Les effectifs totaux des armées des États-Unis dispersées dans le monde seraient aujourd’hui de près d’un demi-million de soldats, répartis dans plus de 1 150 bases militaires, y compris celles implantées en Afghanistan. Mais qu’en est-il des militaires déployés par les pays de l’Union européenne ?
La France
De source officielle (1), actuellement, plus de 23 000 soldats français interviendraient dans des opérations militaires à l’échelle du globe. Ces forces se répartissent en trois catégories : il y a, d’abord, celles dites « de souveraineté », dans des régions ultrapériphériques ou des territoires appartenant à la France ; il y a, ensuite, les « forces de présence », qui sont positionnées de manière stratégique en Afrique, dans des régions maritimes de l’océan Indien et de l’océan Pacifique et, depuis peu, dans la péninsule arabique ; il y a, enfin, les « opérations extérieures », qui sont effectuées à titre national – concentrées, pour l’essentiel, sur le continent africain – ou multinational, s’étendant à presque toutes les régions du monde.
Ainsi, de façon plus précise, 2 000 militaires français relevant des « forces de souveraineté » sont stationnés en Guyane (l’armée de terre à Cayenne, Saint-Jean-du-Maroni, Saint-Georges, Régina et, bien évidemment, Kourou, l’armée de l’air à Rochambeau et la marine à Dégrad des Cannes) ; 2 000 autres sont positionnés à la Réunion (avec un régiment de parachutistes) ou à Mayotte (dont un détachement de la Légion étrangère, ainsi que la Gendarmerie pour la surveillance maritime) ; 1 600 sont basés en Nouvelle-Calédonie (notamment à La Tontouta, la pointe Chaleix, Plum, Nandaï, Gally-Passebosc…), autant aux Antilles (Fort-de-France et Lamentin, entre autres), et 1 500 sont en Polynésie. Soit un sous-total de 8 735 soldats.
Pour ce qui est des forces de présence, c’est à Djibouti que sont positionnées les troupes les plus nombreuses, avec 2 900 hommes. Les militaires français étaient encore, à la date du 1er août 2010, 1 150 au Sénégal. Ils sont 810 au Gabon et, depuis 2009, environ 180 dans la nouvelle base française installée aux Émirats arabes unis. Cinq cents soldats supplémentaires sont déployés dans la zone maritime de l’océan Indien, et 180 dans celle de l’océan Pacifique, ce qui porte le sous-total à 5 720.
Les « opérations extérieures à titre national » mobilisent quant à elles près de 2 500 soldats français, dont 950 dans le cadre de l’opération Épervier au Tchad, 900 en Côte d’Ivoire (opération Licorne), plus 280 autres dans le golfe de Guinée (Corymbe), 240 en République centrafricaine (Boali/Fomuc), et encore 70 hommes chargés des actions de lutte contre la piraterie, disséminés au large de la Somalie notamment.
La France met aussi 6 300 de ces soldats à la disposition des « opérations extérieures multinationales », envoyés principalement en Asie centrale (pour 3 750 d’entre eux), au Liban (1 450 dans la Finul), en ex-Yougoslavie (presque 800) et au Kosovo (765 autres), ainsi qu’en Bosnie et dans le reste des Balkans. Deux cents militaires sont incorporés aux opérations de lutte contre la piraterie (Atalante), une soixantaine sont présents en Haïti, une dizaine intégrés dans les forces de l’Onuci en Côte d’Ivoire, auxquels s’ajoutent finalement quelques dizaines d’autres, laissés en réserves et mobiles pour d’autres opérations dans le monde.
Le Royaume-Uni
Le pays d’Europe qui dispose du réseau d’installations – couvrant la quasi-totalité du monde – le plus étroitement intégré au dispositif militaire étasunien reste pourtant le Royaume-Uni. Les permanent joint operating bases britanniques sont localisées à des points d’importance stratégique : aux extrémités occidentale et orientale de la mer Méditerranée (Gibraltar et Chypre), dans l’Atlantique Sud à proximité du détroit de Magellan (avec les îles Falkland) et au milieu de l’océan Indien (à Diego Garcia). Ce vaste réseau est complété par la base de la Royal Air Force construite sur l’île Ascension, dans l’Atlantique, et par les installations situées à Singapour et mises à disposition des forces britanniques et de leurs alliés.
L’implantation militaire du Royaume-Uni à Chypre est de loin la plus nombreuse, avec un effectif approchant les 3 000 soldats stationnés de façon permanente, sur un total de 7 500 concernés par des missions, auxquels il convient d’ajouter 7 000 agents locaux. Elle est divisée en deux secteurs : la Western Sovereign Base Area comprend le cantonnement d’Episkopi et la base aérienne d’Akrotiri, tandis que l’Eastern Sovereign Base Area est installée à Dhekelia et Ayios Nikolaos. La Royal Navy est pour sa part présente au large des côtés chypriotes.
La position du British Indian Ocean Territory de Diego Garcia (2) est d’une telle importance stratégique – en assurant un accès aux divers théâtres d’opération, en Asie notamment – que l’utilisation de ses installations a été cédée par le Royaume-Uni à l’US Air Force dès 1966. Aujourd’hui, ces infrastructures militaires comprennent même un terrain d’atterrissage pour navettes spatiales, ainsi qu’une station d’écoute relais intégrée au Global Positioning System (GPS). Le personnel militaire présent (dans l’Est) des îles Falkland varie, selon le mois de l’année, entre 350 et 1 200 soldats. Les installations y sont relativement modernes, avec en particulier une base aérienne à Mount Pleasant et le port en eau profonde de Mare Harbour.
Près de 350 soldats sont aussi présents à Gibraltar, répartis entre une base aérienne et un port militaire très fréquemment utilisé comme poste de ravitaillement pour les forces armées transitant par la Méditerranée vers le canal de Suez ou descendant vers l’Atlantique Sud (3).
Et les autres…
Sans disposer de réseaux d’ampleur comparable à ceux du Royaume-Uni ou de la France, plusieurs autres pays européens offrent aussi aux États-Unis et à l’Otan des points d’appui, grâce aux différents territoires d’outre-mer ou régions ultrapériphériques qui dépendent d’eux, comme le Portugal (par les Açores et Madère dans l’Atlantique), l’Espagne (avec les îles Canaries le long des côtes marocaines ou, à l’entrée du détroit de Gibraltar, les enclaves de Ceuta et Melilla), l’Italie (jusqu’aux îles Pélages, dont Lampedusa, entre Malte et la Tunisie), la Grèce (base de Souda Bay en Crète, notamment), le Danemark (grâce au territoire du Groenland) ou encore les Pays-Bas, qui possèdent plusieurs dépendances caribéennes, dont Aruba, Curaçao et les autres ensembles insulaires des Antilles néerlandaises que sont Bonaire, Saba, Saint-Eustache et la partie méridionale de Saint-Martin, barrant la mer des Caraïbes du nord des côtes vénézuéliennes jusqu’à l’est de Porto Rico.
Mais, au fait, une question surgit : tant d’années après les grandes vagues des décolonisations et libérations nationales, toute cette présence militaire européenne à travers le monde, c’est pour quoi faire exactement ? N’est-il pas enfin venu le temps d’ouvrir, en Europe, un débat véritablement démocratique sur les raisons profondes d’un tel déploiement de forces ?
(1) Les données disponibles sont fournies par l’état-major des armées (CPCO) et le ministère de la Défense et des Anciens Combattants. Voir en particulier l’Annuaire statistique de la défense (Direction des Affaires financières).
(2) Best, C. et D. Vine (2009), Island of Shame : The Secret History of the U.S. Military Base on Diego Garcia, Princeton University Press, Princeton.
(3) European Parliament (2009), The Status and Location of the Military Installations of the Member States of the European Union and their Potential Role for the European Security and Defence Policy, Briefing Paper, Policy Department External Policies, Directorate General External Policies of the Union, février, Bruxelles.