennement à la télé pour se vanter de ses hauts faits. Il fanfaronne sur les progrès de la chasse à l’homme. Les Africains restent terrorisés dans leurs misérables abris, n’osant plus sortir dans les rues. La nuit, ils sont en alerte à chaque bruit, craignant le terrible coup frappé à la porte par la police de l’immigration.
La Knesset a voté une loi qui impose cinq ans de prison plus une amende d’un demi-million de shekels (100 000 euros) à quiconque emploierait un travailleur « illégal ». Heureusement, cette loi ne s’appliquera pas aux épouses du ministre de la Défense (Ehud Barack) et au procureur général (yehuda Weinstein) qui ont été prises à employer des « illégaux » dans leurs maisons (bien sûr, à l’insu de leurs maris !) !
Cependant, la plupart des 60 000 Africains viennent d’Érythrée et du nord-Soudan, où les immigrés ne peuvent pas être renvoyés car la Cour suprême s’y est opposée. Leur rapatriement mettrait leur vie en danger. Cela ne touche pas les citoyens du nouvel État du sud-Soudan, qui s’est libéré avec l’aide des conseillers militaires et des armes israéliens. Aujourd’hui, ils sont rassemblés, sous le feu des médias, pour être expulsés.
Qu’arrive-t-il aux autres ? Le gouvernement s’active fébrilement à construire d’immenses camps de tentes dans le désert aride du Negev, au milieu de nulle part, dans lesquels des dizaines de milliers d’immigrés seront emprisonnés pendant trois ans dans ce qui sera tout sauf des conditions humaines.
Dans la mesure où aucun pays étranger n’est prêt à les accueillir, ils resteront là probablement beaucoup plus longtemps. Pour l’instant, il n’y a ni eau, ni sanitaires, les femmes et les enfants (nés en Israël et parlant hébreu) seront logés séparément. En été, les températures peuvent facilement atteindre 40 °C. La vie dans les tentes sera un enfer.
Pour Yishai et ses collègues, les immigrés sont des « infiltrés », expulsion est traduit par « retour », les camps-prisons sont des « camps de résidence ». Pas des « camps de concentration », Dieu l’interdit !
Source : Menafn – Arab News (Middle East North Africa Financial Network) – traduction Afrique-Asie.