Après Trump face à l’Europe, le journaliste Jean-Loup Izambert revient avec un nouveau livre, 56, en deux tomes dont je vous propose de découvrir le premier. L’auteur n’y va pas par quatre chemins et donne le ton en quatrième de couverture. « Dirigeants politiques et hauts fonctionnaires à la tête de l’État français, ils soutiennent des criminels et des terroristes. Hier ils ont protégé certains d’entre eux des recherches d’Interpol, aujourd’hui ils en soutiennent d’autres pour renverser le gouvernement syrien ».
Ce livre est une mise en accusation de l’État français dans cette guerre en Syrie. Il articule des retours historiques avec des notes d’informations et des documents officiels d’Interpol pour étayer son argumentaire. L’auteur montre comment notre État cultive littéralement des souches islamistes pour en envoyer les fruits empoisonnés au Moyen-Orient déstabiliser les pays du monde arabe qui ne sont pas alignés sur l’atlantisme revendiqué par certaines élites parisiennes. On retrouve par exemple des informations historiques étonnantes comme des camps d’entraînement en France, organisés déjà par les nazis avec les Frères musulmans pour lutter contre les partisans en Yougoslavie. Un journaliste allemand a été condamné récemment à six mois de prison pour avoir publié la photo d’Hitler avec le grand mufti de Jérusalem – comme quoi la vérité est toujours aussi mal venue quand elle gêne les puissants.
Jean-Loup Izambert nous fait voyager à travers toute l’Europe et le Moyen-Orient à la poursuite d’une incroyable liste d’acteurs de l’ombre à cheval entre religion, grand banditisme et terrorisme politique. Il explique à chaque fois le parcours de l’individu, ses liens avec la mouvance islamiste, ses contacts avec les États, notamment la France où des terroristes seront reçus à l’Élysée par François Hollande ou encore à l’Assemblée nationale, en toute décontraction.
L’élément le plus caricatural est sans doute ce fameux Observatoire syrien pour les droits de l’homme où quelques personnes, dont un certain Ali Suleiman alias Rami Abdel Rahmane, en Angleterre, soutenu par le MI6 qui prétend donner la vérité depuis un bureau à Londres sur la situation très complexe en Syrie, le tout repris complaisamment par l’AFP ou Reuters.
On peut voir aussi apparaître tous les États impliqués dans cette guerre, la Turquie, l’Arabie saoudite, les USA, la Russie, Israël et tant d’autres sans compter les tribus locales, les Kurdes, des querelles de personnes, des réseaux mafieux, l’histoire du panarabisme, l’ombre de la guerre des Six jours.
Les dernières années du conflit ont montré un virage notable avec la livraison d’armes aux djihadistes en ligne quasi directe du « Camp du Bien », notamment de la France, au mépris total du droit international. Il faudra beaucoup de temps et de patience pour reconstruire le droit international si tant est qu’on puisse le faire tant le concept de guerre éternelle semble devenue la norme dans certains milieux.
C’est un livre extrêmement riche en noms, en détails opérationnels, en descriptions de réseaux. Pour ceux qui suivent la situation d’un peu loin, vous y trouverez beaucoup d’informations pour vous convaincre de la réalité de ce qui se passe dans l’ombre. La simple énonciation de ces détails dans les médias de masse suffirait à ébranler l’État français, on comprend que l’accès à ces médias soit verrouillé à double tour.
INTERVIEW DE JEAN-LOUP IZAMBERT DU 20 SEPTEMBRE 2017
https://lesakerfrancophone.fr/jean-loup-izambert-56-12
Bonjour Mr Izambert. On vous connaît sur notre site avec la présentation de votre précédent ouvrage, Trump face à l’Europe. Comment ce livre 56 est-il lié au précédent ?
Jean-Loup Izambert : J’ai écrit Trump face à l’Europe entre les deux tomes de 56 et ces trois ouvrages sont liés. L’actualité, avec l’élection de Donald Trump, m’y a poussé. Il était nécessaire de rappeler la réalité de la politique étasunienne contre l’Europe comme la nature du pouvoir politique de Washington. Trump face à l’Europe traite des guerres menées par « le pays de la guerre » contre l’Europe pour empêcher le versant Ouest de la petite Union dite « européenne » de retrouver son grand espace, son cœur, sa pleine puissance continentale. Depuis 1990, les dirigeants étasuniens ont la hantise de voir l’Europe occidentale et centrale développer leurs liens naturels, géographiques, historiques, culturels, politiques, économiques avec la première puissance en devenir de notre continent qu’est la Fédération de Russie.
C’est la raison pour laquelle ils mènent de front plusieurs guerres – économique, financière, médiatique, diplomatique, militaire – contre les principaux pays d’Europe, de Paris à Moscou, de Stockholm à Athènes. Les flux migratoires qu’ils ont favorisés en ouvrant par la guerre deux corridors de déportation de populations, la « filière Méditerranée » au sud suite à la guerre contre la Libye, la « filière des Balkans » à l’est par le Kosovo avec la guerre contre la Syrie, participent à la déstabilisation des principaux pays de la petite Union « européenne ». Les dirigeants atlantistes au pouvoir en France non seulement s’alignent sur cette politique destructrice mais y contribuent politiquement, économiquement, diplomatiquement et militairement. À cette fin, les dirigeants de ces pays instrumentalisent également des groupes terroristes pour détruire les États qui s’opposent au pillage de leurs richesses. Les deux tomes de 56 traitent plus particulièrement du rôle joué par des dirigeants français, tantôt pour protéger, tantôt pour soutenir des organisations criminelles.
C’est un processus en cours depuis les années quatre-vingt dix que je qualifie d’« amitiés franco-terroristes ». Bien évidemment, vous y retrouvez la présence des dirigeants de Washington, pliés de rire de voir leurs homologues français faire le « sale boulot » à leur place. Pour s’approprier de « nouveaux territoires économiques », les sociétés transnationales ont besoin de l’intervention de l’État, avec leur armée en dernier recours si nécessaire, afin d’abattre les gouvernements qui entravent leur pillage. Bien entendu, dans ce système économique qui ne repose que sur l’accumulation de profits par la caste mondiale des ultra-riches, elles se livrent entre elles à d’autres guerres afin de se disputer la plus belle part du « gâteau » pour lequel elles sont en concurrence. Je décris ce processus dans Trump face à l’Europe avec plusieurs témoignages et exemples. Dans les deux tomes de 56 je m’arrête plus particulièrement sur l’instrumentalisation du terrorisme par des dirigeants français.
Vous liez le réseau des Frères musulmans dans les années 1990 à une forme de pillage via un néocolonialisme ? Est-ce que cette notion de pillage ne sur-détermine pas l’histoire des implications occidentales au Moyen-Orient depuis le XIXe siècle.
Oui, les dirigeants des Frères musulmans ouvrent les portes du monde arabe au pillage des sociétés transnationales occidentales. Pour comprendre comment et pourquoi, il faut s’arrêter sur l’historique du développement de leurs réseaux, y compris en Europe. Sans entrer ici dans les détails comme l’ont fait différents chercheurs et historiens arabisants tels Olivier Carré et Gérard Michaud dans leur ouvrage Les Frères musulmans (Editions Gallimard) ou le journaliste Ian Johnson avec son investigation Une mosquée à Munich (Editions JC Lattès), qui sont ces Frères musulmans qui se prétendent « au service de l’Islam » ?
Leurs premières organisations ont vu le jour à partir de l’Égypte où est né leur mouvement en 1928 pour lutter contre le colonialisme anglais, les répressions et la misère. Agissant sous la bannière de la religion musulmane, ils vont progressivement s’implanter dans tous les pays arabes. Mais, ils vont très vite devenir une organisation politique qui, forte de son influence dans les couches les plus pauvres de la société, va d’abord composer et louvoyer avec les bourgeoisies nationales puis, plus tard, tenter de s’emparer du pouvoir par la force pour imposer leur dictature religieuse. Dès 1929, les premiers dons qu’ils reçoivent en Égypte viennent de la Compagnie du Canal par laquelle les Anglais contrôlent le canal de Suez. Par la suite, nombre de leurs principaux dirigeants, exceptions faite de certains d’entre eux comme le Syrien Issam al-Attar, se mettront toujours au service des impérialistes.
Mais ce sont les années 1945-1950 qui commenceront de mettre à jour la duplicité des dirigeants des Frères musulmans. Publiquement, ils appellent les masses à se révolter contre l’injustice et l’occupant étranger, dans la coulisse ils pactisent avec les bourgeoisies des puissances impérialistes contre les peuples arabes. Cette condamnation des traîtres à la « nation arabe » ne doit pas nous faire oublier que des musulmans comme le Tatar Mirsaid Sultan Galiev ont été des révolutionnaires dont la pensée continue de faire débat près de quatre-vingt ans après leur mort. N’oublions pas non plus que communistes et musulmans manifestaient ensemble dans les années 1920 puis, plus tard, en 1948 en Égypte, face au parti Wafd, contre la gouvernement et les Anglais.
Entre temps, lors de la Seconde Guerre mondiale ils collaboreront avec les Allemands. Leur premier grand recrutement, organisé par les Frères, se fera avec les nazis pour former une division SS de vingt et un mille soldats musulmans venus de plusieurs pays arabes et des Balkans encadrée par des mollahs et des imams, la division Waffen SS Handschar. Regroupée en France dans le Massif central dans un premier temps, elle sera répartie sur les départements du Puy-de-Dôme, du Cantal, de la Haute-Loire, de l’Aveyron, de la Lozère et de la Corrèze où ses combattants seront entrainés. Puis elle sera ensuite exportée sur les Balkans où elle se livrera à des crimes de masse et tentera, sans succès, de venir à bout de la résistance communiste. À la fin de la guerre, refusant de coopérer avec les autres forces sociales engagées dans la lutte anti-impérialiste et révolutionnaire, la plupart des dirigeants des Frères musulmans se mettront au service de la CIA contre l’influence grandissante des mouvements communistes et nationalistes arabes.
Instrumentalisant leurs dirigeants, les services étasuniens les conduiront à s’opposer aux forces révolutionnaires de peur qu’un front commun avec celles-ci ne les chasse des pays dont ils convoitent les richesses. C’est la période de leur implantation en Europe à partir de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la Suisse. Le second grand recrutement sera celui opéré dès la première guerre d’Afghanistan, de 1979 à 1992, pour mettre des troupes de dizaines de milliers de combattants au service des occidentaux afin d’abattre la République démocratique d’Afghanistan. Un troisième recrutement sur plusieurs pays arabes aura lieu à la fin des années 1980, essentiellement avec le soutien de l’Arabie saoudite, pour mettre des groupes de combattants à disposition des milices politico-mafieuses de l’UCK. Il s’agit alors, avec le soutien de la CIA et de l’OTAN, d’éclater la République fédérative socialiste de Yougoslavie en plusieurs États. Le quatrième grand recrutement sera celui opéré en 2010-2011 pour former des brigades de mercenaires afin de renverser le gouvernement libyen, puis le gouvernement syrien. Les services étasuniens, anglais, français, turcs, jordaniens seront, avec ceux des dictatures du golfe Persique, les principaux acteurs de ces deux guerres d’agression. Depuis les années 1940, à qui ont profité toutes ces guerres dans lesquelles ils jouent à la fois le rôle de recruteurs et de martyrs en répandant la terreur et la mort ? Certainement pas aux peuples mais aux anciennes puissances coloniales et à leurs sociétés transnationales. Partout où vous avez eu les Frères musulmans au pouvoir dans des pays du Proche-Orient, même peu de temps comme en Tunisie ou en Égypte, les peuples ont rapidement régressé, la misère déjà grande s’est encore accrue tandis que les sociétés transnationales occidentales se sont enrichies et que les bases militaires US se sont implantées.
Faut-il parler de pillage ou peut-on aussi parler de capitalisme et du fait « que la terre (les ressources) appartient à qui en tire le meilleur rendement » comme le dit justement Hervé Juvin dans son livre « La grande séparation » ?
Ce pillage est le résultat de décisions planifiées par les directoires des sociétés transnationales occidentales pour s’approprier ce qu’elles appellent de « nouveaux territoires économiques ». Elles ont besoin à cette fin de l’intervention de l’État qui peut aller d’actions diplomatiques à la guerre en passant par des sanctions économiques et financières et autres opérations de déstabilisation. Je traite de ces plans préparés longtemps à l’avance dans Trump face à l’Europe avec les témoignages de plusieurs intervenants, notamment celui de John Perkins qui fut l’un des ces « assassins financiers » au service de transnationales étasuniennes ou de celui du professeur Michel Chossudovsky directeur du Centre de recherche sur la mondialisation (www.mondialisation.ca). « Le meilleur rendement », mais comment et au profit de qui ? Pour les grands propriétaires privés de la finance et de l’économie, « le meilleur rendement » est le seul rendement financier, celui qui leur permet d’assurer leur enrichissement colossal et de préserver leur système et leurs privilèges. Peu importe les conséquences de leur course effrénée au profit maximum immédiat, qu’elles soient humaines, environnementales ou autres. Il leur faut détruire systématiquement toutes les structures étatiques qui s’opposent à leurs pillages.
A l’opposé, dans une société socialiste, « le meilleur rendement » est celui qui permet l’exploitation des ressources de la planète, la mobilisation des intelligences, du potentiel créatif, du Capital au service de l’intérêt général. Le critère financier n’est plus le seul à être pris en considération et la satisfaction des besoins du peuple, de l’intérêt général, l’emporte sur celui des intérêts privés des grands possédants. Cela suppose la démocratie politique directe et la démocratie économique, en premier lieu dans la gestion des entreprises financières, des banques, des grands moyens de production et d’échange. Cette démocratie ne peut être réalisée que par des peuples conscients des objectifs politiques à réaliser pour décider de l’utilisation des richesses et être ainsi maîtres de leur avenir.
Deux exemples si vous voulez bien, qui illustrent, l’un qu’il est possible pour un État seul de s’opposer à ce pillage et de se développer au profit de l’intérêt général, l’autre qui pose la question essentielle de la conscience politique nécessaire pour sortir de la crise capitaliste : Cuba, pays qui subit le blocus des États-Unis depuis février 1962 est aujourd’hui un exemple mondial en matière de santé publique. Non seulement la médecine y est pratiquement gratuite – y compris des traitements lourds comme ceux pour lutter contre le cancer ou le SIDA – mais depuis sa première promotion en 2005 la nouvelle école latino-américaine de médecine de La Havane a formé plus de quinze mille médecins d’une trentaine de pays, y compris des États-Unis. Ceux-ci travaillent aujourd’hui dans quatre-vingt pays. Cuba compte aujourd’hui 7 médecins pour 1000 habitants quand la France n’en a plus que 3 ! De même, les chercheurs cubains sont à l’avant-garde dans le traitement de nombreuses maladies. Par exemple, ils viennent de mettre au point le premier vaccin contre le cancer du poumon. Comment et pourquoi cela a-t-il été possible dans un petit État sans grandes ressources qui subit l’un des plus longs et durs blocus imposé à un peuple par les impérialistes ? Parce que le gouvernement révolutionnaire cubain accorde la priorité à l’éducation, à la santé et à la recherche scientifique. Il a fait de la santé une question nationale en développant, non pas la privatisation des structures de la santé au profit de transnationales de l’industrie pharmaceutique et autres, mais les centres de santé publique dans tous les secteurs d’activité, de la médecine de prévention à la recherche.
Deuxième exemple, à l’opposé de celui-ci : lors de la campagne des élections présidentielles française, exception faite de l’UPR, aucun des candidats n’a fait de proposition concrète, nécessaire et suffisante pour que la France retrouve totalement le contrôle de sa stabilité monétaire et financière. Aucun parti n’a abordé concrètement la question de la place de la banque et de la finance dans la société, la question de la restructuration du secteur bancaire et de sa gestion. Or, prétendre vouloir changer les choses comme l’ont déclaré Monsieur Mélenchon, Madame Le Pen et les candidats des autres partis sans traiter réellement et à fond de ces questions, c’est tromper le peuple ; c’est le conduire dans l’impasse comme l’a fait le mouvement Syriza et le gouvernement Tsipras en Grèce. Il s’agit là d’une question primordiale qui doit faire l’objet d’un vaste débat national, non seulement pour les secteurs bancaire et financier mais pour tous les secteurs clés de l’économie. Avez-vous vu des partis politiques ou des centrales syndicales mener campagne sur cette question ? Ne pas les aborder revient à mettre le peuple dans la situation d’une ménagère qui irait faire ses courses sans son porte-monnaie. Une fois seulement cette question débattue et les propositions politiques indispensables pour rompre avec le système élaborées et soutenues par un vaste mouvement majoritaire à la conscience civique, le « meilleur rendement » peut être réalisé, non plus au profit d’une minorité d’accapareurs mais de l’intérêt général du peuple. Là, est la grande séparation. Tout le reste n’est que discours qui ignore l’essentiel.
Pour en revenir au livre, et sans dévoiler le tome 2, à qui profite ce double jeu au plus haut sommet de l’État français ?
Ce jeu profite comme je l’ai dit aux grands propriétaires privés de la finance et de l’économie. Les individus placés à la tête de l’État sont, pour la plupart, tous issus des mêmes écoles dans lesquelles ils ont été formatés pour assurer la continuité du système. Ce sont, pour reprendre l’expression d’Hervé Sérieyx, universitaire, ancien haut fonctionnaire, dirigeant d’entreprise et chercheur en organisation d’entreprise, dans son très bon essai « Alerte sur notre contrat social » (Editions Eyrolles), des « compteurs de petits pois », des esprits qui se ferment accrochés aux institutions et aux idées d’hier dans un monde qui s’ouvre, innovant et interactif. Dans son ouvrage sur « Le nouveau capitalisme criminel », paru aux éditions Odile Jacob, Jean-François Gayraud, haut fonctionnaire de la police nationale, décrit cette hybridation entre les cercles financiers et l’appareil d’État : « Il s’agit, analyse-t-il, d’un capitalisme de connivence, aux pratiques quasi mafieuses, régi par une supra-classe qui s’accommode parfaitement d’une démocratie de basse intensité : votez pour qui vous voudrez, cela est indifférent, puisqu’au final, c’est le marché et non le Parlement qui décide. L’aristocratie financière aux commandes est servie à la fois par une classe politique aux ordres, constituée de débiteurs, et par un nouveau clergé, non plus catholique, mais médiatique, disant le bien et le mal et lui conférant sa légitimité. »
Des zones de non-droit se sont ainsi installées au plus haut sommet de l’État. Et, plus la crise capitaliste s’aggrave, plus le pouvoir politique se criminalise. Il se criminalise financièrement sous la pression des groupes financiers et des réseaux des anciens des grandes écoles qui, par opportunisme carriériste, frayent avec les milieux du grand patronat financier et leurs exécutants politiques. Ce n’est pas, contrairement à son discours, pour rétablir l’autorité de l’État que l’ancien président Sarkozy a voulu dépénaliser le droit des affaires mais bien pour laisser un peu plus les mains libres au clan des grands propriétaires privés de la finance et de l’économie. Toutes les mesures qui ont été prises par les différents gouvernements et le sont aujourd’hui par le gouvernement Philippe – destruction du Code du travail, quasi-suppression de l’impôt sur la fortune, démembrement des territoires de la République, subventions d’État annuelles moyennes de plus de 140 milliards d’euros et exonérations fiscales aux plus importantes sociétés transnationales capitalistes, aggravation des conditions de vie des retraités, etc. – tendent au même objectif : protéger le clan des ultra-riches auquel ils sont redevables de leur mise en scène et de leur pouvoir. Mais le régime se criminalise aussi politiquement. Il ne s’agit pas seulement d’affaires qui surgissent ici et là au gré de la criminalisation financière du pouvoir politique mais d’un processus continu qui monte en puissance jusqu’à gangréner l’appareil d’État.
Les « amitiés franco-terroristes » ne sont pas les relations d’un soir de quelques politiciens véreux avec quelques criminels pour favoriser des intérêts particuliers. C’est le développement de relations suivies, sur le long terme, entre des dirigeants politiques français, tous liés, comme par hasard, au milieu atlantiste, avec des organisations criminelles dont plusieurs membres ont été ou sont impliqués dans des organisations terroristes. Il faut bien comprendre que le terrorisme n’est que l’outil du système politique pour assurer sa survie alors qu’il est en voie d’implosion. C’est la raison pour laquelle il faut identifier et désigner ceux qui sont derrière les tueurs. À la lecture des deux tomes de 56 dans lesquels je publie divers documents, les lecteurs pourront se faire une idée de l’hypocrisie de certains politiciens français. Voir, par exemple, Monsieur Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Philippe, se rendre à Barcelone, au mois d’août 2017, pour pleurer sur les victimes d’attentats et appeler à lutter contre le terrorisme est une vraie mascarade. Ce ministre n’a-t-il pas lui-même, sur ordre de l’ancien président Hollande, fait organiser des livraisons de matériel militaire et d’armes dans la plus complète illégalité, en bafouant notamment le Traité international sur le commerce des armes (TCA) et la Position commune européenne, au profit de groupes irréguliers et criminels de la même idéologie théocratique que les auteurs de ces attentats ?
Comment obtient-on des fiches Interpol ? N’êtes-vous pas une forme de boîte au lettre pour dévoiler ce que certains, intégrés dans les plus hautes instances de l’État, ne peuvent pas dire publiquement ?
Je n’ai pas vocation à être la boîte aux lettres de quiconque. Je produis en fin des deux tomes de 56 quelques uns des nombreux documents collectés au fil des mes enquêtes sur les « amitiés franco-terroristes ». Effectivement, j’ai constaté, au fil des ces années d’enquêtes, une évolution dans les milieux policier, du renseignement, de la justice, de la diplomatie, et pas seulement en France. De plus en plus de fonctionnaires, parfois très proches du pouvoir politique, sont en désaccord complet avec les décisions de leurs hiérarchies. Certains d’entre eux estiment aujourd’hui que la mission dans laquelle ils se sont engagés par vocation n’a plus rien à voir avec les ordres qu’ils reçoivent. Des fonctionnaires qui ont choisi de défendre leur pays n’acceptent plus d’exécuter des ordres contraires à leur mission, par exemple d’acheminer du matériel militaire et des armes à destination de groupes dont elles connaissent les ramifications avec des réseaux terroristes. Ils ont conscience que ces jeux dangereux ordonnés par des politiciens sans scrupules peuvent avoir de terribles conséquences. Les attentats qui se produisent actuellement en Europe en sont une illustration. Ce qui est nouveau, depuis quelques années, c’est qu’ils ne veulent plus laisser faire sans réagir d’une manière ou d’une autre.
Étant tenus à un devoir de réserve, certains confient parfois des informations, des pistes de recherche ou favorisent des contacts qui permettent de pousser plus loin l’investigation, de compléter ou vérifier des informations par différentes sources. C’est un fait très important car il faut souvent de longues semaines, voire parfois des mois pour vérifier l’exactitude de faits qui se passent parfois à des milliers de kilomètres. J’exerce mon métier depuis près de quarante-cinq années, suis connu et ne publierai jamais aucun document sans avoir procédé à sa vérification. Je pense que le respect de la parole donnée au fil des années a aussi favorisé des contacts de qualité que j’ai pu établir par des fonctionnaires ou des personnes proches des centres de décision et je les remercie de leur confiance. J’ai reçu quelques documents de manière anonyme, apparemment très intéressants, mais n’ai utilisé aucun d’eux n’ayant pu encore vérifier ni l’exactitude de leur source, ni la réalité des faits qu’ils contenaient. Pour ce qui est des notices rouges d’Interpol que je publie concernant des Frères musulmans recherchés un temps par l’Organisation internationale de la police criminelle et protégés par des dirigeants français, toutes ont été vérifiées.
Par ailleurs, j’ai complété ces données par de nouvelles enquêtes que j’ai menées, y compris à l’étranger, ce qui m’a permis de remonter certaines filières de leurs réseaux. À elle seule, la banque des Frères musulmans et sa nébuleuse dans laquelle se niche une multitude de sociétés implantées en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et dans les places offshore est une véritable pieuvre aux multiples ramifications où se mêlent institutions caritatives et bancaires. Mais sachez également qu’Interpol dispose aujourd’hui d’un site Internet (www.interpol.com) par lequel il est possible de vérifier des informations et même de rechercher des individus impliqués dans différents crimes, de la pédophilie au terrorisme en passant par toutes sortes de crimes.
Face à la propagande caricaturale à l’Ouest et en France en particulier, n’y a-t-il pas un risque pour nous de tomber dans une forme de contre propagande aussi manichéenne que l’autre ? Le père du président actuel avait mis en place une police politique assez féroce.
Il faut être d’autant plus vigilant que des politiciens et certains journalistes peu soucieux de la réalité des faits refont parfois l’histoire à leur manière. Par exemple, certains d’entre eux présentent la répression de Hama en février 1982 comme un crime du gouvernement syrien. Ceux-ci oublient juste de dire l’essentiel, à savoir ce qui a provoqué cette réaction du gouvernement de l’époque : depuis l’attentat que les Frères musulmans ont organisé contre l’école d’artillerie d’Alep en juin 1979, attentat dans lequel 83 élèves trouvèrent la mort, les Frères musulmans n’ont eu de cesse de répandre la terreur dans le pays à coups de bombes. Ils ont tenté à plusieurs reprises d’assassiner le président Hafez el-Assad, multiplié les attentats sauvages dans toutes les grandes villes de Syrie, appelé à l’insurrection depuis les mosquées qu’ils contrôlaient, attaqué les établissements publics, les coopératives de consommation, des écoles et, d’une manière générale, s’en sont pris à tous les symboles de la république laïque. Mais qu’ont-ils fait d’autre dans tous les pays du Maghreb ? Qu’ont-ils fait d’autre à nouveau en République arabe syrienne, cette fois avec le soutien actif des États-Unis, de l’Angleterre et de la France ? Il est particulièrement grave de voir des dirigeants français apporter depuis des années un soutien continu à de tels groupes assassins par une véritable propagande de guerre, du matériel de guerre et des armes. Pour justifier leur engagement auprès de ces tueurs en série, les dirigeants français ont recouru aux pires mensonges : tantôt « Bachar faisait tirer sur le peuple par son armée », « le régime syrien » était présenté comme « une dictature sanglante », tantôt « les élections en Syrie ne sont pas valables » ou encore « l’armée syrienne utilise des armes chimiques ».
Mais, vous remarquerez que pratiquement personne en France, exception faite de quelques rares journalistes et spécialistes du Proche-Orient, n’a rendu compte de la réalité de la société syrienne ni des vrais responsables des massacres que sont les Frères musulmans au-travers d’organisations qu’ils contrôlent en sous-main. Comme vous avez pu le lire dans le document d’un service de renseignement, depuis les années quatre-vingt dix ceux-ci ont recouru au même plan pour tenter de s’emparer du pouvoir. Savez-vous, par exemple, que l’Armée syrienne libre (ASL) est une organisation armée qui a été constituée par des Frères musulmans infiltrés dans les rangs de l’armée ? Cette structure armée massivement par plusieurs pays, dont la France, est à l’origine du conflit qui a ensanglanté la Syrie, dés 2011, par des actions criminelles. Pour déclencher leur nouvelle guerre, ils ont envoyé des snipers embusqués tirer sur la population et sur les forces de l’ordre lors de manifestations pacifiques pour se présenter ensuite comme les martyrs victimes d’une « dictature sanglante ». Ils ne faisaient que suivre le mot d’ordre de Rached Ghannouchi, le dirigeant des Frères musulmans tunisiens, qui, dans des cassettes audio appelant à la violence dans les années quatre-vingt dix, se réjouissait du nombre de victimes tombées dans leurs provocations : « Nous nous réjouissons du grand nombre de victimes et de martyrs… (…) Nous considérons de bon augure l’accroissement du nombre des victimes et des martyrs. Nous voulons des martyrs. » Je produis des extraits de ces documents dans 56.
Puis cette organisation fut au cœur de la nouvelle tentative de coup d’État de juillet 2012 préparée par plusieurs services, dont la DGSE, qui échoua. Les médias français n’en parlent pas mais des milliers de combattants emmenés par camions jusque dans la banlieue de Damas durent battre en retraite devant la détermination, non seulement de l’armée syrienne mais également de la population organisée en Comités de défense populaires, qui les délogèrent quartier par quartier, faubourg par faubourg. Or, l’ASL n’est rien d’autre que la copie conforme de l’Armée pour la libération de la Syrie (ALS) qui fut, elle aussi, organisée par les Frères musulmans à partir des années 1980 avec les mêmes objectifs de répandre la terreur. Elle mena de nombreuses actions terroristes, notamment en 1982, qui firent des milliers de morts à travers tout le pays. De quel côté est la « férocité » ? Des services secrets syriens qui protègent la société ou des barbares qui tuent des innocents avec des bombes ? Dès cette époque les Frères musulmans ont été chassés de Syrie et la population, tout particulièrement la jeunesse, les a massivement rejetés. Ceux-ci n’ont pu continuer leur travail de sape contre la république syrienne que par les soutiens qu’ils ont reçus de l’étranger, principalement de leurs bailleurs de fonds des dictatures du golfe Persique dans un premier temps, puis des Occidentaux. Si vous menez aujourd’hui un véritable travail d’investigation journalistique sur les origines, la composition de ces organisations, les contacts de leurs dirigeants et sur les soutiens qu’elles reçoivent, vous vous apercevez que les « rebelles » et les « révolutionnaires » présentés par les dirigeants et médias français sont en réalité des « employés » de la CIA.
Mais en enquêtant sur ces faits vous mettez également à jour toute la campagne de propagande qui, année après année, a été orchestrée par des dirigeants occidentaux sur différents thèmes. Au fil de l’enquête et de la vérification des faits revisités, il apparait alors que bien des nouvelles diffusées à longueur de discours par des politiciens et des médias sont fausses. Ce rideau de fumée couvre une sinistre réalité : non seulement ces groupes terroristes bénéficient du soutien militaire US sur le terrain – pour ne pas parler de celui de la France et d’autres pays –, mais plusieurs des chefs et des groupes de ces « révolutionnaires » sont entraînés aux États-Unis même. C’est, par exemple, à la base militaire de Tampa, en Floride, que des centaines de chefs de gangs armés opérant en Syrie ont été formés et encadrés par les experts de l’US Special Operations Command (l’USSOCOM). Plus près de la Syrie, c’est en Jordanie, au King Adbullah II Special Operations Training Center (KASOTC) créé en 2009 à Yajooz, aux portes d’Amman, centre militaire étasunien dont j’évoque le rôle dans 56, qu’ils sont également formés pour attaquer la république syrienne. La CIA y travaille en collaboration étroite avec les services secrets jordaniens (General Intelligence Department – GID) et elle y recevait des groupes de l’ASL pour les former à répandre la terreur en Syrie.
De même, c’est de Turquie, à la base militaire d’Incirlik que la CIA supervise les livraisons d’armes et de matériels militaires destinés à ces groupes. Je rapporte sur ce point, dans le tome 2 de 56, le témoignage d’un fonctionnaire turc qui travaille avec le renseignement. Celui-ci explique comment, suite à l’installation des groupes terroristes le long de la frontière turco-syrienne à partir de 2011, toutes les frontières de la Turquie sont devenues poreuses. En Jordanie, vous vous retrouvez vite dans les réseaux des « amitiés franco-terroristes » puisque des militaires français participent également à la formation et à l’entraînement de ces groupes. C’est pourquoi en regard de la prétendue « férocité » des services secrets syriens, il faut mettre à jour la barbarie des crimes des Frères musulmans qu’ils n’ont pu commettre que grâce au soutien de leurs parrains. Il faut y ajouter les provocations, les opérations de propagande médiatique contre la République arabe syrienne, les blocus économique, financier, politique des États-Unis et de l’Union « européenne » depuis 2003. Et comment ne pas rappeler à ceux qui, comme le ministre des Affaires étrangères Le Drian, inversent les rôles, l’engagement important des forces de sécurité syriennes dans la lutte antiterroriste. En janvier 2013, un ancien officier de la DGSE de retour du Liban, indiqua que l’un de ces groupes a failli sévir en France avec des armes chimiques. Ce professionnel du renseignement militaire n’a pas oublié, contrairement aux dirigeants français, que la France a obtenu « grâce à la coopération avec la Syrie, de précieux renseignements qui nous ont conduits à déjouer, en 2008, un plan terroriste qui aurait fait des milliers de morts dans le métro de Paris. Les services de renseignement syriens ont obtenu leurs précieux renseignements après avoir arrêté, par le colonel Makhlouf, un groupe des plus dangereux terroristes d’Al-Qaïda (…) ».
Différents experts, y compris étasuniens, reconnaissent enfin aujourd’hui que depuis le milieu de l’année 2012, les milliers de tonnes d’armes livrées secrètement et massivement par la CIA et une quinzaine de services spéciaux occidentaux, dont la DGSE, en Turquie et en Jordanie équipent principalement les bandes de mercenaires importées sur la frontière turco-syrienne, dont des milices kurdes du YPG dirigées par le collaborateur de la CIA, Salih Muslim. Ainsi que l’a mis en évidence le journaliste indépendant Maxime Chaix, spécialisé dans les domaines du renseignement et des opérations clandestines, « supervisés par la CIA et quatorze autres services spéciaux, dont ceux de la France, du Royaume-Uni, d’Israël, de la Turquie, de l’Arabie saoudite et du Qatar, le financement, la formation et l’approvisionnement en armes des rebelles depuis les territoires turc et jordanien ont profité à l’ensemble des groupes armés, y compris à Daech et au Front al-Nosra». Ce sont des individus issus de ces groupes qui reviennent aujourd’hui en Europe chez leurs « employeurs » après avoir été battus militairement. Ces quelques éléments que je viens de citer ne sont pas de la contre-propagande mais simplement des faits bruts, historiques, vérifiables et vérifiés qui contredisent le discours, de propagande lui, tenu par des dirigeants occidentaux, notamment étasuniens, anglais et français. Ce soutien massif à des groupes criminels pour opérer le crime d’agression contre la république syrienne par procuration n’aurait pu être commis sans chloroformer l’opinion publique occidentale par une succession de campagnes de propagande.
Téléguidées depuis Washington, celles-ci s’appuient essentiellement sur des centres de communication financés à coups de dizaines de millions de dollars et sur l’instrumentalisation des médias ainsi que je le décris dans mon enquête Trump face à l’Europe. Face à cette propagande de masse, comment réagir ? Comme journaliste je n’ai pas à faire prévaloir mon opinion. Je travaille avec des faits, je vais les chercher sur « le terrain », les vérifier et les fais connaître. J’ai vu des journalistes professionnels, présenter ces bandes de tueurs comme des « révolutionnaires ». Pourquoi ? Parce qu’ils méconnaissent souvent l’histoire de la République syrienne, des Frères musulmans et de ces groupes et qu’ils se sont fait manipuler à la frontière turco-syrienne. Résultat : les films qu’ils ont réalisés comportent des témoignages partiaux, de nombreuses contre-vérités et ont ainsi alimenté les campagnes de propagande médiatique contre la Syrie. Ils ont été abusés, sans même s’en rendre compte et pour une raison simple : ils s’y sont rendus en croyant a priori au discours officiel des politiciens et de certains intermédiaires sans imaginer un seul instant que la réalité des faits pouvait être bien différente et, surtout, travestie à ce point.
Et je ne parle pas de ceux qui font un autre choix, loin de notre métier, et vagabondent sur les trottoirs de la désinformation contre quelques subsides versés par la DGSE, la CIA ou le Mossad israélien en se planquant derrière le titre d’un média. Le lecteur lira à ce sujet l’exemple vécu que je donne dans 56 sur l’un d’entre eux qui fut présenté pendant des années dans les médias français comme le « spécialiste du Proche-Orient et du terrorisme » de Paris-Match et qui n’était qu’une « petite main », tantôt de la DGSE, tantôt du Mossad. Ceux-là se sont tout particulièrement distingués dans certaines salles de rédaction lorsque le pouvoir a voulu, par trois opérations politico-médiatiques, faire porter à l’armée syrienne la responsabilité de l’usage d’armes chimiques afin de pouvoir obtenir du Parlement de mener une guerre de plus grande ampleur. Ainsi que l’expliquent dans 56 différents intervenants, ces montages largement diffusés aux médias se sont avérés par la suite tous faux et préparés par des services placés sous la responsabilité des Premiers ministres Jean-Marc Ayrault et Bernard Cazeneuve. Les difficultés pour obtenir ou vérifier certaines informations laissent également le champ libre à la propagande du « pays de la guerre » que sont les États-Unis. Des interventions répétées auprès de magistrats français comme le juge Alain Marsaud, d’avocats, mais également de représentations diplomatiques (République arabe syrienne, Égypte, Fédération de Russie), d’organisations comme le ministère de l’Intérieur de la République arabe syrienne, Interpol ou l’Union Africaine, resteront sans suite.
Ces gens là ne répondent pas, même par la négative. Les uns ont trop de secrets ou de complicités à protéger, d’autres ont adopté la position de l’autruche comme mode de vie pour border leurs petites carrières au sein d’institutions. Il faut donc les contourner et aller chasser chez eux, en zone interdite comme dirait mon confrère Patrick de Carolis, par différents biais les informations recherchées auxquelles ils font obstacle. Les choses deviennent vite délicates et compliquées car dans ce genre d’investigation vous êtes confronté à des organisations, à des individus d’autres cultures, de plusieurs pays. De plus, on ne peut pas dire, de manière générale, que la communication soit un point fort des pays arabes. Il faut donc s’acharner sur les faits en cherchant à savoir ce qui se passe derrière les discours et les actes officiels, trouver le fil d’Ariane qui va permettre dans un environnement politique et médiatique enfumé de remonter aux origines du conflit et à la vérité vraie de son développement et de ses acteurs. Cela pour vous dire que la contre-propagande ne risque pas de devenir aussi manichéenne que celle mise en place par les États agresseurs dont les thèmes de campagne commencent à s’épuiser. Pour toutes ces raisons j’ai mené cette succession d’enquêtes selon la règle des trois principes de l’investigation : pas d’a priori, ne faire confiance à personne et vérifier toutes les informations recueillies. Ce n’est qu’à ce prix que l’on peut éviter de se faire manipuler et de tomber dans le piège que vous évoquez.
Finalement, est-ce que les pays non alignés ne sont presque pas mécaniquement obligés d’utiliser les même méthodes pour durer face à l’agressivité de l’Empire. Ne faudrait-il pas écrire maintenant le livre noir de la vie politique syrienne ? Est ce que les populations ici et là-bas sont capables de prendre du recul sur leur histoire récente pour sortir de ces conflits par le haut ?
C’est une question importante rarement évoquée dans les médias français, même spécialisés. Avant d’écrire le livre noir de la vie politique syrienne, sans doute conviendrait-il d’écrire celui de la vie politique française. L’agresseur est l’Occident, principalement les États-Unis, l’Angleterre et la France et non la Syrie. Je mets à part les dictatures du golfe Persique qui ne sont que les exécutantes du plan ourdi à Washington pour ses seuls intérêts économiques et stratégiques. Pour ce qui est du recul sur l’Histoire, la population syrienne sait parfaitement à quoi s’en tenir sur ses agresseurs et leurs soutiens. Si tel n’était pas le cas, celle-ci n’aurait pas manifesté par millions contre la guerre et pour soutenir le gouvernement dans les rues de toutes les grandes villes de Syrie. Ces images, soit dit en passant, sont absentes des médias occidentaux mais vous avez vu en voir quelques échantillons en ouverture des deux tomes de 56. Si le peuple syrien n’avait pas conscience des enjeux en cours, il ne se serait pas organisé en Comités de défenses populaires pour résister et combattre aux côtés de son armée et des services de sécurité qui, si l’on en croit les politiciens français et certains médias, « tirent sur le peuple »… Avez-vous vu dans les médias occidentaux des images montrant les populations d’Alep, de Palmyre, de Mossoul, de Deir ez-Zor, la jeunesse accueillant son armée avec des fleurs ? Non. Avez-vous vu des images montrant, en pleine guerre et malgré les attentats, les menaces et les appels au boycott, le peuple syrien mobilisé pour débattre publiquement, amender et voter sa nouvelle Constitution le 27 février 2012 ? Non, parce qu’elles montrent que le peuple syrien est debout, résiste à tous les assauts et que la vie politique continue. Vous trouverez également ces images en ouverture de 56.
Il faut avoir un sacré recul sur l’Histoire quand on voit à quelles pressions médiatiques, politiques, diplomatiques, économiques est confronté le peuple syrien depuis quinze ans et comment, malgré ces pressions, il s’organise, se solidarise, se mobilise pour chasser l’agresseur étranger tout en préparant déjà l’avenir. Qui en France donne la parole à ces jeunes étudiants syriens qui quittent leurs études pour demander à recevoir une formation militaire afin de défendre leur pays ? Personne ! Je répondrai à la seconde partie de votre question par une autre question : avez-vous vu dans un pays occidental des millions de personnes manifester contre la guerre et pour la paix en Syrie ? Sortir du conflit par le haut, cela veut dire rétablir la paix. Et l’on ne peut faire la paix avec des pays comme les États-Unis ou la France dont les dirigeants, après avoir applaudi et activé la guerre, continuent de freiner le processus de paix jusqu’au sein de l’ONU. En ce qui me concerne, comme j’ai déjà pu le dire publiquement en 2013 lors d’une conférence à Paris, je n’ai aucun doute sur le fait que le peuple syrien n’a pas besoin de négociation de paix pour vaincre et sortir de cette guerre terrible plus fort et clairvoyant. L’épreuve qu’il traverse devrait l’inciter à construire son avenir sans les agresseurs occidentaux et du Golfe. Quel seront ses choix ? À lui d’y répondre avec les dirigeants qu’il se choisit.
Pour ce qui est des Français et plus généralement des peuples des États impliqués dans cette guerre, sans doute commencent-ils seulement à découvrir à quel point ils ont été trompés par leurs dirigeants et les médias. L’expulsion de François Hollande et du parti « socialiste » comme des Républicains des allées du pouvoir, l’abstention record lors des dernières élections présidentielles et la grande perte de confiance des Français dans les médias sont les signes d’un rejet du système politique, d’une manière de gouverner et des moyens d’information traditionnels. Concernant ces derniers, pour reprendre une expression devenue populaire, « ils disent tous la même chose », exception faite de quelques rares journaux, y compris les chaînes de France Télévision corsetées par l’État depuis Sarkozy. Les médias appartiennent tous à la même caste de milliardaires. Je parle des ultra-riches propriétaires de ces médias qui représentent 0,01% de l’ensemble des ménages français et qui dissimulent à eux seuls 140 milliards d’euros dans les paradis fiscaux, soit l’équivalent de 7% du PIB de la France. Je pense que les Français ont conscience d’avoir été écarté du politique depuis des décennies et qu’ils commencent, de manière confuse, à réfléchir à comment se le réapproprier pour aller vers une nouvelle démocratie. La question vaut aussi en Syrie. Mais là encore, qui en parle vraiment ? Comme le lecteur pourra l’apprendre en lisant les extraits de la nouvelle Constitution du 27 février 2012 que je publie, le peuple syrien s’est donné d’importantes avancées démocratiques.
Par exemple, l’article qui stipule que « la moitié au moins des membres de l’Assemblée du peuple doivent être des ouvriers et des paysans », c’est-à-dire des représentants des forces vives du pays aux côtés des intellectuels, entrepreneurs et fonctionnaires, illustre cette soif de démocratie, d’une meilleure représentation de l’ensemble de la société à son Assemblée élue. Il y découvrira également que la nouvelle Constitution syrienne est la plus démocratique du monde arabe, ce que personne ne dit. Cette Constitution comporte même des dispositions comme celle que je viens de citer qui sont matière à réflexion pour la société française. Il reste maintenant aux Syriens à faire vivre le texte qu’ils ont débattu et voté pour faire de leur pays un État moderne, démocratique et progressiste. L’ancien Premier ministre Salah Jedid avait commencé à en ouvrir la voie par de grandes réformes entre 1966 et 1970 avant d’être renversé par un coup d’État dans une indifférence presque quasi-générale. Comme vous évoquez, avec raison, la manière dont les pays non-alignés doivent réagir face à l’agression impérialiste, il est clair que leur victoire dépendra de la capacité de ces peuples et de leurs dirigeants à créer un rapport de forces en leur faveur, non seulement sur le plan militaire mais également sur les plans politique et diplomatique. De ce point de vue, la Syrie me paraît bien en-dessous de ses possibilités, ne serait-ce que dans les relations qu’elle pourrait inaugurer avec l’Organisation de Coopération et de Sécurité.
Les lecteurs qui ont lu mon enquête Trump face à l’Europe comprendront tout de suite mon questionnement sur ce point. Les présidents russe et français, Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, se sont dit prêts, le 15 septembre dernier lors d’un entretien téléphonique, à « intensifier leurs efforts conjoints en vue de régler la crise en Syrie, notamment dans le cadre du processus de Genève sous l’égide de l’ONU ». De mon avis, Vladimir Poutine a raison de faire systématiquement référence aux avancées diplomatiques obtenues afin de mettre en place une feuille de route vers la paix. L’essentiel est que le calendrier des négociations perdure sous l’égide de l’ONU jusqu’à ce que celui-ci soit devenu inutile. Car, d’une part, le règlement politique définitif de la crise en Syrie ne dépend pas de la bonne volonté d’un pays comme la France dont les dirigeants ont armé des organisations responsables de la guerre et du développement du terrorisme ; et, d’autre part, on ne voit pas ce que pourraient négocier les représentants du gouvernement légal de Damas avec les représentants d’une prétendue « opposition syrienne » pour sortir du conflit par le haut : ceux-ci n’ont aucune légitimité en Syrie et ne représentent qu’eux-mêmes pour avoir été mis en scène par les services occidentaux. La tutelle de l’ONU est importante pour « sécuriser » le processus de paix au plan diplomatique. Pour les autres aspects du conflit, l’organisation internationale a montré sa totale inefficacité dans le règlement de la plupart des conflits et guerres qui ont éclaté depuis les années cinquante.
Qu’il s’agisse de la libération du plateau du Golan occupé par l’armée israélienne depuis 50 ans, du blocus de Cuba depuis 55 ans, des guerres contre l’Afghanistan, la Yougoslavie, l’Irak, le Rwanda, la Libye, l’Ukraine, la Syrie ou le Yémen, pour ne parler que de quelques-unes des principales agressions occidentales, que fait l’ONU ? Son Assemblée générale vote des résolutions dont la plupart restent sans lendemain et le Secrétaire général se déclare régulièrement « préoccupé par l’urgence de la situation » tandis que les peuples crèvent sous les coups des impérialistes ! L’histoire des peuples nous enseigne que le règlement définitif d’un conflit, comme de tous ceux entamés par « le pays de la guerre », appartient au peuple mobilisé avec son armée ainsi que les peuples algérien, cubain, vietnamien ou angolais en ont fait la courageuse démonstration.
Vous parlez aussi régulièrement de la sociologie des leaders islamistes ? Ce ne sont pas des idiots, ils sont même très bien éduqués pour beaucoup, on a parlé des « ingénieurs » pour le GIA en Algérie. Pourquoi ces gens intelligents s’embarquent-ils dans une voie sans issue ?
Vous avez trois niveaux dans la hiérarchie de l’appareil politico-militaire élaboré par la CIA avec le Pentagone et l’armée US au cours des années 2010. Celui-ci a reçu régulièrement des modifications en fonction de l’évolution de la guerre et des exigences des quatre principaux partenaires des États-Unis dans le crime d’agression : la France, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar. Le commandement des groupes fut confié, comme le lecteur le lira dans 56, à des individus connus des services occidentaux (États-Unis, Angleterre, France) et du Golfe et avec lesquels ils entretiennent des relations étroites, parfois depuis plusieurs années. Les services de renseignement occidentaux voyaient en eux un moyen d’obtenir des informations et d’entretenir des réseaux à l’œuvre contre la république syrienne et sur d’autres pays. Quand Washington, Londres et Paris ont décidé de tenter de renverser le président et le gouvernement syriens, certains de ces révolutionnaires de salon qui ne représentent qu’eux-mêmes y ont vu un moyen d’accéder à des responsabilités politiques. Je donne dans 56 un aperçu de cette « guerre des chefs » qui les opposa, tantôt pour obtenir les faveurs de leurs différents maîtres occidentaux et du Golfe, tantôt pour s’approprier les postes de commandement des organisations ou encore pour devenir membres des gouvernements fantoches en exil qui disparurent tous les uns après les autres dans les poubelles de l’histoire. La quasi-totalité d’entre eux vivaient hors de Syrie, souvent depuis leur enfance et, pour beaucoup, n’ont même plus la nationalité syrienne. Ceux qui ont accédé à des études supérieures sont pour la plupart des enfants de la bourgeoisie ou de familles liées à des clans féodaux qui vont à la mosquée un peu comme les petits bourgeois de province vont à l’église pour se montrer. Ils sont généralement originaires ou liés d’une manière ou d’une autre avec les milieux dirigeants des dictatures du golfe Persique ou de riches familles et ont souvent fait leurs études supérieures dans des pays occidentaux, principalement anglo-saxons.
Puis, entre ces meneurs, véritables administrateurs de la mort, et la grande masse des mercenaires recrutés par les organisations des Frères musulmans, vous avez, le second niveau des techniciens, des intermédiaires. Ceux-ci organisent les réseaux de financement, de trafic d’armes, de trafic de drogues comme le captagon dont des réseaux conduisent dans des familles proches de la dictature saoudienne, les facilitateurs qui organisent les déplacements des mercenaires jusque sur les zones de combat. Comme les dirigeants, la plupart d’entre eux sont liés, de près ou de loin, à des organisations des Frères musulmans et ils ont souvent fait des études supérieures en Occident. C’est dans leurs réseaux que vous trouvez des informaticiens, des spécialistes en ingénierie financière, des techniciens de diverses disciplines. Trois raisons principales expliquent généralement leur engagement dans ces groupes criminels : la première est le profit financier personnel qu’ils peuvent tirer de leurs activités clandestines politico-mafieuses, la seconde de gagner ainsi en influence dans leurs réseaux politico-religieux, d’affaires, leur clan, pour accéder à des responsabilités politiques ou dans les affaires, la troisième, qui ne concerne que les plus endoctrinés, est de répondre à l’appel d’Allah qui, selon le Coran, leur ordonne de tuer « les infidèles » partout où ils se trouvent. Nombre d’entre eux sont dans des associations religieuses et caritatives mais aussi dans des structures financières et politiques.
Il est assez courant de retrouver les mêmes individus dans plusieurs conseils d’administration d’institutions de bienfaisance, comme la Fondation du secours islamique ou la Ligue islamique mondiale, et financières. Certaines associations caritatives disposent de fonds très importants et alimentent elles-mêmes parfois une myriade d’autres sociétés caritatives ou commerciales. Dans certains cas, celles-ci servent de façade pour le blanchiment d’argent et le financement d’activités illégales, y compris terroristes. Je donne dans 56 plusieurs cas de ces individus que le Département du Trésor étasunien a retrouvé comme intermédiaires du financement de groupes terroristes et qui fréquentent des ministères de dictatures du Golfe comme, par exemple, le ministère qatari des Biens religieux et des Affaires islamiques ou son homologue d’Arabie saoudite. S’ils sont identifiés aux États-Unis ou en Europe comme ayant été associés à un groupe terroriste, ils se réfugient souvent dans les dictatures du Golfe où ils pensent être à l’abri. Bien évidemment, ce ne sont pas eux qui portent les gilets explosifs ou lancent des camions dans la foule. Ces derniers sont recrutés dans la misère des pays arabes tout comme ceux recrutés dans les villes européennes le sont essentiellement parmi des personnes fragilisées et/ou défavorisées. La très grande majorité des mercenaires qui viennent des pays arabes n’ont pas eu la possibilité d’évoluer et leur comportement relève de la psychiatrie. Wafa Sultan, psychiatre étasunienne d’origine syrienne, aborde cette question dans son étude publiée sous le titre « L’islam, fabrique de déséquilibrés ? ». Les plus « évolués » ont été dans des écoles coraniques, c’est-à-dire qui sont uniquement dédiées à l’enseignement complet du coran. Dans le meilleur des cas, certains d’entre eux peuvent avoir continué leurs études dans une madrassa, qui correspond plus ou moins à une école secondaire. Mais, le seul fait de répéter de manière continue depuis leur petite enfance les mêmes versets de haine, de racisme et de violence du même vieux livre a bloqué le développement de leurs facultés intellectuelles.
Cet état d’endoctrinement précoce, de conditionnement, de dépendance de croyances enregistrées par le cerveau, de contraintes multiples – alimentaires, sexuelles ou autres – les conduit au culte de « la mort divine ». Ils peuvent de ce fait commettre des actes barbares « selon la volonté de Dieu ». Rappelez-vous les images de ces criminels qui, au début du crime d’agression contre la Syrie, posaient devant les cadavres d’ « hérétiques » qu’ils avaient décapités, brûlés vifs, de femmes éventrées, de jeunes femmes enterrées vivantes après avoir été violées, d’hommes et d’enfants abattus par centaines dans des fosses communes ou d’autres qui mangeaient le cœur et les organes de leurs victimes. Le montant de leur solde payée par des financiers du terrorisme du Qatar, du Koweït ou d’Arabie saoudite variait de 300 à plus de 600, voire de manière plus rare 1000 euros, en fonction de la violence de leurs crimes, du nombre de tués. Cette « camisole religieuse », peu importe la nature de la religion, peut conduire au pire ainsi qu’en attestent les crimes de l’église catholique qui commencèrent avec l’Inquisition en 1199 et se poursuivirent par les guerres de religions au moins jusqu’en 1787. L’ « avantage » avec la religion musulmane est que quand l’un d’entre eux commet un attentat, ce n’est pas lui qui fait le choix de tuer mais c’est Allah qui l’a désigné pour le faire. Depuis qu’il est tout petit, des prédicateurs lui répètent que son sauveur suprême lui ouvrira ainsi les portes du paradis. Cela vous donne une idée des situations extrêmes auxquelles peuvent être confrontées les forces de police face à de tels individus. Aussi, on ne dira jamais assez que des dirigeants français ont participé à l’armement de certains de ces groupes dont s’inspirent aujourd’hui les poseurs de bombes en Europe.
Après 20 à 30 ans d’analyse, quelle est la dynamique actuelle de cette folie terroriste ? Peut on dire que ces dévoilements nous offrant une meilleure compréhension des réalités cachées limitent l’efficacité du terrorisme ? Où n’est-ce qu’un éternel recommencement à chaque génération ?
Le terrorisme prend racine dans la misère. Le lecteur lira à ce sujet dans 56 le témoignage d’un fonctionnaire marocain qui travaille dans la proximité du renseignement marocain que j’ai pu rencontrer. Examinant avec lui les caractéristiques des combattants arrêtés par les services du ministère de l’Intérieur et les raisons de leur engagement, il me dit : « Vous pouvez mettre en place toutes les institutions que vous voulez pour lutter contre le terrorisme ; si vous ne vous attaquez pas à la cause du mal, il se reproduira. La misère et l’injustice sont le terreau du terrorisme (…) Pourquoi sommes-nous très concernés, au Maroc, par ce qui se passe ? ». Réponse : « Parce que nous avons, que cela plaise ou non il faut le dire, beaucoup d’injustice et une grande pauvreté chez nous. Et la situation ne s’améliore pas, bien au contraire. Si les jeunes que nous arrêtons avaient eu une enfance heureuse, s’ils avaient pu faire des études, avoir un bon métier et un bon salaire, croyez-vous qu’il leur serait venu à l’idée de devenir des criminels ? Sans doute n’auraient-ils même pas fréquenté les mosquées ! » Il n’y a nulle fatalité au terrorisme. Il trouve ses origines dans le terreau de la misère qui peut engendrer la criminalité dans tous ses états, du vol au meurtre de masse en passant par la prostitution, la pédophilie et la drogue. Cette criminalité peut vite devenir hors de contrôle pour peu que des groupes un peu structurés reçoivent le soutien plus ou moins officiel d’États comme les États-Unis, l’Angleterre ou la France.
Ils y voient une justification de leur combat qu’ils mettent alors au service de leurs souteneurs occidentaux en espérant ainsi pouvoir imposer leur dictature religieuse. Le deal passé avec les représentants occidentaux et du Golfe est « pouvoir contre pétrole ». Vous soulignez avec raison que de plus en plus d’informations circulent et posent des questions sur la réalité du terrorisme, son origine, ses réseaux et ses soutiens. C’est aussi pourquoi je me suis attaqué à ce dernier aspect car les protections, puis le soutien, y compris militaire, de dirigeants français à de tels groupes criminels des années quatre-vingt dix à nos jours a eu pour conséquence de favoriser le développement de la pègre terroriste. Sans le soutien qu’ils ont reçu de ces pays et des dictatures du Golfe, l’État islamique, le Front al-Nosra, l’ASL et autres groupes de circonstance se seraient perdus dans les sables du désert et il n’y aurait jamais eu de conflits et de guerres d’une telle ampleur contre les pays du Maghreb et du Proche-Orient.
En deux mots, quelle est la teneur du tome 2 ?
Le tome 2 de 56 traite des principaux acteurs des « amitiés franco-terroristes » qui ont placé la France en pleine illégalité internationale. De même, j’y donne la parole a plusieurs acteurs du renseignement, français et étrangers qui combattent les réseaux terroristes, à des représentants de la Syrie démocratique et aborde une question qui reste encore sous le manteau du silence : le jugement des dirigeants politiques français qui ont violé le droit international en accordant des protections mais surtout des soutiens à des organisations irrégulières et criminelles. Le fait que certains d’entre eux aient été ou soient des dirigeants de l’État ne les place pas au-dessus des lois de la République ni du droit international. Cela vaut pour plusieurs traités que la France a signés comme, par exemple, le Traité sur le commerce des armes ou la Position commune du Conseil de l’Europe relative au contrôle des exportations de technologies et d’équipements militaires. Ces textes ont été régulièrement débattus et renforcés par de nombreuses mises à jour. Par ailleurs, le peuple de France qui a élu ces dirigeants ne leur a jamais donné mandat pour faire ces guerres et n’a jamais été consulté pour ces aventures qui engagent le pays avec les lourdes conséquences qui en résultent. Leurs auteurs devraient donc, s’il y avait encore une justice en France, être jugés par une juridiction criminelle.
Ainsi que l’explique, parmi d’autres intervenants dans 56, maître Roland Dumas, cette procédure à caractère exceptionnelle est rendue possible en application de la Convention portant statut de la Cour pénale internationale du 18 juillet 1998 intégrée dans le droit interne de la République française. Mais, au-delà du seul aspect juridique qui pose la question de l’efficacité du système judiciaire français et de son indépendance, l’important est de découvrir également comment ces « amitiés franco-terroristes » perdurent jusqu’au sein de l’ONU alors que les attentats frappent l’Europe. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, déclarait début septembre, je cite son intervention sur RTL, vouloir « établir un calendrier de transition politique qui permettra d’aboutir à une nouvelle constitution et des élections.» Monsieur Le Drian est visiblement d’un autre âge ou d’une autre planète. Il n’a pas encore compris qu’il appartient au peuple syrien et à personne d’autre, et surtout pas au gouvernement français, de décider de son avenir, de sa constitution comme de ses dirigeants. C’est du reste ce qu’il a déjà fait en votant sa nouvelle Constitution du 27 février 2012 et en réélisant le président Bachar el-Assad lors des élections présidentielles du 3 juin 2014.
C’est aujourd’hui Le Drian qui doit rendre des comptes pour avoir été l’un des principaux organisateurs du trafic de matériels militaires et d’armes au profit de groupes criminels dont s’inspirent ceux qui frappent aujourd’hui l’Europe. Il devrait réfléchir au fait que ses amis François Hollande, Laurent Fabius, Jean-Marc Ayrault, Alain Juppé et Manuel Valls qui, avec d’autres, rêvaient comme lui de mettre la république syrienne et ses dirigeants à genoux sont, eux, politiquement morts. Quel est aujourd’hui l’un des résultats des mensonges et crimes d’État de ces individus ? Lors de la quatrième Conférence de Moscou sur la sécurité internationale qui s’est tenue dans la capitale russe, le colonel-général Igor Sergun, alors Directeur de la Direction générale des renseignements de l’État-major des forces armées russes (GRU), avait averti, des conséquences de ce soutien au terrorisme par des États occidentaux. Le lecteur trouvera des passages importants de son intervention dans 56, parmi lesquels celui-ci : « Nous devons donc nous attendre, pour le court terme, à ce que le niveau de menace terroriste reste assez élevé. Le renforcement des groupes extrémistes, à l’instigation des États-Unis et de leurs alliés, surtout au Moyen-Orient et en Asie centrale, entraîne une réelle menace d’exportation du terrorisme vers les pays européens, les républiques du CIS (NdA : Communauté des États indépendants) et la région Asie Pacifique. »
C’était à la mi-avril 2015. Depuis, les attentats dans les villes européennes ont confirmé la justesse de son analyse. Le lecteur trouvera également dans l’épilogue de 56 titré « Le crime au cœur de l’État » des éléments sur la diplomatie de la terreur relayée par les représentants de la France à l’ONU. Ceux-ci ont continué de protéger ces groupes criminels alors que des victimes innocentes trouvaient la mort dans des attentats. Fahad al-Masri, le porte-parole de l’« opposition syrienne », avait qualifié dans plusieurs médias les attentats qui frappaient la Syrie, d’« opérations de qualité ». Le Premier ministre, les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur français doivent dire si cette qualification attribuée à des crimes barbares par leur petit protégé qui vit en région parisienne vaut également pour les crimes qui ensanglantent l’Europe aujourd’hui.
Jean-Loup Izambert
Note du Saker Francophone
Pour ceux qui n’auraient pas vu les photos de la mobilisation populaire en Syrie, voici quelques exemples qui démontrent combien les médias occidentaux travestissent la réalité.
21 décembre 2016. La libération totale de la ville d’Alep marque un tournant dans la guerre contre les armées d’occupation. Le peuple syrien descend dans les rues des villes et villages libérés pour fraterniser avec son armée. Vous ne verrez pas ces images dans les médias officiels français. Pourquoi ? Parce qu’elles montrent que les dirigeants français ont menti en déclarant que « l’armée de Bachar a tiré sur son peuple » pour justifier leur soutien à des groupes irréguliers et criminels. (Photo Sana)
Dans toutes les grandes villes de Syrie, les citoyens se mobilisent par millions contre le terrorisme. Vous ne verrez pas dans les médias français ces images qui témoignent de l’union dans l’action du peuple syrien. Pourquoi ? Parce qu’elles mettent à nu les mensonges des politiciens français sur « la fin du régime de Bachar » et leur incroyable prétention de le « chasser de l’avenir de la Syrie ». (Photo Sana)
Source : Le Saker Francophone