Historique, capitale et décisive : les sceptiques et les blasés peuvent ne pas en convenir, mais les observateurs avertis accourus à Alger considèrent que la xvie session du Conseil national palestinien (CNP) l’est. Historique en raison du contexte général. Cette session survient après la cinquième guerre avec Israël qui vit, pour la première fois, un affrontement direct et pratiquement exclusif entre l’armée israélienne mille fois supérieure en hommes et en armement et les combattants palestiniens aidés par les forces communes libanaises. Une guerre différente des autres, longue, meurtrière, coûteuse bien sûr pour les Palestiniens et leurs alliés libanais, mais aussi pour Israël, qui ne s’attendait pas à se trouver bloqué pendant quatre-vingts jours à Beyrouth par une résistance acharnée et hérétique, puis enlisée depuis dix mois dans un Liban où chaque jour il laisse des victimes.
Capitale, elle l’est aussi parce que pour la première fois, si l’on ne tient pas compte de la session constitutive tenue en janvier 1964 à El-Qods, le CNP se tiendra dans des conditions qui lui permettent une indépendance complète tant dans ses travaux que dans ses décisions. Le choix d’Alger n’est pas étranger à cela, car on sait que les Algériens ont, depuis le déclenchement de la révolution palestinienne en janvier 1965, défendu un principe qui leur est cher, car il est inscrit dans l’histoire de leur propre guerre de libération nationale : c’est à l’OLP et à elle seule que revient de droit de décider de ce qui lui convient et dans ses options stratégiques et dans ses choix tactiques ; les pays arabes, eux, ont un seul droit qui est aussi un devoir : apporter une aide et un soutien à la mesure de leurs moyens respectifs, que ce soit à titre individuel ou global, mais toujours en fonction de la demande des Palestiniens eux-mêmes. Cette position triomphe à Alger. Elle met fin à une longue période d’interférence et de pressions externes sur l’OLP qui a subi – et subit encore – les effets nocifs résultant des rivalités interarabes, de la surenchère des uns et des manœuvres des autres. L’heure de la tutelle explicite ou implicite est terminée. Ceux des régimes arabes qui refuseront d’en convenir prennent la responsabilité de s’isoler et de se dresser contre la volonté du peuple palestinien.
Décisive, cette session l’est enfin par le programme dont l’OLP vient de se doter qui consacre à la fois la démocratie et l’unité de pensée et d’action de toutes les composantes du mouvement palestinien ; ce programme discuté dans les moindres détails ferme définitivement la porte à toutes les spéculations quant à la possible remise en cause de la représentativité de l’OLP et de son président Yasser Arafat.
Éclatante manifestation de la maturité des dirigeants palestiniens et du sens des responsabilités qui anime leur combat, ils ne rejettent aucune forme de lutte, bien au contraire, ils les combinent toutes : militaire, politique et diplomatique ; ils consolident les principes de base de la Résistance – droits nationaux, un État indépendant sur sa propre terre palestinienne avec El-Qods pour capitale – hors desquels toute initiative n’a guère de chance de réussir. S’ils se déclarent résolus et fermes quant à ces principes de base et à l’élément – la lutte armée – qui leur a permis de s’imposer, les Palestiniens entendent exploiter toutes les possibilités et prouver concrètement qu’ils sont pour la paix, que l’intransigeance dont ils sont accusés se trouve plutôt du côté des accusateurs – les Israéliens et leurs alliés occidentaux, en particulier américains – qui continuent à nier ce que le monde entier leur reconnaît : hisser leur drapeau sur El-Qods, capitale de leur État indépendant.
Bouzid Kouza