INTERVIEW – Le député LR Thierry Mariani et quatre parlementaires français se sont rendus ce week-end en Syrie où ils ont rencontré dimanche Bachar el-Assad. Interrogé par le JDD, l’ancien ministre relate son entretien avec le président syrien et regrette l’attitude de la coalition occidentale.
Vous avez rencontré Bachar el-Assad, avec quatre autres parlementaires français (*), pendant 1h15 dimanche. Vous l’aviez déjà vu une première fois il y a cinq mois. Comment a évolué la situation?
Nous avions rencontré Bachar el-Assad le 14 novembre, au lendemain des attentats de Paris. A cette époque, son régime était dans une situation militaire très préoccupante. Les choses ont complètement changé sur ce plan avec l’intervention de l’aviation russe. Selon Bachar el-Assad, 40% du territoire de Daech a été repris. Le président syrien nous a assuré qu’il était en train de gagner la guerre. Sa victoire pourrait n’être même qu’une question de temps.
La reprise de la ville et du site archéologique de Palmyre, officialisée dimanche, pourrait-elle être une victoire décisive dans le conflit contre l’Etat islamique?
La reprise de Palmyre illustre le fait qu’avec une véritable volonté militaire et une aide internationale, Daech peut être battu. Dans son discours, Bachar el-Assad a surtout insisté sur l’aide apportée par les Russes. Depuis deux ans, les occidentaux sont à l’oeuvre et, à en croire le président syrien, il n’y a aucun résultat. Depuis six mois, Vladimir Poutine a décidé d’agir et Palmyre est repris.
La coalition menée par les Occidentaux intervient surtout en Irak et refuse de collaborer avec le régime de Bachar el-Assad…
Pour gagner une guerre, il faut envoyer des troupes au sol. Or, et je suis sur cette même ligne, la coalition refuse d’envoyer ses propres soldats en Syrie et Irak. Ce serait une erreur catastrophique : mettre des soldats européens face à Daech transformerait le conflit en guerre sainte. Il faut donc aider les troupes qui sont déjà sur place : celles de l’armée syrienne. Bachar el-Assad a déploré le refus de collaborer des Occidentaux et estime qu’ils se trompent d’alliés. Il vise en fait l’Arabie saoudite qui, selon lui, « finance Daech ». Quant à la Turquie d’Erdogan, que Bachar el-Assad qualifie de « sultan islamiste et violent », elle joue « contre nos intérêts ».
Il y a une autre guerre en Syrie, celle qui oppose toujours l’armée régulière à des troupes rebelles. Avez-vous tenté de rencontrer les opposants à Bachar el-Assad?
Nous n’avons rencontré que des parlementaires et parmi eux, des gens comme la députée indépendante Maria Saadeh qui ne soutiennent pas Bachar el-Assad mais participent aux élections, au fonctionnement de l’Etat. Personne, parmi ces opposants élus, ne prend aux sérieux les pseudos forces démocratiques combattantes. Sur le terrain, c’est de toute façon assez manichéen : il y a Daech et le Front Al-Nosra [la branche syrienne d’Al-Qaïda, NDLR] d’un côté, et les troupes régulières de Bachar el-Assad de l’autre.
Nombre d’opposants à Assad évoquent une situation bien plus complexe. Pensez-vous que Bachar el-Assad puisse vraiment rester au pouvoir?
Aujourd’hui, il peut rester au pouvoir car, dans un avenir immédiat, c’est la seule solution. Il se qualifie lui-même comme le meilleur rempart contre le terrorisme. Face à nous, il n’a d’ailleurs pas du tout évoqué de transition politique, mais a déclaré qu’il souhaitait porter la réconciliation nationale avec tous ceux qui accepteraient l’autorité de l’Etat.
Qu’a souhaité dire Bachar el-Assad à la France en vous recevant?
Son message, c’était : « Moi, je ne suis pas votre ennemi. En refusant de collaborer avec moi, nous avons perdu beaucoup de temps et ce n’est pas votre intérêt. » Il a évoqué en ce sens la crise migratoire qui secoue l’Europe. Le retour de la paix en Syrie et la fin de Daech permettront la stabilisation des flux migratoires. Or, l’Europe est complètement absente dans le dossier syrien. Bachar el-Assad attend le retour de la France. C’est une main tendue, sans propos agressif. A court terme, le gouvernement de Bachar el-Assad est un interlocuteur incontournable. J’espère que Paris va au moins infléchir sa position. Nous avons notamment besoin d’échanger des renseignements pour lutter, chez nous, contre le terrorisme.
Confirmez-vous que votre voyage parlementaire a été organisé par l’association SOS Chrétiens d’Orient?
Notre déplacement a été financé par une association syrienne qui s’appelle Al-Karma [« la vigne »], et non par SOS Chrétiens d’Orient, qui a seulement joué un rôle intermédiaire. Nous avons voyagé en classe éco et le voyage a été déclaré auprès du déontologue de l’Assemblée nationale. Par courtoisie, nous avons également prévenu le Quai d’Orsay, même si ce dernier nous a très fortement déconseillé de faire ce déplacement.
(*) Valérie Boyer, Nicolas Dhuicq, Denis Jacquat et Michel Voisin.
Gaël Vaillant – leJDD.fr
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lundi 28 mars 2016
Le Journal de Dimanche
https://www.lejdd.fr/Politique/Mariani-Assad-est-un-interlocuteur-incontournable-778947
Bachar el-Assad a rencontré dimanche des parlementaires français à Damas en Syrie. Thierry Mariani était directement assis à la gauche d’Assad. (Sana)