Les gendres des familles au pouvoir en Inde sous les feux de la rampe ! Familles royales, disent les critiques. L’un s’appelle Robert Vadra. Il est marié à la fille de Sonia Gandhi, présidente d’origine italienne du Parti du Congrès indien, principal parti au pouvoir. L’autre est hôtelier, époux de la fille adoptive de l’ancien premier ministre Atal Behari Vajpayee, l’un de grands chefs du parti conservateur pro-hindouiste, le Parti du peuple indien (BJP). Les deux gendres seraient impliqués dans de sordides affaires d’immobilier. Le plus incriminé est Vadra. Il aurait acquis pour très peu cher des terrains vendus par une société qui aurait bénéficié, en échange, des largesses du parti au pouvoir. Le militant anticorruption Arvind Kejriwal affirme (1) que la fortune personnelle de Vadra est passée de 5 millions de roupies en 2007 (72 000 euros, somme non négligeable en Inde) à 3 milliards de roupies en 2010, soit 43 millions d’euros. Pas d’accord, répondent des responsables du Parti du Congrès ! Toutes ses acquisitions sont légales. Les accusateurs de Vadra, disent ses amis, ne cherchent qu’à faire avancer leurs propres carrières politiques – une opinion partagée par certains analystes.
En dépit de leur fortune, ces beaux-fils ne sont que du menu fretin à côté des super riches en Inde. Kejriwal et ses amis affirment que plus de 500 milliards de dollars leur appartenant sont placés à l’étranger. La majeure partie serait, comme d’habitude, en Suisse. D’après ces activistes en lutte contre la corruption, le gouvernement indien aurait reçu, en juillet 2011, une liste d’environ 700 personnes ayant de juteux (et probablement illicites) comptes en banque à la HSBC de Genève (2). Ils exigent que les autorités interviennent, mais les responsables font la sourde oreille.
Dirigé par le Parti du Congrès et ses alliés, le cabinet du premier ministre Manmohan Singh patauge dans d’autres scandales encore. L’homme d’affaires Manoj Jayaswal est l’un des principaux protagonistes dans le scandale dit « Coalgate », estimé à 34 milliards de dollars américains. Des responsables politiques accordent ainsi des droits d’exploitation de mines de charbon aux hommes d’affaires non sur des appels d’offres, mais contre des espèces sonnantes et trébuchantes… En août dernier, le patron de la Cour des comptes indienne a accusé le gouvernement de concéder des mines de charbon, des projets de production électrique, et même des terrains pour un nouvel aéroport pour la capitale, Delhi, à une fraction de leur prix du marché.
La Cour, le bureau du Comptroller and Auditor General of India (CAG), estime le manque à gagner pour l’État indien à une dizaine de milliards de dollars. Réponse du gouvernement : le CAG a dépassé les bornes constitutionnelles. Il faudra remplacer Vinod Rai, l’auditeur général qui agace, par une autorité collégiale permettant d’y inclure des gens moins à cheval sur les principes. Ça ne brille pas non plus du côté de l’opposition, notamment au BJP, pro-hindouiste. Son président Nitin Gadkari, entrepreneur autoproclamé « social », est soupçonné lui d’avoir gagné des millions en douce et de les avoir blanchis par hommes de paille interposés.
Il y a une dizaine d’années, le gouvernement indien de l’époque avait promis d’apporter le courant électrique aux quatre coins du pays d’ici à 2012. Échec ! Près d’un Indien sur quatre n’a toujours pas d’électricité. Et beaucoup de celles et ceux qui en bénéficient n’en ont qu’une fourniture symbolique. Les ressources naturelles, comme le charbon, sont sous le contrôle des politiciens et des bureaucrates qui font des faveurs aux hommes d’affaires. En juillet dernier, plus de la moitié des Indiens se sont trouvés dans le noir, dépourvu d’électricité. Quelque 670 millions de personnes auraient été concernées, pas loin du dixième de la population mondiale !
D’après le ministère de l’Énergie, les centrales à charbon représentent 56 % de l’électricité produite en Inde, suivies de l’hydroélectricité à 19 % (3). Le projet des dirigeants indiens est de diversifier les sources d’énergie, y compris le nucléaire, lequel, on l’espère, produira 25 % du courant en 2050 (4). En attendant, des ONG, souvent basées dans des pays occidentaux, font campagne contre le nucléaire et ont réussi à mobiliser des populations, notamment au sud de l’Inde, contre l’installation des centrales nucléaires. La « main de l’étranger » qui empêche l’Inde d’atteindre l’autosuffisance en énergie, dit le premier ministre Manmohan Singh, pointant le doigt sur l’organisation Greenpeace. Celle-ci riposte en soulevant des cas de corruption de plus en plus répandus sur la scène indienne.
« L’incapacité à produire assez de courant électrique a certainement été le goulot d’étranglement le plus serré pour la croissance économique », a constaté Praveen Chakravarty, le patron du Anand Rathi Financial Services (5). En plus, depuis quelque temps, la croissance économique commence à avoir du plomb dans l’aile. Le Fonds monétaire international (FMI) pronostique un taux d’accroissement mondial de 3,3 % pour cette année (6). Certes, les pays occidentaux souffriront le plus. Mais la Chine ralentira aussi à 7,8 % et le Brésil à 1,5 %. Quant à l’Inde, son taux de croissance ne sera que 4,9 % en, contre plus de 8 % en 2003-2004 et 7 % en 2006-2007.
Comment faire face à la décélération économique et aux clameurs contre une corruption qui se répand comme un feu de forêt ? Réponse du premier ministre : il vient de remanier son gouvernement. Il y a sept nouveaux ministres, plus quinze sous-ministres. Il s’agirait de rajeunir le cabinet pour affronter les élections prévues en 2014. Mais, écrivent la plupart des commentateurs, pas de bouleversement visible ! Les affaires continuent.
(1) Hindustan Times, 5 octobre 2012, Delhi.
(2) https://www.outlookindia.com/article.aspx?282931, l’hebdo, Delhi, 9 novembre 2012.
(3) https://www.powermin.nic.in/indian_electricity_scenario/introduction.htm
(4) https://www.world-nuclear.org/info/inf53.html
(5) New York Times, 15 septembre 2012.
(6) https://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2012/02/index.htm