Le Kenya est-il loin de l’Afrique australe ? Une question qu’il faut bien se poser après la tuerie en septembre, dans un centre commercial à Nairobi. Au Mozambique et en Afrique du Sud, en Tanzanie et au Malawi, un peu partout dans le sous-continent se trouvent des groupes importants d’immigrés en provenance de Somalie, des Grands Lacs, d’Afrique occidentale – notamment du Nigeria et du Mali – ainsi que du Pakistan et de plusieurs pays où rayonnent le désespoir, les massacres et avec eux le fanatisme.
Pour la énième fois, le Kenya est une victime de ces maux. La Tanzanie aussi en a souffert il y a quelques années. À l’origine, des manipulations impérialistes – on peut croire cet adjectif désuet, mais c’est bien la réalité – ont semé les graines des violences. Le Somalien Siad Barre n’a-t-il pas été convaincu de déclencher une guerre contre l’Éthiopie, alors « coupable d’amitié avec l’URSS » ? Vaincue, la Somalie s’est désintégrée dans une multitude de tribus, clans et autres seigneurs de la guerre. Le fanatisme religieux a pris racine et a remplacé les idées du socialisme que Siad Barre avait quelque peu promu. Tous les efforts de l’Union africaine et des Nations unies ont jusqu’ici échoué à recréer un État en Somalie.
La leçon somalienne n’a point servi lorsque, pour des raisons similaires, l’Afghanistan a été attaqué par des groupes fanatiques soutenus par les États-Unis, qui ont ainsi contribué à créer l’embryon d’Al-Qaïda, au nom du combat contre un pouvoir « ami des Soviétiques ». Les bombardements de l’Irak, au nom de la démocratie, la destruction de la Libye sont autant d’exemples des politiques arrogantes et aventuristes qui alimentent la haine des victimes.
Les victimes innocentes sont vengées, et ce par tous les moyens. Y compris l’odieux terrorisme. Aujourd’hui, ce sont les drones et leurs attaques qui suscitent les représailles pour la mort de ceux qu’on appelle froidement les « victimes collatérales ».
L’islam existe depuis plus d’un millénaire au Mozambique, cinq siècles environ avant le christianisme. Jusqu’à une époque très récente, on n’y voyait pas de femmes voilées ou d’hommes avec des habits du Moyen-Orient. Jamais les filles n’allaient à l’école le visage caché. Des groupes forts minoritaires, mais très présents, l’exigent désormais.
Dans presque toutes les familles mozambicaines, il y a des membres de toutes les options religieuses. Ils se rassemblent lors de célébrations confessionnelles des uns et des autres, à Noël, à l’Aïd… Cette tolérance, cette communion a résisté aux tentatives colonialistes de discriminer les musulmans et les hindous. Il faut bien le dire, le Frelimo (le parti au pouvoir ayant mené la guerre de libération) a tout fait pour que les gens s’unissent au-delà des frontières de la foi.
Maintenant, le pays fait face à une invasion de chrétiens évangélistes débarqués des États-Unis et du Brésil, qui viennent apprendre aux gens comment prier en échange de dons en argent. De même, des fanatiques viennent du Pakistan et du Moyen-Orient pour jeter l’anathème sur les musulmans dont les femmes ne se couvrent pas la tête, les hommes ne s’habillent pas à la mode de là-bas et ne prient pas selon leurs règles.
En Afrique du Sud, les symptômes de ces interférences sont un fait quotidien. La Zambie post-Kaunda, peut être effrayée par les menaces du fanatisme religieux, avait essayé de limiter le rayonnement de l’islam, une attitude heureusement dépassée aujourd’hui. Au Malawi, feu Hastings Banda avait voulu interdire l’islam mais, là aussi, cela appartient au passé.
Aujourd’hui on est forcés de reconnaître que les tueries de gens innocents, les tentatives de fondamentalistes chrétiens aux États-Unis de brûler le Coran, ainsi que l’identification de l’islam avec le terrorisme continuent à nourrir des ressentiments et des volontés de revanche.
Une vigilance s’impose dans toute la région. Au Kenya, une citoyenne britannique blanche faisait apparemment partie du groupe d’extrémistes qui a attaqué le centre commercial. Cela démontre bien que le terrorisme n’a pas de couleur de peau, pas de frontière. D’ailleurs, le terrorisme n’est pas une invention récente ; les Croisades, l’Inquisition le nettoyage racial et religieux des Rois Catholiques d’Espagne, et même du Portugal, font partie intégrante de l’histoire du fanatisme et de la terreur contre des gens coupables d’être différents.
Il faut saluer sans hésiter le président iranien Hassan Rouhani pour sa condamnation publique de l’Holocauste et des génocides hitlériens. Cette prise de position, pour peu qu’Israël la comprenne et accepte le dialogue, peut aider à une détente dans ce Moyen-Orient, terre des trois confessions monothéistes et de tant de malheurs.
Espérons que les leçons de tolérance et de respect d’autrui puissent faire leur chemin et que ceux qui prient Dieu n’oublient pas que les textes sacrés enseignent, avant tout, l’amour.