Lucien Bitterlin est mort en février dernier à Téhéran lors de la 4e Conférence de soutien à la Palestine. Il avait 84 ans. Seule une quinzaine de personnes a assisté à ses obsèques. L’auteur de ces lignes a côtoyé pour l’avant-dernière fois ce grand journaliste gaulliste dans un grand hôtel parisien au printemps 2011. À la demande de l’ambassadeur de Syrie à Paris – Lamia Chakkour –, nous avions, l’un et l’autre, été convoqués pour être auditionnés par l’ancienne garde des Sceaux Élisabeth Guigou, qui préparait un rapport d’information pour la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur « la place de la Syrie dans la communauté internationale ».
Auteur d’une dizaine d’ouvrages consacrés au Proche et Moyen-Orient – l’un d’eux demeure le livre de référence sur le sandjak d’Alexandrette (1) – Lucien Bitterlin avait été éblouissant de verve, d’érudition et d’intelligence politique devant la rapporteuse qui se rongeait les ongles… Nous nous étions croisés brièvement avant qu’il ne tombe gravement malade. À chaque fois, cet homme généreux demandait des nouvelles des uns et des autres, faisant toujours preuve d’une élégante discrétion et d’une grande modestie.
Né le 15 juillet 1932, Lucien Bitterlin avait créé avec Pierre Lemarchand et André Goulay le Mouvement pour la coopération (MPC), officine chargée, avec l’accord tacite des autorités, de lutter contre l’OAS après le putsch d’avril 1961 à Alger, en utilisant les mêmes pratiques terroristes. C’est de ces péripéties qu’est née l’appellation « barbouzes », le port de la barbe étant le signe de reconnaissance de ces combattants anti-OAS.
Sous le patronage de Louis Terrenoire, Lucien Bitterlin a été secrétaire général puis président de l’Association de solidarité franco-arabe (Asfa, fondée en 1967) et directeur de sa publication mensuelle France-Pays-arabes (1968-2008). Il a aussi présidé le Comité européen de coordination des associations d’amitié avec le monde arabe, dit Comité Eurabia. Il dirigeait le Bulletin d’information Eurabia et les autres publications françaises du Comité Eurabia. Il a été la cheville ouvrière des groupes Eurabia constitués en divers pays d’Europe par des associations et organisations nationalistes arabes. Il a assisté la création de l’Association parlementaire pour la coopération euro-arabe (APCEA) qui, avec le comité exécutif Eurabia, exerça une influence sur l’évolution de la politique dite méditerranéenne de l’Union européenne. Enfin, Lucien Bitterlin a été administrateur de l’Institut du monde arabe de 1984 à 1986. Il a fait partie du jury du prix Palestine-Mahmoud Hamchari.
Nous adressons toutes nos condoléances à sa famille et ses proches et continuerons à recommander et diffuser les livres de ce grand gaulliste, libre et attachant.
(1)Alexandrette, le « Munich » de l’Orient ou Quand la France capitulait. Éditions Jean Picollec, 1999.