Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune a accordé ce samedi à la veille de la célébrations de la fête de l’indépendance une entrevue exclusive à la chaîne publique française France 24, au cours de laquelle il a évoqué les relations algéro-françaises, les développements en cours dans la région, notamment en Libye et au Maroc.
Dans cette entrevue, qui fera date, le président algérien Abdelmadjid Tebboune estime qu’il existe aujourd’hui une opportunité d’ « aller loin dans le règlement du problème de la mémoire » avec la France.
Après une période de turbulences entre les deux pays, suite à des campagnes de calomnie et de désinformation menées par certains médias français, notamment publics, contre l’Algérie, le président Tebboune vient de décider d’enterrer la hache. Il faut reconnaître que le président Emmanuel Macron avait déployé dans les coulisses des efforts d’apaisement méritoires, notamment au niveau de la mémoire, ce qui s’est traduit par le retour vers l’Algérie des crânes des héros de la guerre de libération nationale exposés dans le musée de l’Homme à Paris comme des butins de guerre. Un comportement barbare et indigne de la part d’un pays qui se targue d’être un « défenseur des droits de l’Homme » ! Cette initiative répondait à une exigence algérienne toujours affirmée mais jusqu’ici jamais satisfaite pour des raisons intérieures françaises. Le président Macron s’était illustré lors de sa campagne présidentielle en 2016 par sa déclaration assimilant la colonisation française à «un crime contre l’humanité». Il avait ajouté : « J’ai toujours condamné la colonisation comme un acte de barbarie… La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers qui nous avons commis ces gestes.»
La remise des crânes des martyrs algériens, à la veille de la célébration de l’indépendance s’inscrit dans cette logique mémorielle. Ce qui a fait dire au président algérien dans cet entretien qu’ « avec le président Macron », il existe une possibilité d’ « aller loin dans l’apaisement, dans le règlement du problème de la mémoire ». Pour le président de la République algérienne, son homologue français Emmanuel Macron s’est montré « honnête » et « propre » par rapport au passé colonial français.
Se félicitant notamment du retour de crânes de combattants algériens le président Abdelmadjid Tebboune espère d’autres gestes en ce sens. Après ce qu’il qualifie de « demi-excuses » de la France pour les crimes commis pendant la période coloniale, le chef de l’État algérien espère que Paris formulera de véritables excuses.
Au sujet du mouvement de contestation du Hirak, Abdelmadjid Tebboune annonce que d’autres libérations de prisonniers sont possibles. Selon lui, le pays se dirige vers un climat « beaucoup plus apaisé ». Le président espère pouvoir organiser un référendum sur une nouvelle Constitution qui mettra fin au régime présidentiel au mois de septembre.
Tout en affirmant que c’est à la justice de faire son travail, Abdelmadjid Tebboune laisse entendre qu’il n’est pas favorable à ce qu’Abdelaziz Bouteflika soit jugé. Il nie, par ailleurs, avoir été en faveur d’un cinquième mandat de l’ancien président.
Risque de « somalisation » de la Libye
Par ailleurs, et face aux bourbiers sahélien et libyen dans lesquels la France s’est embourbée, Macron a enfin compris l’importance des médiations et des expertises algériennes. Concernant le dossier libyen, Abdelmadjid Tebboune a affirmé que la situation dans le pays est comparable à celle de la Syrie, avec de multiples interventions étrangères. Il avertit que le risque est désormais que les tribus libyennes prennent les armes à leur tour, faisant craindre une « somalisation » de la Libye. Le pays pourrait devenir un « sanctuaire terroriste ».
L’Algérie est prête à accueillir une médiation entre Libyens, affirme-t-il, estimant que les efforts de la chancelière allemande ont échoué et que de nombreux acteurs du conflit y sont favorables.
Écouter l’intégralité de l’entrevue : https://www.youtube.com/watch?time_continue=10&v=bw4gjBmnDVk&feature=emb_logo