Etant journaliste, c’est-à-dire ni complice ni procureur ni Savonarole, les malheurs ou les bonheurs de Sarkozy, ses plus et ses moins, m’indiffèrent. Seuls les dossiers judiciaires touchant à son activité politique m’intéressent. Le moyen de voir comment se comporte la justice dans une affaire qui touche à un élu au plus haut rang de la République. Les juges sont-ils justes, comme le veut la loi et l’honneur, sont-ils en retrait pour protéger un ancien Président, ou au contraire lancés dans une vendetta qui n’a pas lieu d’être dans le monde de robes noires ? Ausculter l’affaire baptisée par « Médiapart », le « financement libyen de Sarkozy », est pour un citoyen ombrageux et vigilent, des plus salutaire. Disons en aparté, en « off », qu’en tant que journaliste témoin du courant de l’histoire, je crois que la place de Sarkozy, après son œuvre destructeur en Libye et en Syrie, serait bien plus devant la CPI que devant un tribunal correctionnel parisien… Mais c’est ainsi : « Médiapart » est plus écouté que les voix de l’ONU.
Dommage que les reportages sous forme de « radio trottoir » ne soient plus à la mode. Il aurait été utile de poser à « l’homme de la rue » la question du « financement de Sarkozy par Kadhafi », pour obtenir une réponse qui ne pourrait être autre que celle-ci :« Ah oui, les révélations de Médiapart, les valises de d’argent très frais pour le Président » … C’est acté, acquis, les images des valises de cash sont dans les têtes. Tout mot imprimé avec l’onction d’Edwy Plenel devient la salive de Saint Jean bouche d’or. C’est ainsi. Tout juste ridiculisé par la relaxe de l’affaire Tapie (qui n’est ni un modèle ni un ami), plutôt que de présenter des excuses, « Médiapart » pour se « refaire » a bondi sur l’un des idiots du village, François de Rugy. Show must go on.
Pourtant le « dossier libyen », celui qui touche Sarkozy, et par rebond celui d’Alexandre Djouhri -carrément vide-, prend l’eau. Sans l’aide d’un tuteur politique le dossier ne tient plus seul debout : le naufrage judiciaire est proche. Pour ne pas perdre la face la justice va épiloguer, freiner, mais cette fausse affaire ne viendra jamais à la barre. Lancé en 2012 au plein cœur des élections pour écarter Sarkozy de toute chance de second quinquennat, le piège politique, apparait aujourd’hui aussi grotesque qu’une souricière privée de son appât de gruyère.
Mais les attentifs et perspicaces lecteurs, ceux qui ont suivi le feuilleton de « l’argent libyen », se souviennent-ils aujourd’hui que le « scandale » est né d’un « document » publié par « Médiapart »… Sorte de mémo qui annonçait un « financement de 50 millions pour la campagne présidentielle » de Sarko. Rédigé avec des encres différentes et lesté d’une faute d’orthographe au nom de famille de son signataire, Moussa Koussa, Plenel, Valls, Hollande, et leurs amis au sein du Parquet National Financier (PNF) dressaient avec ce document magique une machine à guillotiner du Sarko. C’était habilement joué. Tout cela dans un univers qui leur a facilité le travail, où les relations entre le Président de la République, sa nébuleuse et le Guide libyen furent réglées sur le mode du glauque et du nauséabonde.
Aujourd’hui un témoin prêt à rencontrer les juges s’en est venu dire au « JDD » qu’il a vu l’intermédiaire et immense menteur Zyad Takeddine, l’auto proclamé porteur de valises d’argent liquide, qu’il a vu donc le moraliste libanais avoir entre les mains ce qui allait, affirme-t-il, devenir le fameux « document de Médiapart ». Cette feuille étant mélangée « dans un carton bordeaux » à quelques autres pages portant un en-tête identique, mais vierges…
En ce qui nous concerne nous pouvons ajouter une nuance d’étrange à cette note qui pèse 50 millions, signée de Moussa Koussa, le patron des services extérieurs du « Guide ». Lors d’une récente et tardive investigation, des experts se sont attachés à comparer toutes les signatures de Moussa Koussa avec les exemplaires de sa griffe disponibles. Au bout du compte il apparait que le paraphe du « Document de Médiapart » est identique à la signature, naguère apposée par Moussa Koussa, sur l’un de ses passeports…. Identique au point que les experts sont impressionnés par la qualité de la main de ce Michel Ange de plume que serait l’ancien proche de Kadhafi. Capable de signer deux fois en épousant une même courbe sans le décalage d’un demi-cheveu, fait statistiquement exceptionnel.
On aurait pu en savoir plus puisque, en répondant aux questions du procureur libyen, le chef espion de Tripoli a déclaré que ce document qui porte sa signature est « un faux ». Manque de chance, et c’est aussi le cas pour d’autres PV qui décrédibilisent le « doc » Plenel, ce rapport du magistrat libyen a été « perdu ». Un courant d’air, quelque part dans les étages du Palais de Justice de Paris, a escamoté les documents. Sûrement le vent de l’histoire.
Jacques-Marie Bourget