Outre la direction de l’ANC, les délégués à la 54ème conférence ont élu les 80 membres du Comité national exécutif de l’organisation.
Ce vote était important compte tenu de la présence au bureau de l’organisation, le Top6, qui entoure le nouveau président Cyril Ramaphosa, de trois partisans de Jacob Zuma. Comme le Top6, le NEC est composé de partisans et d’adversaires de Cyril Ramaphosa, un symbole de l’unité retrouvée de l’ANC, pour certains, une source de polémique et de blocages pour d’autres. Cependant, les débats riches et parfois houleux, ont été conclus par des décisions attendues et qui semblent devoir être respectées par tous. L’attente d’un renouveau de l’organisation, après les années de régression sous le mandat de Jacob Zuma, était trop grande pour que le congrès se solde par un échec.
Dans son discours de clôture, Cyril Ramaphosa s’est dit confiant dans la réunification de l’organisation et dans la volonté de tous de travailler ensemble. « Vous avez insisté pour que les dirigeants de ce mouvement ne soient pas issus d’une faction plutôt que d’une autre », a-t-il déclaré faisant allusion au débat sur le vote par liste ou par candidat, cette modalité ayant été privilégiée, in fine, par les participants au congrès.
Soulignant « l’énorme importance et la signification particulière » de ce 54è congrès, le nouveau président de l’ANC en appel à la fin des conflits entre la direction de l’ANC et ses partenaires, notamment ses deux alliés de la Triple Alliance, la confédération COSATU et le Parti communiste (SACP) qui s’étaient, dans les derniers mois, clairement démarqués du président Jacob Zuma et que ce dernier n’a eu de cesse d’insulter, jusqu’à la tribune lors de son discours d’ouverture. Il en a, également, appelé à l’influente organisation des vétérans d’Umkhonto we Sizwe (la branche armée de l’ANC), divisée entre pro- et anti-Zuma.
Il a, également souligné, lançant une attaque voilée à son prédécesseur, que, sous son mandat, l’ANC serait « un parti d’action et non de mots ». « Ceux qui ont des responsabilités dans notre mouvement devraient toujours être une source de fierté et non d’embarras », a-t-il insisté, faisant référence à la corruption qui s’est développée dans l’organisation et, indirectement, à Jacob Zuma et son entourage. Corruption qu’il s’est engagé à combattre.
Cyril Ramaphosa a félicité le congrès et ses partisans pour avoir « démontré que l’ANC est une organisation vivante consciente des besoins du peuple et qui travaille avec acharnement pour mettre en place une politique et des programmes qui répondent à ces besoins », très clair, cependant, sur l’état de l’organisation. « Dans les derniers temps, nous avons vu le pire de l’ANC. Mais nous avons aperçu, aussi, ce qu’elle porte de mieux. Ces derniers jours, nous avons vu l’ANC que nous connaissons et que nous aimons ». Le congrès a démontré que l’ANC est déterminée à travailler avec une grande détermination à l’unification de ses membres et à reconstruire ses structures. Un congrès du renouveau, donc, un renouveau crucial dans la perspective des élections générales de 2019, qui devrait donner au parti au pouvoir les moyens d’arrêter l’hémorragie qu’il connaît depuis quelques années et la crédibilité perdue auprès du peuple sud-africain. « L’African National Congress souhaite envoyer un message clair à tous les Sud-Africains que nous somme décidés à être une direction et un mouvement plus sensibles et plus responsables. » Un message clair, également, en direction des élus à la direction, proches de Jacob Zuma de l’organisation, qui chercheraient à freiner son action.
Assumant les décisions des commissions réunies pendant le congrès, Cyril Ramaphosa a abordé la question sensible de la réforme agraire et des transformations radicales socio-économiques « qui préludent à la création d’emplois et à la redistribution équitable des revenus, des richesses et des biens ». La question de la redistribution des terres a fait l’objet d’un débat « dur et acharné » selon Enoch Godongwana, président de la commission sur la transformation économique. Au centre, le mécanisme de la réforme, avec deux propositions : l’expropriation sans compensation, argument de la campagne électorale de la concurrente malheureuse de Cyril Ramaphosa, Nkosazana Dlamini-Zuma, opposée à la procédure « acheteur volontaire-vendeur volontaire » inscrit dans les dispositions constitutionnelles, défendue par Cyril Ramaphosa. C’est la première option qui a dominé, in fine, avec, cependant des réserves. Le Conseil national exécutif (NEC) devra amender la Constitution dans ce sens, à condition qu’il n’y ait pas d’incidences négatives sur la production agricole, la sécurité alimentaire et les autres secteurs de l’économie, comme ce le fut au Zimbabwe voisin. Aucun délai n’a, en outre, été fixé pour l’amendement de la Constitution. La réforme agraire est une des raisons de la colère d’une partie de la population sud-africaine, une promesse de longue date jamais respectée, qui ne souffrira plus de délai.
Cyril Ramaphosa a, également, abordé la question des entreprises d’État « dont les structures de gouvernance ont besoin d’être réorganisées. « Qu’on parle de capture d’État ou simplement de corruption, c’est ce qui a sapé l’intégrité de nos institutions, coûté à notre économie des centaines de milliards de rands et contribué à un plus grand appauvrissement de notre peuple », a-t-il souligné en appelant à « agir contre la corruption, la collusion et autres crimes économiques fréquents dans les secteurs public et privé » ainsi que « dans (nos) rangs ». Il a insisté sur le rôle de la Commission d’Intégrité et son obligation d’enquêter « sans peur, favoritisme ou préjugé afin de restaurer l’intégrité de l’ANC et contribuer à cultiver et promouvoir une direction honnête ».
La nationalisation de la Banque centrale sud-africaine était, avec la réforme agraire, la plus importante question en débat. Le congrès a décidé de sa nationalisation. La Banque centrale créée en 1921 et est restée propriété de ses actionnaires privés, contrairement à la plupart des banques centrales dans le monde. Cependant, les actionnaires n’ont aucun contrôle sur la politique monétaire, de stabilité financière et les règles bancaires. Selon Enoch Godongwana, la nationalisation ne devrait pas affecter son indépendance.
Enfin, Cyril Ramaphosa a rendu un hommage rapide à Jacob Zuma, le remerciant pour la mise en place de la Commission nationale de planification (National Planning Commission) qui a élaboré le Plan national de développement « cadre du changement social et économique qui guidera (notre) pays pendant les nombreuses années à venir », et pour avoir étendu le programme antirétroviral ». Mais il est clair qu’il ne pourra plus échapper à la justice.
Le 13 janvier prochain, l’ANC célébrera le 106ème anniversaire de sa création et le 100ème anniversaire de Nelson Mandela. Une ANC apaisée, redynamisée qui semble avoir retrouvé ses fondamentaux et la perspective de regagner la confiance du peuple sud-africain.